Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Autriche (suite)

Les partis politiques

La vie politique autrichienne est caractérisée par la persistance, depuis les dernières décennies de la monarchie, de l’existence, en son sein, de trois grandes tendances, libérale, socialiste, démocrate-chrétienne, auxquelles il faut ajouter un parti communiste minuscule. Avec le temps, la tendance libérale perd de son importance, et le pays tend à se rapprocher du bipartisme.

• Le parti communiste (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ), né en 1918, s’est trouvé depuis ses origines en conflit avec le parti socialiste. Réorganisé par Johann Koplenig à partir de 1925 sur les bases du centralisme démocratique, il demeura en marge de la vie politique de la Ire République. En 1945, bien soutenu par l’occupant soviétique en zone orientale, il participa aux deux gouvernements Renner, obtenant sept puis dix portefeuilles, dont l’Intérieur et l’Éducation nationale (Ernst Fischer). Les élections de novembre 1945 ramenèrent sa représentation à de plus justes proportions, et le parti ne compta plus qu’un seul ministre, Karl Altmann, démissionnaire en novembre 1947. Les grèves plus ou moins insurrectionnelles de 1950 ayant échoué, l’électorat ouvrier se détourna du parti dans une proportion toujours plus grande, lui refusant à partir de 1959 toute représentation parlementaire. En 1965 s’est créée une fraction dissidente prochinoise (Pekinger Fraktion), tandis que les événements de 1968 en Tchécoslovaquie assuraient la victoire des partisans de la « ligne dure », fidèles au parti soviétique, et provoquaient en octobre 1969 l’exclusion d’Ernst Fischer, représentant du « socialisme à visage humain ».

• Le parti libéral (ou parti « bleu ») n’avait pas été autorisé par les puissances occupantes à se reformer en 1945, parce qu’il était le continuateur des mouvements antisémite, pangermaniste et nazi. En 1949, des groupes de droite se réunirent, obtinrent l’appui des socialistes soucieux de mordre ainsi indirectement sur l’électorat du parti populiste et formèrent une « ligue des indépendants » (Verband der Unabhängigen, VdU), qui prit le nom de parti électoral des indépendants (Wahlpartei der Unabhängigen, WdU) aux élections de 1949 et de 1953. Formé de conservateurs situés nettement à droite, défenseurs des classes moyennes et anticléricaux, ce parti, devenu le parti libéral en 1955 (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ), vit sa clientèle baisser à mesure qu’on s’éloignait de la période 1934-1945. Exclu de la coalition gouvernementale, refusant toute alliance avec les socialistes (projet de « petite coalition »), il s’affaiblit encore par une série de querelles internes suivies de dissidences. Les luttes au sein de la « grande coalition » ne lui furent pas davantage favorables. Le parti libéral souffre d’une bipolarisation toujours plus réelle de la vie politique. Les tentatives qu’il a faites pour se démarquer à droite (congrès et programme de Klagenfurt de 1957) ont accentué les similitudes avec le parti populiste, de sorte qu’il n’a pu jusqu’à présent effectuer la percée tant désirée au niveau gouvernemental, les populistes repoussant de leur côté tout accord en ce sens.

• Les socialistes autrichiens, qui étaient dans l’illégalité depuis 1934, ont reconstitué leur parti (Sozialistische Partei Österreichs, SPÖ) le 14 avril 1945. Ce parti « rouge » regroupe la tendance dure (anciens socialistes révolutionnaires) et la tendance libérale : cette fusion a mis fin à une division dommageable, qui avait surtout fait le jeu des forces conservatrices sous la Ire République, et le parti a pris une orientation nettement réformiste. Son programme prône les nationalisations, la cogestion, le refus de toute dictature et s’appuie sur la thèse du dépassement partiel du marxisme. Jadis parti de la classe ouvrière (Arbeiter-Partei), il veut être, selon les termes du « Nouveau Programme » de 1958, sinon tout à fait un parti pour tout le peuple à la manière des sociaux-démocrates allemands (Deutsche Volkspartei), du moins le parti de tous les travailleurs (« Partei aller Arbeitenden »). De ce fait, il tend à se rapprocher du centre gauche, ce que semblent confirmer les progrès de son implantation dans les petites villes, les villages et toutes les couches de la population, alors que la masse de son électorat résidait surtout dans les villes et l’agglomération viennoise. L’exercice des responsabilités gouvernementales a renforcé cette tendance. Le parti socialiste, s’il réclame la planification et l’extension des nationalisations, affirme le droit à la propriété, les vertus de l’initiative privée et de la libre concurrence. Conscient de l’existence de nouveaux désirs dans la population, il propose l’augmentation du bien-être et la sécurité. Ce socialisme vise surtout à assurer dans la liberté l’ordre, le respect de chacun et des traditions, la transformation de la société autrichienne par une plus juste répartition des richesses et par une industrialisation poussée. Européen, il propose la création d’un vaste ensemble continental qui s’organiserait sur un type de société proche du modèle suédois.

• Le parti populiste (Österreichische Volkspartei, ÖVP), ou parti « noir », fondé en avril 1945, est l’héritier du mouvement chrétien-social né sous la monarchie (Karl von Vogelsang [1818-1890]) et qui s’était développé sous l’impulsion de Karl Lueger (1844-1910). Son électorat est surtout originaire des régions agricoles, montagnardes, à forte tradition catholique.

Il se présente comme le parti de tout le peuple (Volkspartei), défend l’État fondé sur le droit (Rechtsstaat), la sauvegarde de la République, et demande la décentralisation et l’accroissement des pouvoirs des Länder par hostilité à la concentration du pouvoir (Machtzusammenballung) au niveau national, génératrice d’oppression ; sur le plan social, il refuse le collectivisme marxiste, défend la propriété individuelle, veut faire de l’Autriche un peuple de propriétaires et rejette la « prolétarisation des possédants » au profit de la « déprolétarisation des non-possédants ». Sa philosophie générale, moins marquée à droite que par le passé, demeure chrétienne, même s’il est soucieux de se défaire d’une évidente influence confessionnelle. À la vision matérialiste et à la doctrine de la lutte des classes, le parti oppose une conception des rapports sociaux fondée sur le « solidarisme » chrétien (christlicher Solidarismus). D’autre part, il est partisan de l’élargissement de l’Europe des Six à un ensemble inspiré par la pensée de la démocratie chrétienne.