Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

toxicomanie (suite)

Les mesures répressives concernent les trafiquants de drogue, simples transporteurs aussi bien que producteurs ou importateurs, et les usagers. Les trafiquants sont susceptibles d’encourir des peines d’emprisonnement allant jusqu’à vingt ans, et des amendes pouvant atteindre 50 millions de francs. Des pouvoirs étendus sont remis aux autorités de police et au parquet pour faciliter la recherche de ces délits et la découverte de leurs auteurs (visites, perquisitions, saisies à toutes les heures du jour et de la nuit dans les locaux où l’on usera en société de stupéfiants). Le délai de garde à vue est prolongé pour ces délits (de quarante-huit heures pour le droit commun, il passe à quatre jours). Est également sanctionnée la provocation à ces délits.

Ces mesures sont indispensables, mais sûrement insuffisantes pour faire disparaître le phénomène toxicomaniaque.

G. R.


Conséquences des toxicomanies

Malgré la tolérance des toxicomanes à l’égard de leur drogue de prédilection, des complications graves sont inévitables quand l’état d’intoxication chronique se prolonge suffisamment longtemps. Certaines sont d’ordre somatique : déséquilibre neurovégétatif, altération sévère de l’état général avec épuisement physique, anorexie, amaigrissement, diminution de la résistance aux infections, complications infectieuses (hépatiques, pulmonaires, septicémiques), mort subite (par surdosage ou intolérance brusque). La plupart intéressent le psychisme et le comportement social : on observe fréquemment des confusions mentales aiguës, des manifestations oniriques, des psychoses délirantes aiguës (pharmacopsychoses) qui passent souvent à la chronicité, un affaiblissement intellectuel progressif avec détérioration du jugement et du sens moral, des conduites antisociales (actes violents, vols, homicides, escroqueries, etc.), des troubles sexuels, une désadaptation socio-professionnelle (baisse du rendement, déclassement, licenciement) et familiale (divorce notamment). Les échecs successifs conduisent à de nouveaux excès toxicomaniaques.

Statistiques

On compte 2 millions de toxicomanes aux États-Unis, notamment parmi les jeunes étudiants, et l’héroïne est responsable d’environ 1 000 décès par an. En France, il existe 39 000 drogués, mais seulement 3 000 en état de dépendance totale (4 060 au Canada) ; ils se recrutent pour un tiers parmi les intellectuels et pour un huitième parmi les employés ; les produits employés sont, par ordre décroissant : cannabis, héroïne, LSD, morphine, opium. En 1972, il a été procédé à l’arrestation de 85 trafiquants internationaux et de trois cent vingt et un intermédiaires. Ont été saisis 560 kg d’héroïne, 393 kg de cannabis, 162 kg de morphine. Quant à l’abus des psychotropes, il est démontré par cette proportion affolante : 10 p. 100 de la dépense pharmaceutique totale, soit près de 400 millions de francs.

M. L. C.


Traitement

Le traitement curatif est particulièrement difficile, décevant dans la plupart des cas.

La cure de désintoxication en est le premier élément nécessaire, mais non suffisant. Elle doit toujours se dérouler dans un isolement complet. Il faut qu’elle soit longue (deux mois au moins dans les toxicomanies majeures) et très surveillée. Il existe en France de nombreux centres ou hôpitaux particulièrement orientés vers le problème de la drogue.

Le sevrage s’effectue en général d’une manière rapide, malgré les diminutions très lentes des doses de drogue que réclament la plupart des toxicomanes. Les accidents de sevrage se révèlent beaucoup moins intenses qu’on ne le pensait autrefois. S’il existe d’incontestables troubles physiopathologiques en rapport avec « le manque ou le besoin », on note aussi des réactions d’anxiété ou de peur, voire de chantage. L’utilisation de neuroleptiques, de tranquillisants, de barbituriques ou de cures de sommeil courtes, et parfois d’électronarcoses, atténue très nettement les difficultés de la période de sevrage.

En fait, la cure, après le sevrage proprement dit, doit utiliser diverses chimiothérapies psychotropes luttant contre le terrain neuro-biochimique pathologique, l’anxiété, les éléments dépressifs, le noyau psychotique éventuel, etc., qui favorisent la toxicomanie. La psychothérapie est indispensable pour amener le malade à tolérer l’absence de sa drogue, à affronter l’existence sans y avoir recours et à prendre conscience de la fausse solution et de la régression infantile que représente pour lui l’usage de toxique. Certains problèmes névrotiques et conflits qui entretiennent la toxicomanie peuvent ainsi se résoudre et dans quelques cas la guérison est de bonne qualité : encore faut-il que le malade soit régulièrement suivi, trouve une adaptation professionnelle et familiale satisfaisante et un accueil valable dans le groupe social ou la collectivité. Le rôle de l’entourage est primordial. Il faut à la fois éviter de traiter le sujet en enfant coupable, de le plaindre exagérément en cédant à toutes ses exigences, mais lui témoigner une certaine disponibilité en se montrant attentif à ses problèmes. En fait, les échecs sont terriblement nombreux, et les résultats durables du traitement relativement rares. Et pour bien des toxicomanes, surtout s’il s’agit de déséquilibrés, les mesures sociales de répression ou de contrôle s’imposent, et parfois même des mesures d’internement en cas de troubles graves de la conduite sociale.

G. R.

➙ Accoutumance / Alcoolisme / Barbituriques / Hallucination / Opium / Psychotrope / Stupéfiant.

 A. Porot, les Toxicomanies (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 4e éd., 1971). / J.-L. Bellanger, la Chasse au dragon. La stupéfiante histoire de la drogue dans le monde (Del Duca, 1961 ; nouv. éd., la Stupéfiante Histoire des drogues, 1970). / A. Boudreau, Connaissance de la drogue (Éd. du Jour, Montréal, 1970). / P. Chauchard, le Désir de la drogue. Imagination et réalité (Mame, 1970). / G. S. Claridge, Drugs and Human Behavior (New York, 1970 ; trad. fr. les Drogues et le comportement humain, Paryot, 1972). / M. Hanus, Drogues et drogués (Bordas, 1971). / G. Varenne, l’Abus des drogues (Dessart, Bruxelles, 1971). / P. J. Doll, la Lutte contre la toxicomanie (Bordas, 1972). / P. Bensoussan, Qui sont les drogués ? (Laffont, 1974).