Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tibet (suite)

Littérature actuelle

En conclusion, il reste à dire un mot de la production littéraire actuelle des Tibétains réfugiés en Inde ou en Occident. Elle prend deux aspects. L’un est traditionnel, dans sa forme, y compris la présentation en feuillets empilés, comme dans son contenu : commentaires religieux ou philosophiques, ouvrages historiques comme le Chos-’byung rnying-ma-pa de Bdud-’joms Rin-po-che (1967), nouveaux chapitres de l’Épopée de Gesar.

L’autre aspect est résolument occidental : écrits directement en anglais, ou traduits, ce sont des livres édités à l’européenne, destinés généralement à faire connaître le Tibet aux non-Tibétains. Ils sont dans l’ensemble largement autobiographiques (quatorzième dalaï-lama, Ma terre et mon peuple ; T. J. Norbu, Tibet is my Country ; Taring R. D., Daughter of Tibet...). De rares ouvrages d’érudition commencent aussi à paraître, premières contributions des Tibétains à la tibétologie (W. D. Shakabpa, Tibet, a Political History ; S. G. Karmay, The Treasury of Good Sayings : a Tibetan History of Bon). À notre connaissance, le contact de la civilisation occidentale n’a pas encore suscité de littérature de fiction pure.

A.-M. B.

 J. Bacot, le Poète tibétain Milarepa, ses crimes, ses épreuves, son nirvana (Bossard, 1925) ; la Vie de Marpa le « Traducteur » (Geuthner, 1938). / A. David-Neel, la Vie surhumaine de Guésar de Ling, le héros tibétain, racontée par les bardes de son pays (Éd. Adyar, 1931). / G. C. Toussaint, le Dict de Padma (Leroux, 1933). / G. Tucci, Tibetan Painted Scrolls (Rome, 1949 ; 3 vol.) ; Tibetan Folk Songs from Gyantse and Western Tibet (Ascona, 1949 ; 2e éd., 1966). / M. H. Duncan, Harvest Festival Dramas of Tibet (Hongkong, 1955) ; Love-Songs and Proverbs of Tibet (Londres, 1961) ; More Harvest Festival Dramas of Tibet (Londres, 1967). / R. A. Stein, Recherches sur l’épopée et le barde au Tibet (Impr. nat. et P. U. F., 1960) ; la Civilisation tibétaine (Dunod, 1962). / G. C. C. Chang, The Hundred Thousand Songs of Milarepa (New Hyde Park, N. Y., 1962). / Lokesh Chandra (sous la dir. de), Materials for a History of Tibetan Literature (New Delhi, 1963 ; 3 vol.). / A. W. MacDonald, Matériaux pour l’étude de la littérature populaire tibétaine (P. U. F., 1967, et Klincksieck, 1972 ; 2 vol.).


L’art du Tibet

L’art du Tibet, essentiellement religieux et d’inspiration bouddhique, est issu de l’art indien par l’intermédiaire du Népal* et du Cachemire* et il a reçu une puissante influence chinoise. Mais il s’est développé dans une région isolée par des conditions géographiques particulièrement austères et a pris de ce fait une remarquable originalité.

On distingue généralement trois écoles d’art, une à l’ouest (royaume de Guge), une au centre et une à l’est (le Khams), mais les échanges furent constants entre elles.

L’art pāla du Bengale est à l’origine de la sculpture de bronze, qui représente les divinités du panthéon du bouddhisme* tardif, divinités à l’aspect clément ou au contraire terrible (lèvres retroussées, yeux proéminents...). Les pièces sont fondues à la cire perdue et retouchées par ciselage, certaines sont dorées, d’autres incrustées de pierres précieuses. Dans les monastères existent des œuvres géantes, atteignant plusieurs mètres de haut. Parmi les types iconographiques les plus caractéristiques, on peut citer les bodhisattvas et Tārā, empreints de sérénité, et, parmi les divinités terribles, Mahākāla, noir et horrible, et Yāmāntaka, à neuf têtes dont une de taureau. Les Yab-yum sont des figurations de l’union des déités masculines et de leur contrepartie féminine. Les Ḍakīnī, ou Yoginī, sont des magiciennes qui dansent nues dans des attitudes variées. L’origine de toute cette iconographie se trouve dans la production des ixe et xe s. des provinces septentrionales de l’Inde, mais elle fut enrichie par l’introduction d’éléments indigènes, propres au Tibet. Quant à l’influence chinoise, plus tardive que l’indienne, ce n’est pas dans l’iconographie, mais dans la plastique qu’elle se fit sentir.

La peinture se présente sous deux formes. Des fresques décorent les bibliothèques, les salles de réunions, les sanctuaires ; souvent, une technique différente de la fresque est adoptée : la peinture est exécutée sur une toile apprêtée, elle-même collée au mur. Ces peintures murales peuvent appartenir à des périodes fort différentes, du xiie au xviie s. Il en existe sans doute d’importantes au Tibet central, insuffisamment exploré. Mieux connues sont celles du Tibet indien, par exemple celles des monastères d’Alchi et de Thiksé.

Les peintures mobiles sont surtout des bannières de tissus appelées tanka. Les thèmes des tanka, toujours religieux, appartiennent à plusieurs types. Certains sont destinés à l’enseignement : ils représentent des scènes de la vie du Bouddha, des vies de saints, ou bien la roue de l’existence, qui présente sous forme schématique l’ensemble de l’enseignement bouddhique. D’autres sont destinés à la méditation. Les uns, figuratifs, représentent le bouddha, les bodhisattvas, la Tārā ou les grands lamas. Les autres, les Maṇḍala, sont essentiellement des schémas géométriques centrés, meublés de symboles divers et de représentations de forces cosmiques — c’est-à-dire, en dernière analyse, psychiques — sous forme de bouddhas et de bodhisattvas. Le Maṇḍala est destiné à être parcouru mentalement de la périphérie vers le centre ; il s’agit donc d’un exercice psychologique destiné à placer la personnalité, illusoire, au centre de l’espace et du temps.

L’architecture, dont les spécimens conservés sont rarement antérieurs au xviie s., comprend surtout ces monastères à multiples étages, aux murs épais peints d’ocre rouge et de blanc et percés de petites et rares fenêtres, qui adossent au flanc des montagnes leurs lignes fuyantes : structures robustes, sans élégance, mais qui savent s’intégrer humblement au paysage. Les exemples les plus célèbres sont le Potala de Lhassa (très souvent figuré sur les tanka), qui était la résidence du dalaï-lama et le palais des rois du Ladakh. Autre élément caractéristique du paysage tibétain, les stūpa, qui s’appellent ici chorten et ont reçu une forme de cloche reposant sur un piédestal.