Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Terre-Neuve (suite)

Les industries (valeur totale : 245 millions de dollars, dont 120 de valeur ajoutée) comprennent les industries alimentaires (53 millions de valeur ajoutée ; laiterie, traitement des produits de la pêche), celles du bois (10 millions de valeur ajoutée ; aciérie et surtout papeterie [usines de Corner Brook, parmi les plus grandes du monde — et de Grand Falls-Bishop’s Falls]) ainsi que nombre d’industries diverses.

La population urbaine (54 p. 100) se répartit entre la capitale Saint John’s (Saint-Jean) [100 000 hab. ; centre administratif et de services, industries mécaniques, impression-édition, port de commerce ; 890 000 t]), Corner Brook (26 000 hab. ; centre industriel, port [940 000 t], capitale régionale de l’Ouest) et un grand nombre de petites villes, qui, à l’exception de Gander (aéroport), de Deer Lake, de Grand Falls et de Buchans, sont des ports, comme Port-aux-Basques (relations avec Sydney), Botwood (exportation du papier de Grand Falls et des minerais de Buchans), Holyrood (1 Mt, dont 800 000 t de produits pétroliers pour la centrale thermique).

Tous ces centres sont récents ou ont accédé depuis peu au niveau urbain, sauf la capitale Saint John’s, ville ancienne, dont la physionomie pittoresque, vieillotte et parfois misérable se transforme sous l’effet de l’urbanisme moderne.

P. B.


L’histoire

Aux xe et xie s., les navigateurs vikings passèrent certainement à Terre-Neuve lors de leurs expéditions au Vinland ; l’île fut sans doute connue dès le haut Moyen Âge des pêcheurs bretons ou basques qui allaient pêcher la morue sur ses bancs.

Jean Cabot la redécouvre en 1497 et lui donne le nom de « terre de la Morue », que justifie l’abondance de ce genre de poisson sur ses côtes. Dans les premières années du xvie s., des Français, Basques, Rochelais, Bretons et Normands, viennent y pêcher, imités par des Portugais et des Anglais.

En 1524, Giovanni da Verrazano (1485-1528) prend possession de l’île au nom de la France. En 1583, sir Humphrey Gilbert (v. 1537-1583) veut faire reconnaître la souveraineté de l’Angleterre sur Saint John’s ; un peu plus tard en 1621, des colons anglais catholiques, sous la direction de George Calvert (le futur lord Baltimore [v. 1580-1632]), s’installent à Terre-Neuve.

Au xviie s., les Français, à leur tour, s’établissent sur la côte sud de l’île, dans la baie de Plaisance où le premier gouverneur est nommé en 1655. En 1662, Louis XIV y envoie des colons, qui, à la fin du xviie s., seront quelque 500 face à 2 000 Anglais.

La question de la souveraineté de l’île, que la France et l’Angleterre se disputent depuis 1689, est tranchée par le traité d’Utrecht (1713). Terre-Neuve devient anglaise, mais sous la réserve d’une clause très importante : les Français gardent le droit exclusif de pêcher et de sécher le poisson sur près de la moitié des côtes de l’île, depuis le cap Race jusqu’au cap Bauld, c’est-à-dire sur toute la partie nord (article 13 du traité d’Utrecht).

Ce traité est modifié par celui de Paris en 1763 ; les Anglais s’étant installés en grand nombre dans la péninsule d’Avalon, autour de la ville de Saint John’s, la région située entre le cap Race et le cap Bonavista leur est cédée ; les Français gardent la côte nord, du cap Bonavista au cap Bauld, et reçoivent toute la côte occidentale, depuis le cap Bauld jusqu’au cap Ray. Mais ils ne peuvent ni y élever d’habitations durables ni y hiverner. Par contre, aucun Anglais n’a le droit d’y vivre ou d’y pêcher.

Les Anglais n’accordent d’abord que peu d’importance à la colonisation proprement dite ; toutefois, en 1729, ils donnent à Terre-Neuve un gouvernement distinct de celui de la Nouvelle-Écosse. À la fin du xviiie s., l’île ne compte pas plus de 10 000 colons anglais. Mais les guerres de la Révolution et de l’Empire, en obligeant les pêcheurs français à renoncer à exercer leurs droits, font que les Anglais jouissent en fait du monopole de la pêche ; en 1815, les insulaires sont au nombre de 70 000.

La France recouvre ses droits en 1815, mais de nombreux ressortissants britanniques, surtout des colons irlandais catholiques, se sont installés sur les côtes relevant de la juridiction française. La France catholique et monarchiste de la Restauration tolère ces nouveaux venus, elle les utilise même à la garde de ses installations de pêche durant l’hiver.

Terre-Neuve administre le Labrador* de 1763 à 1774, puis de 1809 à 1927, date à laquelle il lui est, en glande partie, rattaché. En 1832, elle peut choisir ses représentants, et, en 1855, un gouvernement responsable y est installé. Par deux fois, en 1869 et en 1895, des négociations en vue du rattachement de Terre-Neuve au Canada échouent ; en 1904, la France renonce à son monopole de pêche, et, en 1917, Terre-Neuve devient un dominion du Commonwealth britannique.

L’île, gravement atteinte par la crise économique de 1929, se soumet à la couronne britannique ; son gouvernement est remplacé en février 1934 par une Commission royale de six membres, dont trois Terre-Neuviens, qui gouverne l’île jusqu’en mars 1949. À cette date, Terre-Neuve s’unit au Canada, dont elle constitue, avec le Labrador, la dixième province.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’île, dont la sécurité est un impératif vital pour l’Amérique du Nord, est mise en état de défense par les troupes canadiennes et américaines ; elle sert de base de départ aux convois aériens et maritimes alliés vers l’Europe. Ces activités ont un profond retentissement sur l’économie de l’île, qui connaît alors une longue période de prospérité.

C’est au large de Terre-Neuve que, le 14 août 1941, Roosevelt et Churchill signent la charte de l’Atlantique, symbole de la coopération politique entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.

P. P. et P. R.

➙ Canada / Labrador.