Tchécoslovaquie (suite)
Une nouvelle génération d’artistes se révéla à l’occasion de la construction, en 1868, du Théâtre national de Prague. De style néo-Renaissance encore imprégné de romantisme, il eut pour architecte Josef Zítek (1832-1909). Les peintres appelés à le décorer puisèrent dans l’héritage de Mánes ; bustes et statues allégoriques furent demandés à Josef Václav Myslbek (1848-1922), artiste complet, auteur du célèbre monument de saint Venceslas à Prague et fondateur de la sculpture tchèque moderne.
Le xxe siècle
À partir de la fin du xive s., les rapports avec la France furent de nouveau prépondérants. Le peintre, dessinateur et affichiste Alfons Mucha (1860-1939) participa à Paris à l’élaboration de l’Art nouveau, tandis que František Kupka* s’y installait, passant de la tentation symboliste à celle du fauvisme et à celle de l’abstraction. Le plus impressionniste des peintres tchèques fut Antonín Slavíček (1870-1910), qui peignit la campagne de son pays et les recoins pittoresques de Prague. Élève de Myslbek avant d’enseigner à son tour à l’Académie des beaux-arts de Prague, le sculpteur Jan Štursa (1880-1925) donna à ses figures de femme une grâce très vivace. En architecture, Jan Kotěra (1871-1923) fut le premier à rejeter le décor surajouté au profit du rationalisme et de l’expression constructive des matériaux (musée de Hradec Králové).
L’avant-garde tchèque s’exprima au sein du groupe des Huit (Osma, 1906), du groupe des Plasticiens (1911), puis du groupe des Obstinés (Tvrdošíjní, 1918), creusets où se mêlèrent la tradition baroque de l’Europe centrale et l’influence des nouveaux courants français. Ainsi prit forme le « cubo-expressionnisme » du peintre et théoricien Emil Filla (1882-1953), du peintre Bohumil Kubišta (1884-1918), du sculpteur Oto Gutfreund (1889-1927), tendance qui s’étendit à l’architecture et aux arts appliqués avec Josef Gočár (1880-1945), Pavel Janák (1882-1956), Vlatislav Hofman (1884-1964).
Après la Première Guerre mondiale, Josef Gočár succéda à Jan Kotěra dans les remarquables travaux de reconstruction et d’urbanisme de Hradec Králové, s’inspirant notamment du constructivisme hollandais. En 1928, l’exposition de Brno consacrée à la culture contemporaine donna le départ à la nouvelle architecture de béton armé et de verre.
Parmi les nombreux courants de la peinture tchèque d’alors, on peut saisir deux directions essentielles. L’une est représentée par des peintres à vocation visuelle, qui cultivent différentes formes de réalisme postimpressionniste, tels Václav Rabas (1885-1954) et Vojtěch Sedláček (né en 1892), attachés à la vie paysanne. L’autre est celle d’une création imaginative issue de la subjectivité propre à chaque artiste : ainsi du peintre-poète Jan Zrzavý (né en 1890), des surréalistes Jindřich Štýrský (1899-1942) et Toyen (Marie Čermínová, née en 1902), auxquels il faut joindre le sculpteur Vincenc Makovský (1900-1966), et de Joseph Sima (1891-1971), qui a développé en France à partir de 1921 sa vision intimiste d’un univers de plus en plus libéré de toute pesanteur figurative.
En Slovaquie se sont notamment distingués le peintre L’udovit Fulla (né en 1902), qui a réalisé une symbiose d’une grande fraîcheur entre des réminiscences populaires et un langage pictural moderne, et le sculpteur Josef Kostka (né en 1912), dont les portraits et les monuments sont marqués par une forte imagination poétique.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’art d’avant-garde (selon les critères occidentaux), ici fortement marqué de symbolisme et d’expressionnisme, n’a pu s’exprimer qu’un court moment — dans les années 60 — en face du réalisme socialiste.
Traduit d’après M. K.-P.
Histoire des beaux-arts en Tchécoslovaquie (en tchèque, Prague, 1931). / La Peinture gothique tchèque, 1350-1540 (Artia, Prague, 1960). / J. Koet, la Miniature romane et gothique en Tchécoslovaquie (Flammarion, 1964). / M. Kitson, The Age of Baroque (New York, 1966). / J. Pavel, Histoire de l’art en Tchécoslovaquie (en tchèque, Prague, 1971). / A. Kutal, l’Art gothique tchèque (en tchèque, Prague, 1972).
CATALOGUES D’EXPOSITION. Paris-Prague, 1906-1930, musée national d’Art moderne, Paris (1966). / Dix siècles d’art tchèque et slovaque, Grand Palais, Paris (1975).