Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

transport (suite)

Il est des cas où les transports doivent être interrompus pour changer d’une ligne à l’autre : les ruptures de charge constituent des frais importants. Lorsque les dépenses ainsi occasionnées sont beaucoup plus lourdes que celles qui sont proportionnelles aux distances franchies, l’optique de l’organisateur du réseau change : pour arriver à une structure optimale du réseau, il a intérêt à limiter le nombre des points de commutation. Si les coûts de changement sont très élevés, il est conduit à faire converger toutes les lignes de transport vers un même point où les commutations se font aisément. Pour aller d’un point à un autre dans un tel système, on n’a jamais plus d’un transbordement à effectuer ; c’est la figure la plus économique pour chaque utilisateur et pour la communauté.

Les transports de marchandises sont surtout caractérisés par l’importance des frais proportionnels : on cherche à composer les lignes de transport en obtenant les concentrations les plus fortes de trafic. Dans le cas où le territoire à desservir est allongé, la meilleure formule est de construire un grand axe dans le sens du pays et d’y relier les points par des voies perpendiculaires de moindre trafic : on note cette disposition pour les grandes voies ferrées et les autoroutes dans des pays comme la Yougoslavie, la Suède et, dans une moindre mesure, l’Allemagne fédérale ou l’Italie péninsulaire. Lorsque l’espace a une forme plus massive, un seul axe ne suffit pas ; on peut arriver à une figure satisfaisante en traçant deux axes perpendiculaires qui se croisent au centre : en Angleterre, les grandes voies ferrées et les autoroutes convergent ainsi vers les Midlands, de part et d’autre de Birmingham.

En ce qui concerne les déplacements de personne, les dépenses les plus lourdes sont souvent celles qui sont liées à la commutation : la tentation est donc de faire converger les voies sans se donner la peine de les composer pour gagner sur les coûts par des économies d’échelle. La structure des voies de communication dans des pays où elles ont été construites selon un plan politique plus qu’économique est caractéristique. Paris est devenu successivement pour la France le pivot des réseaux routiers, ferroviaires et autoroutiers.

Les lignes aériennes sont également souvent focalisées sur un petit nombre de points où les changements sont aisés. Cependant, lorsque la dimension de l’espace croît, il apparaît de plus en plus difficile de multiplier les détours pour gagner en commutativité. Le réseau s’ordonne autour de pôles plus ou moins hiérarchisés : les lignes aériennes américaines en offrent un bel exemple, mais aussi les réseaux qui commencent à se structurer dans des espaces plus étroits, en France en particulier, avec un double foyer, principal à Paris, secondaire à Lyon.

Dans les espaces de dimension continentale, les États-Unis, l’U. R. S. S., l’architecture même du réseau des transports de marchandises est complexe : il comporte des voies pénétrantes qui permettent d’exploiter toutes les ressources, et une région centrale où la structure est marquée par une concentration sur des itinéraires bien équipés (les trunklines du réseau ferroviaire américain par exemple) ; ceux-ci sont disposés selon un plan rayonnant en U. R. S. S., et selon une architecture maillée en Amérique. Dans les pays en voie de développement, qui ne sont bien souvent que le prolongement des espaces économiques des nations industrielles, les voies s’ordonnent d’abord selon des lignes parallèles, pour relier les mines et les régions de plantations aux ports d’exportation. Le réseau ne se coordonne qu’au moment où l’économie nationale et la société commencent à développer leur cohésion et à accroître échanges et complémentarités internes.

L’analyse des architectures de transport selon la méthode des lignes de désir et des tracés optimaux qui permettent de les satisfaire suppose que les localisations sont indépendantes du tracé des voies. L’hypothèse est réaliste dans le court terme et dans les économies où la plupart des agents sont liés aux ressources qu’ils exploitent directement. Dans le long terme et dans les sociétés où les progrès de la productivité du travail dans le secteur primaire libèrent les hommes de la terre ou des mines, la situation est différente : les possibilités de transport deviennent un des éléments décisifs dans le choix des lieux d’implantation aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs. L’architecture du réseau des transports cesse d’être la conséquence des besoins de la société : elle devient le principe même selon lequel s’explique l’organisation de l’espace.

Au total, l’analyse des conditions dans lesquelles on coordonne les voies à l’intérieur d’un réseau en essayant de profiter au maximum des économies d’échelle et des économies de commutation explique la formation, dans tout espace économique, de territoires au sein desquels les échanges sont plus nombreux, s’ordonnent autour d’un certain nombre de pôles ou d’axes : ainsi s’explique la genèse des constructions régionales ou nationales que la géographie cherche à comprendre.

P. C.

➙ Aériens (transports) / Autoroute / Canal / Chemin de fer / Espace géographique / Marché / Marine / Navigation / Navigation fluviale / Route / Tourisme / Urbanisation / Ville.

 R. Clozier, Géographie de la circulation, t. I : l’Économie des transports terrestres (Génin, 1964). / A. Vigarié, Géographie de la circulation, t. II : la Circulation maritime (Génin, 1968). / S. Wickham, Économie des transports (Sirey, 1969). / J. Ritter, Géographie des transports (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971). / A. Hay, Transport for the Space Economy. A Geographical Study (Londres, 1973). / E. J. Taaffe et H. L. Gauthier, Geography of Transportation (Englewood Cliffs, N. J., 1973). / M. Wolkowitsch, Géographie des transports (A. Colin, 1973). / P. Josse, Aspects économiques du marché des transports (Eyrolles, 1974).