Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Les nationalités

L’U. R. S. S. est un État multinational où l’on distingue les notions de citoyenneté (soviétique) et de nationalité (russe, juive, arménienne, etc.). La carte des peuples de l’U. R. S. S. fait apparaître une mosaïque de nationalités : en 1970, on en recense 6 de plus de 5 millions de personnes, 23 de plus de 1 million, 26 de plus de 500 000, 32 de plus de 300 000. En fait, le nombre de nationalités recensées dépasse largement la centaine, certaines étant réduites à quelques milliers d’individus, comme les peuples hyperboréens et certains peuples du Caucase se confondant avec une tribu. Généralement, une nationalité est caractérisée par une langue, des coutumes, une culture et un espace géographique. Beaucoup de nationalités ont posé à ceux qui les ont étudiées ou organisées des problèmes quasi insurmontables : ainsi les Ossètes du Caucase, divisés en trois groupes parlant des dialectes fort différents, sans unité de religion et d’importance démographique très inégale (un groupe compte 45 000 habitants, l’autre 230) ; mêmes problèmes pour les Chinois comme les Dounganes, immigrés dans les territoires russes au temps des tsars, qui parlent le chinois, mais le transcrivent en caractères cyrilliques, et qui sont répartis en trois républiques d’Asie moyenne.

La nationalité prédominante est la nationalité russe, peuplant en grande majorité la république de Russie, mais aussi présentant de grosses minorités dans les républiques voisines ou dans celle du Kazakhstan (où elle dépasse la nationalité kazakhe). Il s’agit, d’une part, de séquelles de colonisations antérieures, d’autre part de familles de cadres envoyés par les services de planification pour aider au développement de l’industrie, d’intellectuels qui ont parfois fondé les premières universités et laboratoires de recherches, d’ouvriers qualifiés, d’instructeurs, de politiques et de militaires... La part des Russes augmente en Ukraine, en Lettonie, en Estonie, en Biélorussie, en Moldavie, en Lituanie, républiques européennes proches où pèse une influence russe dans tous les domaines de la vie publique. Ils constituent une majorité relative au Kazakhstan, pays neuf, où les nomades kazakhs ont été chassés ou sédentarisés, mais où, toutefois, l’influence russe diminue légèrement ; en Kirghizie, république frontalière de montagne, les cadres russes sont particulièrement nombreux.

Partout ailleurs, les minorités russes sont nettement plus faibles, cantonnées souvent aux villes, sinon à la capitale, mais composées toujours d’instructeurs, de contrôleurs, de cadres. Leur pourcentage diminue dans les républiques d’Asie centrale, comme dans les républiques transcaucasiennes. C’est l’Arménie qui, en raison de ses particularités et de son éloignement, renferme de loin la plus faible proportion de Russes.

Cette prépondérance de l’élément slave (il faut en effet ajouter les Ukrainiens et les Biélorusses, plus les nationalités slaves d’Europe) tend à s’atténuer avec la montée des républiques du Sud, à tel point qu’un véritable problème du Midi s’est créé en U. R. S. S. depuis quelques années.


Le problème du Midi

Il est posé par la croissance démographique très rapide de la population des républiques d’Asie centrale et des républiques transcaucasiennes.

Une étude des croissances par régions au sein de la république de Russie montrerait que ce sont également les régions méridionales qui s’accroissent le plus.

On est amené à distinguer trois types de régions économiques et démographiques. L’ouest de l’Union représente 68 p. 100 de la population en 1959, mais 65 p. 100 seulement en 1970. L’Est (Sibérie et Grand Nord) passe de 10,7 à 10,5 p. 100. Enfin, le Midi progresse de 21,3 à 24,5 p. 100.

Tout se passe comme si la colonisation des territoires encore peu peuplés s’exerçait désormais en direction des régions sèches et chaudes, et que les régions orientales et hyperboréennes de la Sibérie fussent relativement délaissées. Le centre de gravité de la population tend à se déplacer vers le sud.

L’explication est complexe. Ces mouvements tiennent sans doute aux migrations, plus généralement dirigées vers le midi que vers l’est, aux mouvements de l’est vers le midi, mais surtout aux fortes natalités des républiques méridionales, dont certaines voient leur taux s’accroître.

La comparaison de la croissance des villes du Midi avec celle des villes sibériennes est à l’avantage des premières : ainsi Tachkent s’accroît-elle entre les deux recensements de 49 p. 100 ; Novossibirsk, de 31 p. 100. Les taux de croissance d’Alma-Ata (60 p. 100), de Douchanbe (65 p. 100), de Frounze (96 p. 100) dépassent nettement ceux des villes sibériennes les plus dynamiques (Omsk, 31 p. 100 ; Vladivostok, 52 p. 100). Les régions du Midi comptent désormais 12 villes de plus de 200 000 habitants, contre seulement 9 à la Sibérie et à l’Extrême-Orient.

Les facteurs économiques ont joué également un rôle : création de grands sovkhozes dans les régions du Midi ; intense prospection minière ; fondation de gros combinats ; formation de villes nouvelles. Les investissements semblent avoir été plus élevés, par tête d’habitant, au Kazakhstan que dans les territoires orientaux depuis 1960 : la croissance de la production industrielle est plus élevée entre 1965 et 1970 dans toutes les régions méridionales (y compris l’Ukraine du Sud et le Caucase du Nord) que dans les régions « traditionnelles » de la Russie et de l’Ouest.

On peut donc prévoir un glissement des activités vers le Midi, une relative stagnation de la Sibérie, la présentation d’une vitrine en face des pays musulmans et de l’Asie, la consolidation des frontières en Asie centrale. Ce sont des aspects de la politique méditerranéenne et islamique de l’U. R. S. S. Les prochains recensements industriels et démographiques devraient confirmer ces tendances à la formation d’une sorte de Mezzogiorno soviétique.