Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchad (suite)

La colonisation

Les explorateurs français trouvent autour du lac deux empires musulmans : au nord, la domination spirituelle de la confrérie des Senousis (Sanūsiyya), épuratrice de l’islām, influente chez les Noirs du Kanem et de l’Ouadaï ; au sud, l’empire de Rabah. Ce chef de guerre musulman a quitté la région de Khartoum et accompagné Zubayr dans le Bahr el-Ghazal. Mis en déroute par les Britanniques en 1879, il va conquérir un empire qui s’étendra jusqu’au Tchad : en 1890, il installe au Dar el-Kouti Muḥammad al-Sanūsī (Senousi). Les Français traitent avec celui-ci, bien que ses gens eussent assassiné, en 1891, Paul Crampel (1864-1891), qui tentait de joindre le Congo à l’Algérie. Muḥammad al-Sanūsī continue à alimenter en hommes la traite des esclaves ; les Français ne s’en débarrasseront qu’en 1911.

En 1884-85, la conférence de Berlin fixe les modalités de l’occupation des côtes africaines. Par la suite, les puissances européennes s’obligeront à occuper effectivement les territoires qu’elles revendiquaient. Les Britanniques du Nigeria et du Soudan, les Allemands du Cameroun et les Français venant du Congo par l’Oubangui établissent des limites aberrantes, qui sont celles de la république actuelle du Tchad. Les accords franco-allemand de 1894 et franco-britanniques de 1898 et de 1899 délimitent les zones d’influence.

En 1893, ayant vaincu Gaourang, sultan du Baguirmi, Rabah prend le Bornou, inquiétant les pays haoussas et le Sahara tout entier. Les Français le combattent, tandis que les Britanniques, protecteurs du pays haoussa, sont moins inquiétés. En 1895, Émile Gentil (1866-1914) obtient la neutralité de Muḥammad al-Sanūsī ; il s’allie avec Gaourang et place le Baguirmi sous le protectorat français. Tous les efforts sont alors concentrés contre Rabah. En novembre 1897, Gentil promène le pavillon tricolore sur le lac Tchad, puis va rendre compte en France de sa mission. En 1898, la mission Cazemajou, venant de l’ouest, est massacrée à Zinder. En 1899, Ferdinand de Béhagle, agent commercial envoyé auprès des sultans du Baguirmi et de l’Ouadaï, est exécuté par les hommes de Rabah.

Les maigres troupes du Tchad sont alors renforcées par des éléments de la mission Marchand, qui a abandonné Fachoda aux Britanniques. Mais, en juillet 1899, Rabah anéantit sur le Chari le petit détachement de Bretonnet. Gentil, commissaire du gouvernement français dans le Chari, avec de faibles moyens militaires, remporte une coûteuse victoire sur Rabah à Kouno. Joalland et Meynier, regroupant leurs tirailleurs, contournent le lac par le Kanem. Ils sont rejoints sur le Chari par la mission Foureau-Lamy, venant d’Alger. Gentil arrive en avril 1900 ; Rabah et le commandant Lamy sont tués à Kousseri. Les troupes françaises poursuivent Faḍl Allāh, fils de Rabah, sur les territoires concédés à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne. Le territoire du Bornou est partagé entre la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Pendant quatorze ans, des hostilités sont menées au nord contre les Senousis, à l’est contre Doudmourrah, sultan de l’Ouadaï. Le général Étienne Largeau (1866-1916) essaie d’administrer le pays tout en poursuivant la conquête ; mais la famine et le portage inhumain maintiennent le Tchad dans un état précaire.

La conquête du Borkou, où Largeau prend Aïn-Galakha (1913), celle de l’Ennedi et celle du Tibesti ne sont effectives, après des raids méharistes, qu’en 1916. Doudmourrah se rend en 1911, mais l’Ouadaï résiste plusieurs années. La frontière avec le Soudan anglo-égyptien n’est reconnue qu’en 1919.

En 1911, des territoires sont cédés aux Allemands (« bec de canard »). À partir de septembre 1914, le général Largeau participe avec les troupes du Tchad à l’action franco-britannique qui aboutit à la conquête du Cameroun* allemand.

Énorme territoire enclavé au centre du continent, le Tchad vit en paix sous la colonisation française : sa population, aux ressources modestes, se développe. Réservoir de main-d’œuvre, il fait naître un scandale lors de la construction du chemin de fer Congo-Océan.


L’indépendance

En août 1940, avec le gouverneur Félix Éboué (1884-1944), le Tchad est la première colonie ralliée à la France libre et la base de départ de la colonne Leclerc vers la Libye. Après 1945 débute une vie politique menée par le parti progressiste tchadien (P. P. T.), filiale du Rassemblement démocratique africain (R. D. A.), dominé par les ethnies nigritiques du Sud et animé par l’Antillais Gabriel Lisette (né en 1919).

Après des années d’agitation, le parti se prononce pour une entente franco-tchadienne, s’étendant aux populations musulmanes et animistes. En 1959, Lisette est évincé par François Tombalbaye (1918-1975), instituteur sara. En 1960, la république du Tchad devient indépendante. La Constitution d’avril 1962 institue le pouvoir présidentiel, et, en janvier 1963, le parti progressiste tchadien (P. P. T.) devient parti unique. Le président Tombalbaye assume complètement la direction de l’État et du gouvernement. Une administration négligente, un centralisme abusif, la résurgence des haines tribales, la constitution d’un Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) provoquent à partir de 1968 une rébellion du nord et de l’est du pays, appuyée par le Soudan et la Libye. Tombalbaye obtient alors une aide militaire française (1968-1972). Une politique de réconciliation ramène un équilibre précaire. En avril 1975, Tombalbaye est tué lors d’un coup d’État. Le général Félix Malloum, devenu président du Conseil supérieur tchadien, exige le départ des troupes françaises. Mais les relations avec la France s’améliorent à partir de 1976.

P. G.

 J. Le Cornec, Histoire politique du Tchad, 1900-1963 (L. G. D. J., 1963). / J. Boisson, Histoire du Tchad et de Fort-Archambault (Promotion et Édition, 1966). / G. Diguimbaye et R. Langué (sous la dir. de), l’Essor du Tchad (P. U. F., 1969). / P. F. Gonidec, la République du Tchad (Berger-Levrault, 1971). / J. Cabot et C. Bouquet, le Tchad (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1973).