Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

La production, qui a connu un important développement entre 1918 et 1922, éprouve de sérieuses difficultés dès 1923. L’année suivante, en 1924, la crise éclate : huit films seulement sont tournés. On vote précipitamment une loi de contingentement pour lutter contre l’invasion des films étrangers, mais les effets du protectionnisme sont des plus médiocres, et il faut attendre la fin de l’époque muette pour voir la production retrouver son équilibre (35 films en 1929).

Durant toute la période muette, le cinéma tchécoslovaque puise son inspiration dans la littérature. Les « classiques » du roman national sont, pour la plupart, adaptés à l’écran, et certains avec talent. Une première vague de réalisateurs (Jan S. Kolár [né en 1896], Gustav Machatý [1901-1963], Václav Kubásek [1897-1964], Karel Lamač [1897-1952], Miroslav Krňanský [1898-1961], Karel Anton [né en 1898]) s’impose. Les œuvres les plus significatives des années 20 sont Celui qui vient des ténèbres (Příchozí z temnot, 1921, d’après Jakub Arbes) et la Croix près du torrent (Kříž u potoka, 1921, d’après K. Světlá) de Jan S. Kolár, la Petite Clef d’or (Zlatý klíček, 1922, d’après Karel Čapek), de Jaroslav Kvapil, la Jeune Fille de Podskali (Děvče z Podskalí, 1922) de Václav Binovec, Comment s’en débarrasser ? (Kam s ním ?, 1922, d’après Jan Neruda) de Václav Wasserman, la Lanterne (Lucerna, 1925, d’après Alois Jirásek) et le Brave Soldat Chvejk (Dobrý voják Švejk, 1926, d’après Jaroslav Hašek, avec Karel Noll dans le rôle principal) de Karel Lamač, le 11e Commandement (Jedenácté přikázání, 1925, d’après F. F. Šamberk) de Václav Kubásek, la Fable de mai (Pohádka máje, 1926, d’après Vilém Mrštik) de Karel Anton, Werther (1926) de Miloš Hajský, la Sonate à Kreutzer (Kreutzerova sonatá, 1926) et Erotikon (1929) de Gustav Machatý, le Bataillon (Batalión, 1927) de Přemysl Pražsky, le Village de montagne (Pohorská vesnice, 1928, d’après Božena Němcová) de Miroslav Krňanský, l’Organiste de Saint-Vite (ou de Saint-Guy) [Varhaník u Svatého Víta, 1929) de Martin Frič et Telle est la vie (Takovy je zivot, 1929) de Karl Junghans.

Le film slovaque (un Jánošik est tourné en 1921 par Jaroslav Siakel et František Horlivý) connaît un développement très lent et très difficile.

L’apparition du « parlant » modifie profondément les structures du cinéma tchécoslovaque et révèle de nouveaux auteurs. La Tchécoslovaquie va bientôt apparaître sur le marché international grâce à certains succès : elle triomphe en 1934 au festival de Venise (avec Jeune Amour [Řeka, 1933] de Josef Rovenský et Extase [1933] de Gustav Machatý), et la réputation de ses réalisateurs (M. Frič, O. Vávra, G. Machatý) et de ses opérateurs (Otto Heller, Václav Vích, Jan Stallich) franchit les frontières.

De grands studios sont construits à Barrandov, dans la banlieue pragoise, à partir de 1930. Les thèmes dominants du cinéma sont encore très littéraires et historiques, mais le réalisme critique apparaît avec l’œuvre du célèbre romancier et cinéaste Vladislav Vančura (1891-1942), et la comédie se découvre deux acteurs de choix en la personne de Jan Werich et de Jiří Voskovec.

En 1931, Martin Frič (1902-1968) tourne une nouvelle version de Brave Soldat Chvejk avant de devenir le réalisateur le plus prolixe du cinéma tchécoslovaque. Ses films les plus célèbres des années 30 sont le Revizor (Revizor, 1933), Ho ! Hisse ! (Hej rup !, 1934), Jánošík (1936) et Le monde est à nous (Svět patří nám, 1937, avec Werich et Voskovec).

Le cinéma tchèque se signale par la diversité de ses thèmes, mais aussi par l’originalité de son style, le soin apporté à la photographie, aux cadrages, aux mouvements d’appareil. Bourgeois d’inspiration, mais cédant parfois au lyrisme humaniste, bien que sans excessive sensiblerie, le septième art a conquis ses lettres de noblesse dès l’aube du parlant.

Parmi les meilleures réalisations de l’époque, il convient de citer tout particulièrement Monsieur le maréchal (C. a K. polní maršalek, 1930) de Karel Lamač, la Troisième Compagnie (Třeti rota, 1931) de Svatopluk Innemann, Avant le bachot (Prěd maturitou, 1932), Du côté du soleil (Na sluneční straně, 1933) et Marijka l’infidèle (Marijka nevěrnice) de Vladislav Vančura, l’Aube (Svítání, 1933) de Václav Kubásek, la Bourse ou la vie (Peníze nebo život, 1932) de Jindřich Honzl, la Maison dans les faubourgs (Dům na předměstí, 1933) de Miroslav Cikán, Maryša (1935) de Josef Rovenský, Virginité (Panenství, 1937) et Un conte philosophique (Filosofská historie, 1937) d’Otakar Vávra, la Maladie blanche (Bílá nemoc, 1937, d’après Karel Čapek) de Hugo Haas.

Parallèlement, des documentaristes comme Karel Plicka (Par monts et par vaux [Po horách a po dolách], La terre chante [Zem spieva, 1933]), Jiří Lehovec (l’Étoile fidèle [Věrna hvězda, 1940]), Alexandr Hackenschmied (le Fleuve de la vie et de la mort [Řeka života a smrti], Pauvres Gens [Chudí lidé], Souvenir du paradis [Vzpomínka na ráj]), Vladimír Úlehla (Un monde qui s’évanouit [Mizející svět]) et Jiří Weiss (Chanson de la terre triste [Písěn a smutne zemi]) s’imposent comme des poètes attentifs et minutieux de la vie des hommes de leur temps.

Le temps de l’occupation nazie freine non seulement l’inspiration des cinéastes, mais aussi la production elle-même (40 films en 1939, 9 en 1944). Quelques films, cependant, méritent d’être remarqués : ainsi Věra Lukášová (1939) d’Emil František Burian, Humoresque (Humoreska, 1939) et Bon Voyage (Št’astnou cestu !, 1943) d’Otakar Vávra, C’était un musicien tchèque (To byl český muzikant, 1940) et l’Avocat des pauvres (Advokát chudých, 1941) de Vladimír Slavinský, Barbara Hlavsová (1943) de Martin Frič et Samedi (Sobota, 1944) de Václav Wasserman.

Le 11 août 1945, le cinéma tchécoslovaque est nationalisé. Le court métrage le Chemin des barricades [Cesta k barikadám, 1945] de O. Vávra, V. Procházka et J. Sila inaugure une longue suite d’œuvres consacrées au temps de l’Occupation et à la lutte antifasciste. Le cinéma s’appuie sur plusieurs noms qui ont déjà fait leurs preuves, comme Martin Frič et Otakar Vávra (et même comme Václav Krška [né en 1900], qui a débuté en 1939 dans la mise en scène), et sur de nouveaux venus qui marqueront profondément les années 50 : ainsi Karel Steklý (né en 1903), Jiří Weiss (né en 1913), Jiří Krejčík (né en 1918).