Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

tige (suite)

Certaines plantes à tiges grimpantes sont dénommées des lianes ; de très grande taille dans les pays chauds (plusieurs centaines de mètres), elles vivent appuyées sur les arbres de la forêt équatoriale et s’élèvent jusqu’à leur sommet pour épanouir feuilles et fleurs à la lumière. Elles sont remarquables par la structure de leurs tiges ; certaines, de section circulaire (Bignoniacées), ont des secteurs où l’assise génératrice secondaire ne fonctionne pas normalement ; le bois ne se développe pas, et à sa place c’est le liber qui devient le plus abondant et présente comme des coins enfoncés dans le bois. Chez les Ménispermacées, après élaboration d’une structure normale, il se produit, seulement sur un petit secteur, un développement anormal d’arcs successifs de bois et de liber qui font prendre à la tige une section aplatie. Dans d’autres familles (Sapindacées, Malpighiacées), on trouve, autour de la structure normale, des assises génératrices qui produisent xylème et phloème, formant ainsi de nouveaux faisceaux présentant des structures très complexes. Les tiges peuvent s’enrouler autour de supports (tiges volubiles), quelques-unes tournant de droite à gauche (Houblon, Chèvrefeuille), la plupart de gauche à droite (Liseron, Haricot).


Les tiges aplaties

Certaines tiges sont aplaties et prennent la forme de feuilles ; elles ont alors une fonction chlorophyllienne très nette, les feuilles étant d’autre part réduites ; c’est le cas de très nombreux « mimosas » et du « petit-houx » de nos sous-bois, à cladodes épineuses qui portent en leur centre une fleur. Les raquettes d’Opuntia sont des tiges aplaties qui possèdent deux fonctions, l’une chlorophyllienne et l’autre de réserve (eau).

On voit donc que la « tige » est un des éléments les plus importants des végétaux, car elle conditionne son port et sa vie, qu’elle donne au végétal sa propre personnalité, mais que cet organe si important peut s’adapter à de nombreuses fonctions et même être, dans certains cas extrêmes, presque totalement absent.

J.-M. T. et F. T.

Tillich (Paul)

Théologien protestant américain d’origine allemande (Starzeddel, Prusse-Orientale, 1886 - Chicago 1965).


Paul Tillich est, avec Barth* et Bultmann*, ses contemporains, un des « trois grands » qui dominent l’univers intellectuel des Églises de la Réforme. Moins dogmaticien que Barth, moins exégète que Bultmann, il se veut « homme des frontières », enraciné à la fois dans la tradition luthérienne et dans la culture contemporaine. Il vit profondément, à l’intérieur de soi-même, le dialogue entre la foi originelle et la modernité, qui lui paraît la tâche décisive d’une théologie pour le temps présent.

Tillich n’ignore pas, pour autant, les défis et périls de ce dernier : représentant, comme Barth, de la ligne du « socialisme religieux » (on dirait aujourd’hui « chrétien pour le socialisme »), il est membre du parti social-démocrate au moment de l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler. Alors que l’existentialisme de Bultmann et son individualisme teinté de piétisme lui permettront de traverser la tempête sans être directement inquiété, Tillich, qui sait, comme Barth, que la foi ne peut esquiver ses responsabilités politiques, est, comme lui, révoqué et prend le chemin de l’émigration. C’est à New York et à Chicago qu’il poursuit sa carrière ; malgré les difficultés linguistiques qu’il éprouvera jusqu’à la fin de sa vie, il deviendra un des théologiens les plus écoutés de l’immense et contradictoire protestantisme américain. La raison de sa mise à pied est hautement significative : il n’hésite pas à demander l’expulsion de l’université d’étudiants nazis qui ont molesté leurs camarades juifs.

Au contact de ce monde déconcertant que Bonhoeffer* n’hésitait pas à nommer « protestantisme sans réformation », Tillich, convaincu de l’impérieuse nécessité d’affirmer très fort le « principe protestant » de la justification par la foi, mesure en même temps l’impossibilité de communication créée par le langage religieux. En une démarche fort proche de celle de Schleiermacher*, mais nourrie de ses lectures de Marx, de Nietzsche et de Heidegger, il s’engage dans une impressionnante élaboration apologétique. Celle-ci présuppose un inlassable effort d’écoute : comment parler si on ne sait quelle langue est celle de nos auditeurs éventuels, comment leur annoncer la bonne nouvelle d’un « sens » libérateur si on n’a mesuré au préalable quelle compréhension ils ont d’eux-mêmes, comment dire l’Évangile si on ne sait dans quel univers culturel il va retentir ? La démarche de Tillich est d’abord celle du philosophe qui analyse la situation de ses contemporains, leur relation à leur environnement, la façon dont ils définissent leur identité. Ayant ainsi dégagé les questions qu’ils portent en eux, le théologien va rechercher les « corrélations » existant entre elles et le message chrétien qu’elles appellent, sans le savoir, sans même le pressentir, car seul Dieu lui-même peut y donner une réponse véritable.

Philosophie et théologie ont chacune leur autonomie et pourtant elles ne sauraient exister l’une sans l’autre. Le pari apologétique, c’est que l’homme ne réussit jamais à vraiment se passer de Dieu, que, dans son doute et ses négations mêmes, c’est à lui qu’il s’adresse encore et que Dieu n’est jamais sans l’homme. Mais les formes religieuses sont tout autant obstacles et pièges que voies d’accès au divin : pour qui sait écouter et lire, c’est souvent la culture la plus profane qui véhicule les messages et signaux les plus profonds ; et, au point ultime de cette profondeur, il y a le sens dernier, le divin. La substance même de la culture, c’est donc la religion : l’athéisme est, à proprement parler, une impossibilité.

Toute l’existence individuelle, comme toute l’histoire de l’humanité, est en expansion vers Dieu, qui est l’Être lui-même, présent et agissant en tout et au-dessus de tout ce qui est. Le désigner, le nommer Dieu en un temps où le langage religieux n’est plus compris de la majorité des contemporains et n’apparaît plus que comme simple performance verbale, cela reste possible néanmoins : en Christ, l’Être nouveau s’est manifesté dans les limites et contingences de l’existence humaine ; en le rencontrant, l’homme peut dépasser et surmonter les barrières de l’aliénation qui le séparent d’un Dieu auquel il reste cependant étroitement uni. De même, dans l’aventure historique, la référence au divin signifie qu’aucune défaite comme aucune victoire humaines ne sont définitives : l’histoire ne peut résoudre elle-même sa propre énigme ; seul le royaume de Dieu à l’œuvre et à venir en apporte le bilan purificateur et lumineux.