Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Thoreau (Henry David) (suite)

Bien qu’il ne soit pas une tête politique, Thoreau dénonce l’aliénation de l’homme à un progrès illusoire. Il dénonce : au plan politique, l’excès de coercition ; au plan économique, les ravages du profit et de la division industrielle du travail ; au plan social, la dissociation des hommes entre eux et avec la nature. Mais, plus moraliste que politique, il cherche la liberté dans la frugalité d’une économie du simple nécessaire. Au lieu de courir après un superflu toujours recommencé, quand on a le nécessaire de Walden, il faut savoir « vivre ». Thoreau critique par avance l’engrenage de la société de consommation. Mais, au contraire des utopistes, il ne prêche pas de doctrine. Il affirme seulement que la « vie » est la vraie valeur. Il ne faut donc gaspiller ni son temps ni son espace, car « le coût d’une chose est la quantité de ce que j’appelle « vie » qu’il faut donner en échange ». Au plan politique, Thoreau propose d’opposer à la coercition de l’État la résistance passive de l’individu, qui peut « se constituer en contre-friction pour arrêter la machine ». S’en inspireront Gāndhī en Inde, le « Labour » en Grande-Bretagne et certains contestataires aujourd’hui. Cette politique reprend le libéralisme politique d’un Godwin au xviiie s. : le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins. La loi morale étant supérieure à la loi sociale, ce n’est qu’en réformant les hommes et en fondant l’économie sur la morale qu’on aura une société juste. Les lois n’auront pas besoin d’un État coercitif si elles sont bonnes, affirme ce libertaire optimiste.

Dans la pratique, Thoreau ne prend vraiment position que contre l’esclavage. À la veille de la guerre de Sécession, il défend dans trois articles John Brown, condamné à mort pour avoir attaqué la Virginie esclavagiste un peu trop tôt (« A Plea for Captain Brown », 1859). Avec lui, l’individualisme romantique envahit le puritanisme, le teinte de rousseauisme et tente vainement d’arracher l’Amérique à l’ambition industrielle yankee. Le message de Thoreau fut mal perçu à l’époque, et la victoire du Nord le rendit anachronique. Les excès de la civilisation urbaine et industrielle amènent aujourd’hui un renouveau d’intérêt pour ce réactionnaire souriant et poétique, résolument à contre-courant de ce qu’on appelle l’histoire. Mais on exagère peut-être l’anarchisme politique de ce naturaliste aimable, qu’un contemporain a appelé l’« heureux rebelle de Concord ».

J. C.

 W. E. Channing, Thoreau, the Poet-Naturalist (Boston, 1873 ; nouv. éd., 1902). / L. Bazalgette, Henry Thoreau, sauvage (Rieder, 1924). / J. W. Krutch, Henry David Thoreau (Londres, 1949). / E. Seybold, Thoreau, the Quest and the Classics (Yale, 1951). / W. R. Harding, A Thoreau Handbook (New York, 1959) ; The Days of Henry Thoreau (New York, 1965).

thorium

Élément de nombre atomique 90, découvert en 1828 par Berzelius* et dont la radioactivité fut mise en évidence en 1898 par Pierre et Marie Curie*.



État naturel et minerais

Le thorium (Th) existe dans la croûte terrestre, qui en contient 12 . 10–4 p. 100, pourcentage correspondant approximativement à celui du plomb et de l’étain, et quatre fois supérieur à celui de l’uranium.

Les principaux minerais du thorium sont :
— la monazite, complexe de phosphates de terres rares riche de 6 à 10 p. 100 de thorium (elle est abondante sur les plages du Brésil, à Ceylan, en Inde, à Madagascar) ;
— la thorianite, oxyde d’uranium et de thorium, et l’uranothoranite (États-Unis, Brésil, Madagascar) ;
— la thorite, l’uranothorite, l’alvite, l’huttonite...


Propriétés

• Le thorium est un métal gris qui cristallise dans le système cubique ; sa masse volumique est 11,7 ; il fond à 1 842 °C et sa valence est 4.

• Le thorium naturel est constitué par deux isotopes radioactifs : le Th 232 et son descendant, le Th 228.

Le Th 232, ou thorium proprement dit, a pour période 1,4 . 1010 a. (émetteur alpha de 4 MeV) ; il est le chef de file d’une des quatre familles radioactives qui comprend en particulier le thoron (51,5 s).

Le Th 228, ou radiothorium, émetteur alpha, a une période de 1,9 a.

Certains éléments reçurent à tort le nom de thorium (v. tableau).

Dans les deux autres familles radioactives naturelles (uranium et actinium), on trouve également quatre isotopes du thorium :
Th 234 ou UX1, émetteur bêta moins, période 24,1 j ;
Th 230 ou ionium, émetteur alpha, période 80 000 a. ;
Th 231 ou uranium Y, émetteur bêta, période 25,6 h ;
Th 227 ou radioactinium, émetteur alpha, période 18,6 j.

La quatrième famille artificielle du neptunium contient l’isotope Th 229 : émetteur alpha, période 7 240 a.

On connaît quelques autres isotopes artificiels ; parmi ceux-ci signalons le Th 233, qui est radioactif (bêta moins) et dont la période est de 23,5 mn ; il se transforme en protectinium 233, qui, lui-même, donne naissance à l’uranium 233, matériau fissile.

• Le thorium est très dangereux sous forme pulvérulente, et son inflammabilité est rapide en présence d’oxygène ; sous forme de barres, il devient passif et il est possible de le travailler.

Il est soluble dans l’acide chlorhydrique, l’acide sulfurique et l’eau régale ; par contre, il est peu soluble dans l’acide nitrique.

Les sels de thorium sont blancs ou incolores ; les chlorures, les bromures, les nitrates sont solubles dans l’eau ; les autres sels sont insolubles.


Usages

Le thorium est un matériau fertile ; il en est à ses débuts dans le monde nucléaire, où ses applications devraient être importantes pour l’avenir.

Un des principaux emplois du thorium est la fabrication des manchons à gaz d’éclairage, du type Auer.

La fabrication des alliages réfractaires devient de plus en plus à l’ordre du jour ; l’alliage léger Mg-Th trouve une utilisation dans la mise au point de certains avions supersoniques ainsi que dans la fabrication des éléments pour les fusées et les satellites artificiels.

Le thorium est très toxique (concentration maximale 10–10 C/m3) ; les organes critiques sont la rate, les poumons, le tractus gastro-intestinal.

Ph. R.