Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

taoïsme (suite)

La situation de la religion taoïste ne fut pas beaucoup améliorée sous la dynastie des Qing (Ts’ing, 1644-1911). Condamné par le gouvernement comme doctrine perverse et dangereuse pour la société, le taoïsme fut également la cible de la révolte des Taiping (T’ai-p’ing, 1851-1864), mouvement d’inspiration chrétienne qui occupa la majeure partie de la Chine du Sud, ruinant les temples taoïstes de la montagne Longhu. Dès lors, l’Église taoïste n’eut plus qu’une existence précaire.

Après la fondation de la république en 1911, le gouvernement mena des campagnes contre les superstitions. La plupart des propriétés des temples taoïstes furent saisies au profit de l’État. Mais dans le peuple la croyance inspirée du taoïsme resta bien enracinée. Une nouvelle édition du canon taoïste fut achevée en 1926 dans un but de conservation du patrimoine national. Après la fondation de la république populaire, la religion taoïste fut condamnée comme réactionnaire.


Apports de la religion taoïste

1. La recherche des mystères biologiques du corps. Les exercices de respiration, de concentration, de gymnastique, les méthodes de kinésithérapie, de massage, d’hypnose, de diète, etc., représentent une somme non négligeable de connaissances psychosomatiques, psychologiques, physiologiques, pharmaceutiques, etc.

2. La recherche des mystères de la nature. L’alchimie des taoïstes a beaucoup contribué au cours de l’histoire au développement de certaines branches de l’artisanat chimique. La force explosive chimique et la polarité magnétique se sont développées à partir de la magie taoïste.

3. L’esprit subversif. Au déclin d’une dynastie, la doctrine de la religion taoïste a souvent été utilisée par les chefs d’une révolte pour exalter leur mouvement et pour renverser l’ordre établi.

4. L’influence sur la littérature. Les textes taoïstes sont riches de termes ésotériques et éblouissants qui frappent l’imagination : fille de jade, éphèbe d’or, forêts de phénix, fruit du vent, semence des nuages, palais d’orchidées pourpres, prunelles de Dragon blanc, etc. Ce surréalisme taoïste nous introduit dans un monde ensorcelant. Son influence sur la littérature et en particulier sur le roman et la nouvelle est très importante. Dans le domaine de la poésie, le meilleur représentant des poètes taoïstes est sans aucun doute le célèbre poète Li Bo (Li Po*, 701-762). Ses poèmes chantent la tristesse de la finitude humaine et la passion de vivre. Le confucianisme, réaliste et positiviste, a créé une littérature de l’histoire. La philosophie taoïste a enfanté la littérature pure et la religion taoïste la littérature du fantastique.

P.-M. H.

 J. Legge, The Sacred Books of China. The Texts of Taoism (Oxford, 1879-1885, 3 vol. ; nouv. éd., Londres, 1927, 2 vol.). / M. Granet, la Pensée chinoise (Renaissance du livre, coll. « Évolution de l’Humanité », 1934). / A. D. Waley, The Way and its Power (Londres, 1934). / H. Doré, Recherches sur les superstitions en Chine, IIIe partie, 3e section, t. XVIII : Lao Tseu et le taoïsme (Chang-hai, 1938). / J. Needham, Science and Civilization in China (Cambridge, 1954-1959 ; 3 vol.). / Chang Chung Yuan, Creativity and Taoïsm, a Study of Chinese Philosophy, Art and Poetry (New York, 1963 ; trad. fr. le Monde du Tao, Stock, 1971). / M. Kaltenmark, Lao-tseu et le taoïsme (Éd. du Seuil, 1965). / N. Vandier-Nicolas, le Taoïsme (P. U. F., 1965). / H. Maspero, le Taoïsme et les religions chinoises (Gallimard, 1970).

T’ao Yuan-ming ou T’ao Ts’ien

En pinyin Tao Yuanming ou Tao Qian, poète chinois de la dynastie des Jin (Tsin) [Jiangxi (Kiang-si) 365 ou 372 - † 427].


Comme c’est le cas d’un certain nombre de poètes anciens, la postérité s’est chargée de transformer sa pensée et son existence en un modèle symbolique, si bien qu’il est difficile de démêler ce qui relève du mythe de ce qui fut la réalité. Sa vie nous est assez peu connue ; même sa date de naissance est sujette à controverse. Quant aux allusions biographiques qui émaillent son œuvre, elles peuvent aisément n’être que des conventions poétiques. Né au Jiangxi (Kiang-si) dans une famille moyenne, il passe treize années dans des postes peu importants de l’administration. Il démissionne, alors qu’il était gouverneur de Pengze (P’eng-tsö) en disant la phrase devenue célèbre : « Je ne veux pas, pour cinq boisseaux de riz, courber l’échiné devant un fonctionnaire de village. » Cinq boisseaux de riz étaient alors son salaire. Plusieurs fois déjà, il s’était senti attiré par la vie à la campagne et décide de retourner à la terre. Là, il s’occupe de l’exploitation de ses propriétés, où il rencontre quelques déboires. Il parcourt landes et champs, participe à la vie paysanne et goûte les changements des saisons. Il vit sans luxe, mais dans une aisance qui lui permet de cultiver ses passe-temps, à savoir soigner ses chrysanthèmes, lire des livres, boire et, bien sûr, écrire des poèmes. C’est d’ailleurs penché sur ses chrysanthèmes que l’hagiographie traditionnelle a coutume de le représenter. Ce bonheur limité, mais serein, est le thème principal de son œuvre. Pour les Chinois, Tao Yuanming est le sage qui sait garder le juste milieu et se contenter de son sort. Sa philosophie, pleine de pondération, allie le confucianisme et le taoïsme. Il croit en la vertu du prince et du bon gouvernement, s’inquiète de la misère du peuple et professe un idéal de pureté et de dignité. Dans le poème dédié « À la gloire de Jing Ke » (King K’o), il exalte la vertu de celui qui osa s’élever contre la tyrannie du Premier Empereur. Son idéal social est décrit dans la Source des fleurs de pêcher (Taohua yuan [T’ao-houa yuan]), poème précédé d’une courte notice qui évoque un monde oublié : on n’y trouve ni prince ni sujet, mais des hommes complaisants et heureux, des maisons propres et des champs fertiles. Isolé à la campagne, il mène une existence empreinte de taoïsme, d’un taoïsme plein de modération, sans les excès du mysticisme ou de l’alchimie. Son seul but est de garder cette sérénité de l’âme qui transparaît à travers tous ses poèmes. Il en a laissé environ cent cinquante, dont la plupart datent d’après son retour aux champs. Ses chefs-d’œuvre débutent avec les cinq poèmes du Retour à la vie champêtre (Gui yuantian ju [Kouei yuan-t’ien kiu]), où il explique sa décision et sa nouvelle existence :
« L’oiseau captif songe à son ancien bois,
Les poissons de la vasque à fonde natale.
Défrichant ma glèbe aux landes du sud,
Rustre je demeure et reviens aux champs. »