Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tripolitaine (suite)

Conquise avec le reste de l’Afrique* romaine par les Vandales au ve s., elle devient en 534 une possession de Byzance, qui la conserve jusqu’à la conquête arabe de 643. Le christianisme fait place à l’islām. La Tripolitaine appartient ensuite à différentes dynasties arabes (Arhlabides* [ixe s.], Fāṭimides* [xe s.], Almohades* [xiie-xiiie s.]) et Ḥafṣides [xiiie s.]) ou à des chefs locaux (dynastie des Banū ‘Ammār [xive s.]).

Repaire de pirates, la Tripolitaine est occupée en 1510 par les troupes espagnoles de Ferdinand le Catholique. Charles Quint la donne en fief en 1530 aux chevaliers de Malte. En 1551, le corsaire turc Dragut expulse les chevaliers de Tripoli, qui devient le chef-lieu d’un vilayet ottoman. Durant deux siècles et demi, les pirates turcs de Tripolitaine font peser une menace grave sur le trafic méditerranéen : aussi les États de l’Europe occidentale organisent-ils à plusieurs reprises des expéditions punitives et bombardent Tripoli, mais sans grand résultat.

Soumise aux Ottomans de Constantinople, la Tripolitaine devient indépendante (1714) sous le règne d’Ahmed Paşa Karamanlı (1711-1745), et les successeurs de ce dernier se contentent de payer un tribut à la Porte. Le pays jouit d’ailleurs d’une certaine prospérité, Tripoli étant le principal centre d’échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe, en redevenant, comme jadis, le grand débouché maritime du Soudan.

Mais les exigences des pachas, qui prétendent soumettre les nations étrangères au paiement d’un lourd tribut, provoquent en 1801 une guerre entre la Tripolitaine et les États-Unis. Le conflit dure quatre ans : une expédition américaine oblige le pacha à conclure la paix (1805) et à réduire ses prétentions en matière de tarifs douaniers. En 1815 encore, les Américains envoient des troupes pour faire respecter le traité de 1805.

Mettant à profit des luttes internes, les Turcs réussissent à rétablir en 1835 leur autorité sur la région.

L’établissement des Français en Tunisie* en 1881 provoque des frictions à propos du tracé des frontières. L’occupation française a une autre conséquence : l’Italie, qui espérait s’installer elle-même en Tunisie, regarde alors vers la Tripolitaine et la Cyrénaïque voisine, où de nombreux colons italiens se sont établis à la fin du xixe s. En septembre 1911, l’Italie déclare la guerre à la Turquie et envahit la Tripolitaine, que les Turcs lui abandonnent au traité d’Ouchy (18 oct. 1912). Mais les Italiens n’occupent encore que la région côtière. Ils rencontrent de fortes résistances à l’intérieur des terres ; cependant, en août 1914, toute la Tripolitaine, y compris le Fezzan, est entre leurs mains.

La Première Guerre mondiale freine la colonisation ; l’entrée en guerre de l’Italie (23 mai 1915) suscite une révolte générale qui oblige les Italiens à évacuer leur colonie, sauf les ports de Homs et de Tripoli.

Après la guerre, les Italiens entreprennent la reconquête du pays et, en 1930, ils ont rétabli leur autorité sur l’ensemble de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Ces deux régions sont réunies le 1er janvier 1934 pour former la colonie italienne de Libye, qui est incorporée au royaume d’Italie le 9 janvier 1939.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le pays est le théâtre des combats de l’armée Rommel contre les Alliés. Conquise en janvier 1943 par la VIIIe armée britannique et les forces françaises du général Leclerc, la Tripolitaine, selon la décision des Nations unies, fait partie de la Libye depuis le 21 novembre 1949.

P. P. et P. R.

➙ Libye.

 R. Bartoccini, Le Antichità della Tripolitania (Milan, 1926). / A. M. Morgantini, La Libia occidentale (Tripoli, 1938).

Tristan (les romans de)

La plus belle histoire d’amour de tous les temps. La légende de la passion fatale, plus forte que toutes les contraintes sociales. Des romans parmi les plus prestigieux des littératures médiévales française ou allemande. Un mythe qui ne cesse de hanter la conscience des hommes et que Cocteau cultive encore avec son scénario du film l’Éternel Retour.


Tout commence au xiie s., lorsque le jongleur gallois Bréri révèle à la cour de Poitiers la tragique histoire des amants enchaînés par le philtre. « Érotique » certes, moins lumineuse que la fine amors, la tendresse mortelle du neveu de Marc pour la princesse d’Irlande enchanta les troubadours, qui se comparaient volontiers à Tristan. Les trouvères et les romanciers d’oïl furent plus réticents, à en juger par la réaction de Chrétien* de Troyes (v. aussi courtoise [littérature]). C’est pourtant en langue d’oïl que devaient paraître les premiers grands Tristan en vers, qui ne sont conservés que par des fragments.

Thomas composa le sien entre 1170 et 1175. La date du roman écrit par Béroul est controversée. Ce roman est de facture assez archaïque, mais une indication donnée par l’œuvre repousserait sa composition après 1191 : l’allusion à une épidémie qui décima l’ost des croisés à Acre cette année-là est-elle une interpolation ou s’insère-t-elle dans une partie plus récente ? Car on a mis en doute l’unité de l’ouvrage : les barons qui dénoncent les amants au roi reparaissent après avoir été tués par Tristan. Faut-il croire qu’il y a deux auteurs ou plus, ou un seul Béroul ? Ne faut-il pas penser plutôt que Béroul a juxtaposé une pluralité de lais contradictoires ? De toute façon, la version qu’il transcrit a été connue telle quelle par un public qui ne semblait pas prêter une grande attention à ces invraisemblances et qui s’intéressait plus à la matière du roman qu’à sa logique.

Le roman de Béroul se rattache à la tradition dite « commune » et celui de Thomas à la tradition « courtoise ». La tradition commune est plus proche de la légende originelle : le philtre y apparaît comme la cause véritable de l’amour, alors qu’il tend, dans la tradition courtoise, à n’être plus qu’un symbole. À la tradition commune appartiennent aussi la Folie de Berne et le Tristan d’Eilhart von Oberg ; à la tradition courtoise appartiennent la Folie d’Oxford et le Tristan de Gottfried de Strasbourg ainsi qu’une version norroise et le Sir Tristram en moyen anglais.