Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

automobile (suite)

La solution du tricycle à roue motrice unique est, en général, préférée au quadricycle à deux roues motrices, car elle n’entraîne aucune complication de transmission en virage. Le différentiel ne sera inventé qu’en 1828, lorsque le Français Onésiphore Pecqueur (1792-1852) démontrera l’action différentielle du montage à engrenages satellites, qui permet à la roue extérieure à la courbe, dont le chemin à parcourir est le plus long, de tourner plus vite que l’autre. Jusque-là, on recourt à des solutions de compromis, peu pratiques, comme le montage de chacune des deux roues sur un axe indépendant ou la réunion à titre permanent d’une seule roue à l’arbre moteur, l’autre pouvant être solidarisée à l’ensemble par l’action d’un embrayage.

Le perfectionnement le plus important apporté à la chaudière est la substitution du carburant liquide au charbon pour en assurer la chauffe. La paternité de cette invention est attribuée à l’ingénieur français Joseph Ravel (1832-1908), qui la brevette le 2 septembre 1868, affranchissant ainsi les utilisateurs du moteur à vapeur de l’obligation de transporter à bord un carburant sale, encombrant et pesant. Après avoir présenté avec succès un modèle à moteur à vapeur dont la chaudière est chauffée au pétrole, Ravel, que la guerre franco-allemande de 1870 a ruiné, ne s’occupe plus que de perfectionner le moteur à deux temps et à compression préalable.

L’essor de la voiture à vapeur semble devoir être d’autant plus rapide qu’il sera soutenu par Amédée Bollée père et par Albert de Dion. Amédée Bollée (1844-1917) hérite de son père une entreprise réputée de fonderie de cloches (au Mans), qui fournit notamment la Savoyarde du Sacré-Cœur à Paris, et un atelier de mécanique qui va lui permettre d’entreprendre la réalisation des diligences automobiles à vapeur, véritables ancêtres du car de tourisme actuel. Le 28 avril 1873, il prend un brevet pour un mécanisme substituant à la direction par cheville ouvrière des véhicules hippomobiles la direction à essieu brisé et roues montées sur pivots qui rejoint les travaux de Rudolf Ackermann (1764-1834) dans ce domaine. En 1875, il présente son premier car, l’Obéissante, qui pèse 5 t en charge et avec lequel il réussit les liaisons Le Mans -Paris (230 km) en 18 h, puis Paris-Bordeaux. En 1878, il construit la Mancelle, victoria équipée d’une transmission par différentiel, suivie de la Mary-Anne, que lui avait demandée l’armée pour le transport des canons. Avec six roues, dont quatre motrices à l’arrière et un poids à vide de 36 t, ce véhicule disposait d’une charge utile de 150 t en plat et de 36 t sur rampe de 6 p. 100. En 1879, Amédée Bollée père (1844-1917) effectue le trajet Le Mans - Arc-sur-Ariège (725 km) en 74 h. D’une rencontre, en 1881, du marquis Albert de Dion (1856-1946) avec Georges Bouton (1847-1939) et son beau-frère, spécialistes de la machine à vapeur à échelle réduite, naît, en octobre 1883, la société de Dion - Bouton - Trepardoux, dont le siège social est à Puteaux. Passant outre à l’opposition de sa famille, qui le pourvoit d’un conseil judiciaire, Albert de Dion poursuit ses recherches dans la voie de la voiture légère motorisée. Après un certain nombre de tentatives infructueuses, malgré l’apparition, en 1883, d’une nouvelle chaudière composée de groupes de tubes amovibles, qui est montée sur un quadricycle avec transmission aux roues arrière par courroie, malgré, en 1884. la prise d’un brevet sur la distribution automatique de la vapeur par piston, suivi, l’année d’après, d’un brevet complémentaire pour une distribution par pistons à mouvement alternatif, il apparaît que le moteur à vapeur ne peut qu’être associé aux véhicules lourds. Une nouvelle société de Dion - Bouton est réalisée en 1894, qui porte ses recherches sur le moteur à gaz.

Cependant, en 1875, Léon Serpollet (1858-1907) imagine de construire une machine à vapeur à chaudière plate, conservée au laboratoire des Arts et Métiers, dont il équipe un vieux tricycle. En 1881, il construit une chaudière à vaporisation instantanée, constituée par des tubes aplatis de faible section. Il en équipe, six ans plus tard, un tricycle, avec lequel, en 1891, il passe le premier permis de conduire officiellement délivré en France. Le moteur est placé au-dessus du différentiel, la transmission étant assurée par un train d’engrenages. Il dépasse la vitesse de 120 km/h, et gagne, pendant trois années consécutives, la coupe Rothschild à Nice.


Le moteur à gaz s’impose

Le moteur à vapeur a souffert de la double concurrence du moteur à gaz et du moteur électrique. Aucun de ces deux modes de production de l’énergie ne s’est imposé sans lutte, mais, à la différence du moteur électrique, qui s’éclipsa parce qu’il promettait plus qu’il ne pouvait tenir, pour être repris, par la suite, sur de nouvelles bases, le moteur à gaz, une fois son intérêt démontré, ne cessa de se développer et de progresser.

