Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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urbanisation (suite)

En Chine, la mise au point des formes urbaines s’effectue durant le IIe millénaire avant notre ère, et les centres sont nombreux jusqu’au Yangzijiang (Yang-tseu-kiang) dès la fin du Ier millénaire avant J.-C. La pénétration de la Chine du Sud se fait plus lentement ; au-delà, le mouvement affecte dès les premiers siècles de notre ère le Viêt-nam. La diffusion est plus tardive vers l’est, Corée et Japon, mais elle se fait, semble-t-il, très vite au moment de l’expansion du bouddhisme, vers les ve et vie s.

En Asie du Sud-Est, les modèles de villes sont empruntés aux deux grandes aires culturelles voisines, Inde ou Chine. La propagation de la civilisation hindouiste et bouddhique provoque l’apparition de capitales et de sanctuaires urbains dans toute la péninsule indochinoise et en Indonésie au cours du Ier millénaire de notre ère ; les civilisations qui se constituent ainsi n’atteignent leur pleine maturité qu’un peu plus tard, du xie au xve s. La pénétration des influences chinoises est plus tardive en dehors du Viêt-nam.

En Amérique, enfin, les régions où l’urbanisation a commencé sont très limitées au moment de la découverte : elles se cantonnent aux deux foyers de haute civilisation des Andes et de l’Amérique centrale.

Une bonne partie de la première urbanisation du monde est le résultat de l’expansion européenne : là où des villes existaient, les commerçants européens se contentèrent d’y installer des comptoirs ; ils ne créaient de centres que le long des côtes, comme relais à leur commerce. Là où la vie urbaine manquait totalement, dans la plus grande partie de l’Afrique et de l’Amérique, ils furent amenés à multiplier les fondations : le mouvement fut précoce en Amérique ; il ne s’accéléra en Afrique qu’au cours du xixe s., tant la pénétration du continent a demeuré longtemps médiocre.


L’époque moderne et contemporaine

L’urbanisation du monde s’est prodigieusement accélérée depuis le xviiie s. On estime qu’en France la population urbaine ne correspondait encore qu’à 16 p. 100 de la population totale en 1801. Les proportions étaient encore plus faibles dans bon nombre de pays. Dans les colonies d’Amérique, elle était voisine de 5 p. 100 à la même époque. En Russie, on était passé de 2,5 p. 100 en 1630 à 4 p. 100 en 1790. Les seuls pays où les taux d’urbanisation étaient plus élevés étaient ceux qui étaient caractérisés par l’essor précoce des activités commerciales et industrielles. À certaines époques du Moyen Âge, la population flamande a peut-être été urbanisée à 50 p. 100. Dans la province néerlandaise d’Overijssel, le recensement de 1795 note 54,4 p. 100 de citadins. Les estimations que l’on propose pour la population urbaine de l’Angleterre ne sont pas cohérentes. Pour les villes de plus de 20 000 habitants, le taux est de 19 p. 100 en 1801, mais la définition est bien trop restrictive pour l’époque. Les estimations les plus raisonnables donnent un peu plus de 30 p. 100 de citadins à ce moment.

Depuis la fin du xviiie s., l’histoire distingue traditionnellement une série de révolutions techniques : révolution agricole du xviiie s., révolution industrielle, révolution des transports. Au fur et à mesure que l’analyse s’est précisée, il a fallu multiplier les étapes : on parle maintenant de seconde révolution industrielle ; on décrit une nouvelle révolution agricole, qui se déroule en Europe occidentale et aux États-Unis depuis une quarantaine d’années. Il est utile de regrouper ces notations : au fur et à mesure que le temps passe, on prend mieux conscience de l’ampleur des transformations que subit l’humanité ; on est en train de vivre la phase de transition de la société traditionnelle, marquée par le dualisme des villes et des campagnes, à la société postindustrielle, caractérisée par son urbanisation à peu près totale.

Quelles sont les causes de cette évolution ? Elles se situent d’abord au niveau des techniques. L’amélioration permanente de la productivité en matière agricole et en matière industrielle a provoqué un glissement continu de la population active d’un secteur à l’autre, comme l’ont bien montré Colin Clark et Jean Fourastié. En matière de production alimentaire, les progrès ont vite amené une réduction de l’emploi, dans la mesure où la demande est relativement inélastique : il faut peu de temps pour satisfaire tous les besoins. En matière de production industrielle, l’évolution a été assez différente. Les appétits instrumentaux des sociétés étaient considérables, et la production était réduite. Dans un premier temps, la population industrielle a crû rapidement : l’augmentation de la demande était très vive, et l’abaissement des prix de revient la stimulait. L’invention de nouvelles catégories de biens d’équipement a maintenu la pression sur la demande aussi vive jusqu’au milieu de notre siècle, mais l’accroissement de la production s’est de plus en plus effectué sans hausse des effectifs employés. On voit maintenant s’esquisser une diminution de ceux-ci : elle est déjà importante aux États-Unis et au Canada.

En un siècle et demi, la part de la population employée dans l’agriculture a baissé de 80 à 5 p. 100 ; les effectifs ouvriers, qui correspondaient à 10 p. 100 du total au début du xixe s., ont crû jusqu’à représenter 50 ou 55 p. 100 de la population active. De nos jours, la part du secteur secondaire n’est plus que de 30 p. 100 aux États-Unis. La population agricole est nécessairement dispersée et soustraite à l’urbanisation. Les ouvriers et les employés de l’industrie peuvent aussi bien travailler à la campagne qu’en ville. Cependant, la concentration croissante des fabrications tend à faire des zones de peuplement industriel des aires assez denses pour justifier des équipements proprement urbains, et les activités modernes ont de plus en plus tendance à s’implanter dans les milieux urbains pour profiter de toutes les externalités qui y sont produites.