Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

Cette prospérité est très tôt menacée par les guerres incessantes entre les États. Pour se protéger, les villes se ceignent de murailles toujours plus importantes, protégées extérieurement par des glacis de terre battue destinés à neutraliser les béliers, une invention du temps. Au nord, le Yamhad, affaibli par le morcellement politique, est détruit par le roi hittite* Moursili Ier (v. 1600). Mais la dynastie du « premier royaume hittite », qui subit un rapide déclin, abandonne ses conquêtes en Syrie, et la défaite des Amorrites d’Alep laisse la place aux princes et au peuple hourrites*, qui vont devenir au xvie s. l’élément dominant dans le nord-est de la Syrie. En Palestine, le climat d’insécurité a suscité la formation de groupes guerriers cananéens, qui imposent leur domination aux villes du sud du couloir syrien et à l’Égypte : leurs chefs forment dans la vallée du Nil les XVe et XVIe dynasties (v. 1670-1560), celles des Hyksos* de l’historien Manéthon.


Les impérialismes se disputent le couloir syrien (bronze récent, xvie-xiie s. av. J.-C.)

Le texte le plus détaillé de l’époque concernant ce pays (les Annales de Thoutmosis III relatant les campagnes du pharaon en Syrie) montre bien que le couloir syrien est alors la région la plus riche du Proche-Orient. La convoitise et aussi l’admiration à l’égard de l’habileté technique et du haut niveau de culture des populations de la Syrie expliquent que ce pays ait attiré alors les armées des grands États du bronze récent et les flottes de commerce des Chypriotes, des Minoens et des Mycéniens.

Alors que les Hyksos dominaient encore l’Égypte, d’autres groupes guerriers, d’origine aryenne, après avoir traversé la haute Mésopotamie, pénétraient en Syrie. Ces nouveaux venus entraînent avec eux des contingents du peuple hourrite, qui afflue en masse dans le nord de la Syrie. Constitués en une aristocratie et utilisant le char de guerre attelé de deux chevaux, qu’ils répandent en Orient, les Aryens et leurs associés hourrites fondent de petits royaumes dans tout le couloir syrien et jusqu’à Jérusalem. Au xvie s., sans doute, une dynastie aryenne, dont la capitale se situe dans le bassin du Khābūr, en haute Mésopotamie, établit l’empire de Mitanni*, dont la prépondérance s’étend, en Syrie, de l’Euphrate à l’Oronte.

C’est à cet État d’organisation très lâche que va se heurter l’impérialisme égyptien. Ahmosis, le pharaon fondateur de la XVIIIe dynastie et du Nouvel* Empire, ayant chassé les Hyksos d’Avaris, leur capitale au Delta oriental, les poursuit en Palestine, où il prend leur grande forteresse, Sharouhen, après trois ans de siège. Par la suite, les Hyksos s’étant définitivement éparpillés, Ahmosis et ses successeurs immédiats se contentent de raids destinés à lever des tributs sur les cités du couloir syrien. C’est ainsi que Thoutmosis Ier va dresser sa stèle sur la rive de l’Euphrate, dans le secteur de la grande boucle, mais on peut douter qu’il ait, selon ses inscriptions, dominé réellement en Asie jusqu’à ce grand fleuve, et le domaine égyptien en Syrie semble limité au sud-ouest lorsque Thoutmosis III* inaugure la conquête méthodique.

Le grand pharaon conduit dans le couloir syrien dix-sept expéditions annuelles. Il se heurte d’abord aux coalitions dirigées par le roitelet de Kadesh, puis par celui de Tounip, deux cités de la vallée de l’Oronte moyen, puis il rencontre l’armée du Mitanni, qui soutient les adversaires et les sujets révoltés du pharaon, et qui bénéficie de la solidarité hourrite. Les insurrections et les hostilités avec les Mitanniens continuent en Syrie sous le règne d’Aménophis II, mais, sous son successeur, Thoutmosis IV, le roi de Mitanni, craignant que les puissances voisines ne rallient durablement le camp égyptien, traite avec le pharaon sur la base du statu quo. L’Empire mitannien continue à dominer jusqu’à la vallée de l’Oronte, dont il dépasse parfois le cours, et l’Égypte garde les conquêtes de Thoutmosis III.

Vers 1355, le Mitanni, miné par des querelles dynastiques, s’effondre sous les coups du roi hittite Souppilouliouma Ier, qui annexe le domaine syrien de son adversaire. Le vainqueur déporte les rois hourrites de la région et confie leurs royaumes à des princes de sa famille. Au cours de ses conquêtes, le Hittite a empiété sur le domaine égyptien, et ses intrigues y suscitent des désordres. C’est alors le règne d’Aménophis IV*, qui, sous le nom nouveau d’Akhenaton, se consacre essentiellement à la diffusion du culte d’Aton (le disque solaire), un dieu universel qui convienne à la fois aux Égyptiens et aux Asiatiques. Les roitelets restés fidèles au pharaon réclament inutilement des secours, et, lorsque le trône d’Égypte passe à l’énergique Horemheb, ce dernier représentant de la XVIIIe dynastie peut tout juste sauver une partie de la Palestine. Le premier grand roi de la XIXe dynastie, Seti Ier, rétablit la domination égyptienne sur les roitelets palestiniens et reconquiert une partie de la Syrie centrale. Son fils, Ramsès II*, subit des échecs dans ses deux principales campagnes (dont la première est marquée par la bataille de Kadesh). Finalement, le roi hittite et le pharaon concluent une paix, fondée sur le statu quo, qui laisse les possessions égyptiennes diminuées par rapport au début du xive s. (le royaume d’Amourrou, en Syrie centrale, et celui d’Ougarit dépendent maintenant de l’Empire hittite).


La civilisation syrienne au bronze récent

Le pays entre Oronte et Euphrate, dominé successivement par les Mitanniens et par les Hittites, reste très mal connu. On peut lui attribuer cependant quelques traits originaux : le rôle des Hourrites, qui y sont plus nombreux et dont le panthéon tend à éclipser celui des Amorrites ; la parenté artistique avec le monde anatolien, qui explique l’importance de la grande statuaire de pierre et de la glyptique syro-hittite ; enfin, l’apparition du bît-hilani, bâtiment royal dont les pièces sont groupées suivant un plan en largeur et précédées par un portique.