Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

L’artisanat reçoit l’impulsion du commerce et de la clientèle de la cour ; verrerie, travail du métal, sériculture et tissages, qui lui sont liés, sont célèbres. En plus de la culture traditionnelle des céréales et de l’olivier se développe l’agriculture intensive et irriguée dans les vergers et potagers de la Rhūta, ou plaine de Damas. Les Omeyyades sont aussi de grands bâtisseurs (mosquées de Damas, d’Alep et de Jérusalem, châteaux du désert) ; l’art de leur époque, animé par des artistes chrétiens ou convertis à l’islām, continue l’art byzantino-syrien.

Dans le domaine culturel, le siècle de la dynastie omeyyade voit l’éclosion des sciences religieuses de l’islām et du christianisme (saint Jean Damascène) ainsi que l’essor d’une poésie puissante et originale.


Les ‘Abbāssides*, puis leurs lieutenants (750-969)

En 750, à la suite de luttes entre les tribus arabes et de la faiblesse des Omeyyades, les ‘Abbāssides* prennent le pouvoir et transfèrent la capitale à Bagdad. Désormais, le centre de l’Empire est oriental, et la Syrie est laissée relativement à l’écart.

Ce n’est pas sans révolte que celle-ci se laisse déposséder du centre califal. Trois courants animent ces révoltes : celui de la fidélité aux Omeyyades, appuyé par les Arabes Qaysites, provoque la révolte de 790-796 contre le calife Hārūn al-Rachid* (786-809), qui envoie son général Dja‘far al-Barāmika la mater et inspire la révolte de Mubarka « le Voilé » en 840 ; celui des chrétiens du Liban est secondé, en 760, par la flotte de Byzance, qui voudrait en profiter pour reprendre pied dans ses anciens domaines ; enfin, le mouvement des opposants khāridjites trouble tout le Moyen-Orient et trouve en Syrie un terrain propice en 794 (le khāridjisme, réduit, se réfugiera finalement au Maghreb). De 868 à 969, l’effondrement du pouvoir central ‘abbāsside va entraîner l’autonomie des provinces et leur morcellement sous des dynasties autochtones, qui, dans le domaine syro-palestinien, sont arabes, puis turques. En effet, ce qui caractérise cette époque est l’essor des nomades militaires, Bédouins arabes, puis Turcs.

Du point de vue religieux, le chī‘isme duodécimain, qui s’étend dans tout le Croissant fertile, gagne la Syrie du Nord-Ouest, tandis que la Syrie du Sud, la Palestine et l’arrière-pays kurde du haut Euphrate restent à majorité sunnite.

Alors que la Syrie du Sud et la Palestine sont attirées dans l’orbite égyptienne des gouverneurs turcs ṭūlūnides* jusqu’en 905, puis ikhchīdides à partir de 935, la famille ḥamdānide des Arabes tarhlibides de haute Mésopotamie fonde une principauté en Syrie du Nord ayant pour centre Alep* ; cette ville devient une puissante métropole, particulièrement sous le grand prince ḥamdānide Sayf al-Dawla († 967). Toutes ces dynasties guerroient entre elles et se réclament du pouvoir nominal du calife de Bagdad.


La Syrie entre la reconquête byzantine et les Fāṭimides* d’Égypte (969 à 1071)

C’est la principauté ḥamdānide d’Alep qui supporte tout l’effort de guerre de la reconquête byzantine des deux empereurs Nicéphore II Phokas (963-969) et Jean Ier Tzimiskès (969-976) ; ceux-ci reprennent la Cilicie et la Syrie du Nord de Tarse à Antioche, qui tombe en 969, assiègent Alep, défendue par Sayf al-Dawla, et subjuguent l’Arménie et le haut Euphrate, annexant Édesse et Beyrouth, repoussant la frontière de leur empire presque jusqu’au lac de Van et jusqu’en Palestine.

D’autre part, en 969, une dynastie chī‘ite venue du Maghreb, les Fāṭimides, conquiert l’Égypte, le Sinaï, une partie de la Palestine et la Syrie du Sud, créant un califat indépendant. Elle menace Alep, où les Ḥamdānides se servent contre elle des Byzantins, facilitant ainsi la reconquête de ceux-ci.

L’économie syrienne est affaiblie par ces luttes et surtout par la constitution, avec le pouvoir fāṭimide, d’un nouvel axe commercial mer Rouge-Nil-Alexandrie, ce dernier port devenant la grande place d’échange de la Méditerranée orientale.


Les Turcs Seldjoukides* (fin du xie s.)

Venus de l’Asie centrale, les Turcs forment des milices mercenaires du calife de Bagdad ; ils mettent celui-ci en tutelle après avoir occupé les provinces iraniennes et Bagdad en 1055. Ils superposent à l’autorité nominale du calife ‘abbāsside celle d’une aristocratie militaire turque. Puis ils se lancent vers l’Asie antérieure, poursuivant deux objectifs qui vont dans le sens de la politique ‘abbāsside : lutter contre l’anticalifat chī‘ite des Fāṭimides et reconquérir sur Byzance les provinces perdues par l’islām.

Les Byzantins sont en effet battus par Alp Arslan en 1071 à Mantzikert (auj. Malazgirt), en Anatolie orientale. Dix ans plus tard, presque toute l’Asie Mineure est sous le contrôle seldjoukide du nouveau sultanat de Nicée.

Malik Chāh, lui, poursuit la reconquête de la Syrie du Nord, byzantine, et de la Syrie du Sud, fāṭimide. Damas tombe en 1076, et Jérusalem l’année suivante. La guerre seldjoukide et la prise de la Ville sainte, racontées en Occident par des pèlerins, va donner naissance à l’idée de croisade*.

Malik Chāh unifie toutes les possessions turques d’Iran, d’Asie Mineure, de Syrie et de Palestine. Aidé de son vizir iranien Niẓām al-Mulk (1018-1092), un des plus grands hommes politiques de l’époque, il organise son État, où la terre est distribuée en iqṭā‘, apanages non héréditaires, aux émirs turcs. Les Turcs forment une aristocratie militaire et une armée de mercenaires, et dominent, sans s’y implanter, une population déjà très mélangée et remuante où la propagande chī‘ite fāṭimide s’exerce contre le pouvoir turc, strictement sunnite, et fomente des troubles. Ainsi, la secte des chī‘ites ismaéliens* assassins (hachīchiyyīn) du « Vieux de la Montagne » sème la terreur chez ses ennemis.

Après la mort de Malik Chāh, son État se disloque en nombreux émirats et sultanats dominés par la noblesse turque.