urbanisation (suite)
Dans la mesure où les possibilités d’emploi dans le secteur agricole sont médiocres, soit qu’il y ait surpopulation rurale, soit que la prédominance de la grande propriété extensive décourage la majeure partie des jeunes, une part croissante du croît démographique se trouve dirigé vers les villes. Les seules qui offrent des avantages urbains véritables sont les plus importantes : la migration se fait directement des villages vers les grandes villes, dont la seule, dans beaucoup de pays, est la capitale.
L’urbanisation entraîne donc dans l’espace urbain des groupes hétérogènes : à côté des classes rompues à toutes les pratiques de la vie citadine, on voit s’entasser dans les bidonvilles des ruraux qui ne sont pour ainsi dire pas assimilés et qui gardent dans leur comportement l’héritage très lourd d’un passé de tradition. De plus en plus, les jeunes, scolarisés et le plus souvent politisés, constituent une nouvelle catégorie : idéologiquement, ils appartiennent déjà à la société nouvelle, mais celle-ci ne leur réserve aucune place, et leur formation les rend incapables, dans la plupart des cas, de suivre les voies traditionnelles d’intégration, par lesquelles les nouveaux venus apprenaient à se mouler dans le cadre d’une civilisation qui leur était étrangère, mais qui leur fournissait travail et modèle.
L’urbanisation des pays du tiers monde se fait à un rythme inégalé jusqu’ici : même dans l’Europe du xixe s., au moment de l’industrialisation forcenée, on n’a jamais vu la population des villes s’accroître au rythme de 6 ou 7 p. 100 par an, ce qui est devenu courant dans les petites nations, cependant que des taux de 5 p. 100 se rencontrent pour des pays de la dimension du Mexique ou du Brésil.
Dans le monde actuel, les espaces qui sont encore le moins marqués par le mouvement général d’urbanisation sont ceux de l’Afrique noire et de l’Asie de la mousson. Dans ce dernier domaine, les densités moyennes des régions rurales sont si élevées que la mutation sociologique peut se faire sans concentration générale de la population : c’est un peu en ce sens qu’il faut interpréter l’expérience chinoise de socialisme. En Afrique noire, où la population est généralement dispersée, on voit mal comment les mutations en cours pourraient se faire sans un bouleversement profond de l’organisation de l’espace. (V. ill. population.)
P. C.
➙ Agglomération urbaine / Ville.
J. Beaujeu-Garnier et G. Chabot, Traité de géographie urbaine (A. Colin, 1964). / G. Breese, Urbonization in Newly Developing Countries (Englewood Cliffs, N. J., 1966). / K. Davis, World Urbanization, 1950-1970 (Berkeley, 1969-1972 ; 2 vol.). / M. Santos, les Villes du tiers monde (Génin, 1972). / J. Rémy et L. Voyé, la Ville et l’urbanisation (Duculot, Gembloux, 1974).