Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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textiles (industries) (suite)

Les matières premières ne peuvent être fournies par l’Europe ou l’Amérique du Nord-Est : le climat y interdit la production du coton, cependant que l’augmentation de la population et l’intensification agricole y réduisent la place faite aux troupeaux d’ovins. Une division du travail à l’échelle du globe s’instaure donc : l’ouest des États-Unis, les étendues nouvellement ouvertes au peuplement européen de l’hémisphère Sud fournissent la laine ; le sud des États-Unis, puis, après la guerre de Sécession, l’Égypte et l’Inde alimentent les fabriques européennes et américaines. Celles-ci disposent d’un marché intérieur en expansion, mais doivent l’essentiel de leur prospérité à la pénétration progressive des marchés extérieurs contre lesquels les tisserands ne peuvent lutter en raison des prix très faibles qui résultent de la mécanisation. L’Angleterre ruine le vieil artisanat de luxe ou de qualité ordinaire de l’Inde et dispose ainsi d’un débouché qui lui assure la première place dans la production.

Au cours du xixe s., on commence à voir essaimer l’activité manufacturière : elle caractérise par exemple la région de Łódź, en Pologne, ou la zone qui s’étend au nord de Moscou, en Russie centrale (la colonisation de l’Asie centrale permet de produire à l’intérieur de l’empire des tsars l’essentiel des matières premières indispensables). Au même moment, les dominions créent leurs premières manufactures, et le Canada le premier, où le Québec est le prolongement de la Nouvelle-Angleterre voisine. Les pays asiatiques sont gagnés par le mouvement : le Japon, l’Inde, la Chine s’équipent. Dès ce moment, on sent que l’industrie textile est la première pour laquelle l’Europe doit perdre son quasi-monopole.

Les fibres végétales textiles

Elles ont été longtemps la source dominante des matières premières textiles, surtout quand le développement des transports a ouvert aux productions tropicales le marché des pays industriels tempérés : environ 95 p. 100 des fibres végétales sont d’origines tropicales ou intertropicales. Bien que beaucoup d’espèces végétales soient susceptibles d’être utilisées pour la production de fibres, il n’y en a qu’une vingtaine environ qui présentent un réel intérêt économique.

La nature anatomique des fibres est variée : il s’agit souvent de tissus vasculaires ou de tissus voisins (fibres péricycliques pour le lin). Il existe des fibres « douces », formant le phloème (ou liber) de la tige : le lin et le chanvre, qui dominent en région tempérée, le jute et le ramie, que l’on rencontre en zone tropicale. Les fibres dures sont contenues dans les feuilles de monocotylédones : sisal et abaca notamment. D’autres fibres sont produites par des téguments de graines ou des membranes internes de fruits ; ces poils, monocellulaires, constituent alors des fibres élémentaires (coton, kapok). Enfin, des organes très variés produisent des fibres : stipes de palmier, enveloppes fibreuses de noix de coco, racines. On peut y ajouter les fibres ligneuses, destinées à la fabrication de la pâte à papier.

Les utilisations sont diverses, cependant, on peut distinguer quelques grandes catégories. Les fibres textiles sont destinées au tissage (coton, jute, lin, ramie...). Les fibres de corderie sont surtout des fibres dures (sisal, agave), mais aussi, le cas échéant, du chanvre ou du lin. On les utilise également en sacherie et en sparterie. Des fibres sont spécifiques de la brosserie (fibres de « coco »). Certaines fibres sont destinées à la tapisserie (bourre), comme le « crin végétal » ; c’est à de tels usages que sont consacrés les sous-produits (étoupe de lin). À côté des conifères, pour la pâte à papier, on trouve des plantes à fibres (le chanvre-papier par exemple), ainsi que des sous-produits d’autres utilisations et certaines fibres particulièrement courtes.

Sur le plan chimique, les fibres sont composées d’hydrates de carbone, surtout (lignine, hémicellulose, pectines et surtout cellulose, jusqu’à 80 p. 100 chez le coton) et de substances variées (cires, graisses, sels minéraux...). Physiquement, les fibres douces se présentent en faisceaux, répartis comme un « cylindre » concentrique à la tige. On peut en compter de quinze à quarante selon les espèces et la position sur la tige ; chaque faisceau comprend à peu près la même quantité de fibres (fibres cellulaires), de 20 à 40 mm de long sur 0,03 mm de diamètre : ce sont les fibres élémentaires. Les fibres dures, qui correspondent aux nervures des feuilles de certaines monocotylédones, ont des fibres élémentaires de longueur très variée.

Parmi les propriétés recherchées, les caractéristiques mécaniques sont, naturellement, très importantes : résistance des fibres à la rupture, à l’usure, aux déformations mécaniques (torsion par exemple). Elles sont en liaison avec la finesse des fibres, appréciée soit par le diamètre, soit par le poids à l’unité de longueur. La capacité d’adhérence des fibres entre elles est également recherchée. Enfin, les propriétés vis-à-vis de l’eau sont à prendre en compte (capacité d’absorption, importante pour les textiles vestimentaires, résistance à l’altération...).

À cause de l’existence d’autres fibres d’origine animale ou synthétique, l’évolution des productions est très variée. Alors que les fibres dures, le chanvre, le jute ont tendance à stagner ou à augmenter faiblement, la production de coton tend à augmenter régulièrement et sensiblement.

A. F.


L’entre-deux-guerres

Effectivement, cette période est marquée par la stagnation des industries textiles des grandes nations de l’Europe du Nord-Ouest, cependant que les nouveaux producteurs se multiplient. Leur concurrence est d’autant plus dangereuse qu’ils paient moins cher la main-d’œuvre qu’ils occupent et qu’ils disposent de matériel plus moderne et, partant, plus productif que celui qui équipe les vieilles usines anglaises ou françaises. On accuse volontiers les Japonais de pratiquer même le dumping pour pénétrer sur de nouveaux marchés. En Angleterre, l’essor de l’industrie indienne porte déjà un coup sérieux aux centres cotonniers du Lancashire. En France et dans le reste de l’Europe, la régression est moins sensible, car les marchés intérieurs ont toujours représenté plus de poids et les colonies constituent des débouchés mieux défendus. Aux États-Unis, l’évolution se situe à l’intérieur de l’espace national : les usines abandonnent la Nouvelle-Angleterre pour la région méridionale des Appalaches, dans les Carolines en particulier. Au total, le nombre des pays qui disposent d’une industrie capable de subvenir à leurs besoins est déjà longue.