Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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trompette (suite)

 V. C. Mahillon, Catalogue descriptif et analytique du musée instrumental du Conservatoire royal de musique de Bruxelles (Acad. Hoste, Gand, 1893-1900 ; 3 vol.). / E. Rhodes, les Trompettes du roi (A. Picard, 1909). / M. J. B. Franquin, « la Trompette et le cornet », dans Encyclopédie de la musique et dictionnaire du conservatoire, sous la dir. de A. Lavignac et L. de La Laurencie, 2e partie, vol. III (Delagrave, 1913-1931 ; 11 vol.). / W. Menke, Die Geschichte der Bach- und Händel-Trompete (Londres, 1934). / A. Carse, Musical Wind Instruments (Londres, 1939). / G. Gourdet, les Instruments à vent (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1967). / L. Vaillant, Traité pédagogique de trompette et de cornet (Leduc, 1969).

trompettistes de jazz (les)

Lors de certains concerts, au début des années 70, des amateurs de jazz crurent à un effet « d’avant-garde » quand ils virent Don Cherry, musicien afro-américain considéré comme un des initiateurs du « free* jazz », souffler dans une coquille de mer en spirale. Connu surtout comme trompettiste et cornettiste, ce musicien ne faisait que souligner, en fait, sa fidélité à un esprit de famille instrumentale : il retrouvait un ancêtre de toutes les trompes (africaines, romaines...) et trompettes — le strombos des Grecs —, et, du même coup, cette fonction de porte-voix indissociable de tous les instruments à vent.


De fait, rares sont les civilisations où la trompe (ou la trompette) n’a pas joué un rôle — de ponctuation, de signalisation, d’information — dans la vie du groupe (religieux, militaire, etc.). Il n’est donc guère surprenant que la trompette (ou ses « cousins » : cornet, bugle) se soit imposée comme « l’instrument roi » dès les premières manifestations orchestrales de la musique afro-américaine aux États-Unis.


En fanfare, en sourdine...

Comme les autres cuivres (saxophones*, trombone*, tuba...), la trompette « jazz » est issue des brass-bands et fanfares, qui ont toujours constitué aux États-Unis un élément très important de la vie musicale populaire (défilés, associations, fêtes locales ou nationales, etc.). Aujourd’hui encore, nombre de jeunes trompettistes américains se familiarisent avec le maniement des pistons dans de tels orchestres. Tradition franco-créole et espagnole, mémoire des fanfares napoléoniennes et autres séquelles de l’histoire mouvementée — en tant que colonie — de la Louisiane expliquent que les premiers grands trompettistes recensés par les historiens du jazz soient presque tous originaires de La Nouvelle-Orléans*. Parmi ces pionniers (qui jouaient dans des orchestres se distinguant fort peu, au niveau de leur instrumentation et de leur fonction sociale, des fanfares ou des orchestres de cirque de la même époque), il faut citer Buddy Bolden (v. 1868-1931), Manuel Perez (1879-1946) et Buddy Petit (1887-1931). S’il ne reste de leur travail aucun témoignage phonographique, l’autobiographie du pianiste Jelly Roll Morton* permet, du moins, d’alimenter leur légende. Il semble, en tout cas, que, jusqu’aux années 20, le trompettiste ait surtout une fonction de leader — exposé des thèmes, direction des improvisations collectives, mais encore fort peu de solos improvisés. La puissance, le volume, la vélocité et la virtuosité dans le registre aigu sont — et resteront longtemps — les critères principaux. Mais, si les jazzmen ont su faire évoluer la technique instrumentale du point de vue quantitatif (plus haut, plus fort, plus vite...), ils ont aussi et surtout travaillé dans le sens d’une incessante diversification du son, le statut de l’instrument dans la musique afro-américaine étant essentiellement celui d’un prolongement, d’un substitut de la voix. Aussi, à côté d’une sonorité « pure », « classique » et, en fait, dépersonnalisée, les trompettistes de jazz ont multiplié à l’extrême les possibilités sonores, les nuances et les accessoires. Effets de vibrato, diversité de l’attaque, utilisation peu académique des pistons, adjonction de sourdines (de métal, de caoutchouc, de feutre...) et autres trouvailles (growl ou grognement, roulades, etc.) vont permettre que se manifeste cette constante de la musique noire : il n’y a pas un son, modèle unique et codifié une fois pour toutes, mais autant de sons, de « voix », que de musiciens.

Au début du siècle, la plupart des grands noms du jazz sont ceux de trompettistes-chefs d’orchestre : Freddie Keppard, Bunk Johnson, Papa Celestin, Natty Dominique, Emmett Hardy, Punch Miller, Kid Madison, Lee Collins, Papa Mutt Carey, Kid Howard... Les plus connus sont cependant le Noir King Oliver et le Blanc Nick La Rocca, tous deux originaires de La Nouvelle-Orléans, mais qui furent surtout célèbres grâce aux enregistrements qu’ils réalisèrent respectivement à Chicago et à New York. Peu à peu, le rôle du trompettiste va s’étendre et, de plus en plus souvent, se développer au niveau du solo. Conductrice des improvisations collectives, la trompette aura de plus en plus tendance à sortir de ce contexte polyphonique, accédant ainsi à une relative indépendance.


En solo et en section

Instrument leader, la trompette est intimement associée au « jazz » pour le grand public. Cela explique que le plus universellement (re)connu des musiciens de jazz soit un trompettiste — Louis Armstrong*. Avant Armstrong, après Armstrong : ainsi pourrait-on diviser l’histoire de la trompette. Sous l’impulsion d’Armstrong, le trompettiste devient soliste à part entière. Parmi les nombreux trompettistes contemporains — et, à des degrés divers, disciples — d’Armstrong, il faut citer Joe Smith, Tommy Ladnier, Muggsy Spanier et Bubber Miley, un des premiers utilisateurs de la sourdine en caoutchouc et, de ce fait, un des inventeurs, dans l’orchestre de Duke Ellington*, du style « wa wa ». À la même époque, parmi les jeunes musiciens blancs de Chicago, le cornettiste Bix Beiderbecke s’impose par un style où un « legato » soutenu se substitue au « staccato » caractéristique des pionniers louisianais. On retrouve des traces de son influence chez Jimmy McPartland, Bobby Hackett, Red Nichols et Bunny Berigan.