En 1860, Etienne Lenoir (1822-1900), ingénieur belge naturalisé français en raison des « services rendus à la France durant le siège de Paris pendant la guerre franco-allemande 1870-1871 », prend un premier brevet concernant « un moteur fonctionnant par dilatation des gaz », qui contient en puissance tous les éléments constitutifs du moteur à explosion. Il y est spécifié, notamment, que « le moteur fonctionne avec un mélange de gaz et d’air, préparé par un carburateur et enflammé électriquement ». L’appareillage électrique comporte une bobine de Ruhmkorff fournissant un courant à la bougie d’allumage. Il n’est pas fait mention de l’essence comme carburant utilisable, parce qu’à l’époque cet hydrocarbure est inconnu. En mai 1862, Lenoir monte son moteur à gaz sur un châssis de voiture, et son antériorité ne paraît pas contestable. Toutefois, l’Autrichien Siegfried Marcus (1831-1898) prétendra être l’inventeur de la voiture propulsée par un moteur à gaz : un de ses véhicules fut exposé à Vienne en 1875, mais on fit la preuve que la première version, commencée en 1864, n’avait été terminée qu’en 1869. Lenoir concède, en 1863, l’exploitation de son brevet à la Compagnie parisienne du gaz, se réservant la possibilité de continuer ses essais sur des bateaux, avec lesquels il obtient de meilleurs résultats que sur route. Les partisans de la vapeur s’émeuvent. Le moteur à gaz offre la possibilité de réaliser une mécanique relativement légère, ne consommant pas de carburant à l’arrêt, alors que la chaudière à vapeur doit rester en pression, et se prêtant à l’obtention de puissances moyennes plus aisément que le moteur à vapeur. Les seules objections présentées concernent les hautes températures de fonctionnement, qui nécessitent un refroidissement énergique, et la consommation en carburant, que l’on juge excessive. En 1863, Lenoir présente un monocylindre qui, pour la première fois, adopte le cycle d’Alphonse Beau de Rochas (1815-1893) à quatre temps : aspiration, compression, explosion-détente, échappement. La consommation est de l’ordre de 750 à 800 litres de gaz à l’heure. Ces résultats retiennent l’attention des chercheurs français, mais valent à Etienne Lenoir un procès en antériorité intenté par les concessionnaires du moteur de Nikolaus Otto (1832-1891). Cet ingénieur allemand a travaillé dans la même voie que Beau de Rochas et a réalisé, en 1863, un moteur fontionnant selon le même cycle, qu’il a baptisé du nom de cycle Otto. En association avec Gottlieb Daimler (1834-1900), la société qu’il a fondée sous le patronage financier de Langen, conseiller privé de Cologne, a rapidement prospéré, et des licences de construction du moteur Otto-Langen à quatre temps commencent à être vendues. Le monopole de fait qui lui est concédé ne prendra fin qu’en 1891, alors que le brevet de Beau de Rochas vient à expiration à la fin de l’année 1883. Le groupe Otto conteste alors devant les tribunaux français l’antériorité de Beau de Rochas, dont la plaquette descriptive du cycle qu’il a inventé ne comporte « aucun schéma de fonctionnement ». Il est débouté et, indirectement, Lenoir apporte aux chercheurs la possibilité d’exploiter librement le cycle de Beau de Rochas pour développer le moteur à explosion à quatre temps. Il ne sait pas tirer avantage de ses inventions et meurt dans la pauvreté, à peu près ignoré de ses contemporains. L’Allemand Carl Benz (1844-1929) étudie, après une draisine à moteur, un moteur à deux temps (1877), puis un modèle à quatre temps dont il équipe un tricycle (1885), réalisant la première voiture à moteur à gaz construite en Allemagne. Comme ni le moteur ni le châssis ne lui donnent satisfaction, Carl Benz entreprend une série d’études concrétisées par un brevet, en date du 29 janvier 1886, stipulant que « le moteur fonctionne avec des vapeurs émises à partir d’un produit volatil : l’essence ». Daimler l’a devancé dans cette voie. Après son départ, en 1882, de la Gasmotorenfabrik, où il était associé avec Otto et Langen, il réalise le premier moteur à grande vitesse de rotation fonctionnant soit au gaz, soit à l’essence. Par la suite, ce moteur lui permet d’inventer la motocyclette (1885), puis de prendre un brevet (1886) où, pour la première fois, est mentionné le mot automobile.

Les moteurs à explosion, carburant à l’essence, de Daimler sont accueillis favorablement en France. Louis René Panhard (1841-1908) et Emile Levassor (1844-1897) l’utilisent dès 1891 pour réaliser un modèle qui fait date dans l’histoire de l’automobile, car, pour la première fois, la transmission par engrenages comporte un changement de vitesse à trois combinaisons.