Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Mais le principal traité doctrinal de Hus, le De ecclesia, est en latin. Le réformateur y reprend, pour l’essentiel, les idées de Wycliffe. L’humanisme commençant donne, à partir des années 80, un regain d’importance au latin. Bohuslav Hasištejnský z Lobkovic (v. 1461-1510) est un des plus caractéristiques représentants de cette tendance, qui va, chez lui, jusqu’au mépris affiché de la langue nationale. Sa verve moraliste s’exerce en vers et en prose. Les écrivains humanistes de langue tchèque adoptent le style périodique de leurs modèles antiques. L’abondance des subordonnées emboîtées, le rejet du verbe en fin de proposition resteront typiques de la prose tchèque jusqu’au milieu du xixe s. Viktorin Kornel de Všehrd (v. 1460 - v. 1520) offre un bon exemple de cette langue dans son immense recueil des lois et usages de Bohême (1495-1499). Le genre de la chronique se survit encore au début du xvie s. avec la célèbre Kronika česká de Václav Hájek († 1553), en prose.


De l’humanisme à la victoire de la Contre-Réforme (jusqu’à la mort de Comenius, 1670)

Inaugurée au xve s., sous forme de traductions, la mode des récits de voyages se développe beaucoup au xvie s., où fleurissent aussi les anecdotes moralisantes, les almanachs et toutes sortes d’ouvrages tchèques de vulgarisation. Le plus célèbre vulgarisateur de son temps fut le frère tchèque humaniste Daniel Adam z Veleslavína (1546-1599). La science philologique, grammaticale et musicale fut illustrée par Jan Blahoslav (1523-1571), chef spirituel de l’Unité, admirateur de Luther et de Melanchthon. À tous ses traités scientifiques et à son recueil de chants religieux — ce genre jouit d’une immense fortune depuis Jan Hus — s’ajoute sa traduction du Nouveau Testament, qui constituera, sans grands changements, le sixième volume de la célèbre Bible de Kralice ou des Frères moraves (1579-1593).

La prose tchèque est magnifiquement illustrée au xviie s. par Jan Amos Komenský-Comenius* (1592-1670) avec son Labyrinthe du Monde (1623, publié en 1631), qui fut une source essentielle de consolation pour les Frères exilés après la bataille de la Montagne Blanche (1620). Après le traité de Westphalie, en exil, Comenius écrivit encore le Testament de l’Unité des Frères. Mais il fut aussi le dernier grand prosateur tchèque en langue latine avec la somme des ses travaux pédagogiques et philosophiques. Paradoxalement, le jésuite patriote Bohuslav Balbín (1621-1688) écrit en latin sa défense de la langue tchèque et ses manuels d’histoire tchèque.


Le réveil national et les premiers romantiques

Jusqu’aux toutes dernières années du xviiie s., la littérature restera cantonnée dans des genres mineurs (principalement des almanachs) s’adressant au petit peuple, non encore tourné vers la culture allemande.

Le théoricien Josef Dobrovský (1753-1829), qui écrit en allemand et en latin, codifie la langue restaurée et exhume les trésors de la littérature ancienne, tandis qu’Antonín Puchmajer (1769-1820) compose des poésies dans le goût anacréontique, que Kramerius (Václav Matěj, 1753-1808) édite un journal et des almanachs populaires, et que les frères Karel Ignác (1763-1816) et Yáclav (1765-1816) Thám alimentent en pièces originales sans prétention et en traductions le théâtre tchèque de Prague, qui, depuis 1786, connaît des fortunes diverses. Josef Jungmann (1773-1847) démontre, par ses traductions de Milton, de Goethe et de Chateaubriand, que le tchèque est capable d’exprimer toutes les nuances du sentiment. Le Slovaque Pavel Josef Šafařík (1795-1861) avec Slovanské starožitnosti (Antiquités slaves, 1837) et le Morave František Palacký (1798-1876) avec Geschichte von Böhmen (1836, trad. tch. Dějiny národu českého v Čechách i v Moravě [Histoire de la nation tchèque en Bohême et en Moravie, 1848]) livrent les derniers monuments littéraires de la prose tchèque classique — à peine modernisée par Josef Dobrovský (1753-1829) —, avant que les écrivains romantiques de la seconde génération ne créent l’instrument dont se serviront désormais les grands prosateurs modernes.

Mais la poésie tchèque atteint immédiatement aux sommets de l’art avec deux écrivains romantiques puisant aux sources du folklore, František Ladislav Čelakovský (1799-1852) et surtout Karel Jaromír Erben (1811-1870), ainsi qu’avec Karel Mácha* (1810-1836).

Quant au théâtre moderne, Josef Kateján Tyl (1808-1856) et Václav Kliment Klicpera (1792-1859) peuvent être considérés comme ses fondateurs, quoique leurs pièces originales soient médiocres. Le théâtre n’atteindra sa maturité qu’après la Première Guerre mondiale.

Les succès de la poésie dans la première moitié du xixe s. ne doivent, formellement, presque rien aux sonnets pompeux de Jan Kollár (1793-1852) ou aux poèmes lyrico-épiques vieux-tchèques fabriqués, peu avant 1820, par Václav Hanka (1791-1861) et son groupe. En revanche, la Slávy dcera (Fille de Slava) de Kollár (1824) fortifie le thème romantique de la solidarité slave, et les faux manuscrits, outre qu’ils convainquent les Tchèques de l’antiquité de leur littérature héroïque, sont une source ininterrompue d’inspiration patriotique pour les artistes durant tout le siècle.

Parallèlement à la renaissance de la langue tchèque en Bohême, en Moravie et même en Slovaquie, on assiste en Slovaquie, depuis 1790 environ, aux premiers essais de constitution d’une langue littéraire indépendante du tchèque. L’initiateur de cette tendance est le catholique Anton Bernolák (1762-1813), qui fonde, sur la base du dialecte occidental, une langue destinée, dans son esprit, à concurrencer le tchèque biblique, transmetteur de l’« hérésie », ainsi que le latin et l’allemand, pourvoyeurs du rationalisme athée. Le seul écrivain marquant qui se sert du slovaque est le poète Jan Hollý (1785-1849), auteur d’odes et d’idylles antiquisantes.


Les littératures tchèque et slovaque depuis le milieu du xixe s.