Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

syndicalisme (suite)

Dans les pays socialistes, le syndicalisme est nécessairement unique : il ne peut en être autrement dans des États qui ne connaissent qu’un parti. Pour la même raison, le syndicat est nécessairement subordonné au parti, conformément aux théories de Lénine. Mais, contrairement à ce qu’on pense à l’ordinaire, le syndicalisme n’est nullement obligatoire, bien qu’à divers égards il soit plus avantageux d’y adhérer. (En U. R. S. S., les prestations d’assurances sociales sont plus fortes pour les syndiqués que pour les non-syndiqués.)

Il est difficile de donner une idée du syndicalisme dans les pays du tiers monde. La situation y est sensiblement différente. Parfois, le syndicalisme est un syndicalisme d’encadrement contrôlé par le pouvoir (c’est le cas en Tunisie, en Algérie, au Brésil). Parfois, il semble, au contraire, entretenir de bons rapports avec l’opposition (comme au Maroc).

Le record des adhésions est battu par le syndicalisme de l’U. R. S. S. (94 millions). Viennent ensuite les États-Unis (15 millions), la Grande-Bretagne (10 millions), l’Allemagne (10 millions). Mais peut-on comparer valablement des syndicalismes aussi différents ?

Il est plus intéressant, sans doute, de comparer dans les pays de structure analogue le taux de syndicalisation. On entend par là le rapport du nombre des syndiqués au nombre des syndicables.

D’après un document de la Communauté économique européenne, complété pour les pays situés hors d’Europe, ce taux s’établirait ainsi en 1971 : Suède, 70 p. 100 ; Belgique, 66 p. 100 ; Autriche, Danemark, Luxembourg, 50 p. 100 ; Grande-Bretagne, Norvège, Pays-Bas, 40 p. 100 ; Irlande, Italie, Japon, 30 p. 100 ; Allemagne fédérale, Suisse, 25 p. 100 ; États-Unis, France, 20 p. 100.

Mais il convient de signaler que cette moyenne est elle-même trompeuse, car, dans certains pays, comme la France, le taux de syndicalisation est élevé dans la fonction publique, alors que, dans d’autres, il est faible. Un taux de syndicalisation ouvrière placerait les États-Unis au-dessus de la France.

Dans divers pays et dans certains cas, la clause dite de la closed shop interdit à l’employeur d’embaucher des non-syndiqués. Elle peut être considérée comme attentatoire à la liberté individuelle. Aussi a-t-elle été interdite aux États-Unis par la loi Taft-Hartley (1947). Mais cette loi autorise la clause dite de l’union shop, qui ne comporte pas l’affiliation obligatoire au préalable et lors de l’embauche, mais qui la prescrit au bout d’un certain nombre de mois. On revient donc à une obligation. Le taux de syndicalisation élevé dans l’industrie des États-Unis s’explique ainsi.


Syndicalisme et crise des relations industrielles

Depuis un demi-siècle, un nouvel ordre social paraissait en voie de se construire lentement, par des voies réformistes, dans les sociétés occidentales, les syndicats acceptant d’assumer des responsabilités dans le cadre des conventions collectives librement signées par eux. Mais, à partir de 1965, une série de mouvements d’origine diverse ont tout remis en question.

Dans les pays de syndicalisme pratiquement unique, comme dans les pays Scandinaves ou en Grande-Bretagne, on a vu surgir des grèves dites, chez les Britanniques, non officielles (en France on parle de grèves sauvages), qui naissent et se développent en dehors du syndicat et parfois contre lui. Ces grèves sont souvent le fait de jeunes délégués d’atelier, non permanents, qui protestent contre ce qu’ils appellent la sclérose syndicale. Contestataire dans son principe, le syndicalisme se trouve ainsi contesté à son tour par certains de ses adhérents ou par des inorganisés. (Les maoïstes sont en général hostiles au principe de l’organisation syndicale ; les anarchistes le sont parfois ; les trotskistes ne le sont jamais.)

Dans les pays de pluralisme syndical, ces mouvements, s’ils existent, ne demeurent pas longtemps « sauvages » ou non officiels. Il se trouve presque toujours une organisation qui les prend en charge et les cautionne devant l’opinion publique. Mais le problème est le même dans les deux cas : reprendre en main le mouvement et le canaliser vers des objectifs réalisables. C’était déjà le cas en France dans l’explosion sociale de mai-juin 1936 — comme ce fut le cas lors des grèves de mai-juin 1968.

Dans ce travail de « récupération », les syndicats font preuve de plus ou moins d’autorité. Les dirigeants des syndicats allemands et scandinaves sont peu disposés à pactiser avec l’indiscipline ; les riches caisses de grève dont ils disposent leur fournissent d’ailleurs un moyen de pression. En France, la tendance est tout autre. La Belgique et la Grande-Bretagne sont à mi-chemin. La diversité est telle qu’il est difficile de conclure à l’existence de deux grands types : un syndicalisme d’intégration (Allemagne) et un syndicalisme conflictuel (France).

Une des nouveautés sociales de ce dernier quart de siècle a été la mise en cause du syndicalisme dans les « pays socialistes », tout au moins dans diverses démocraties populaires : à Berlin-Est en 1953 ; à Poznań et à Budapest en 1956 ; dans les chantiers navals de Pologne en 1970-71. Dans ces divers cas, les travailleurs de la base ont fait grève malgré les syndicats et ont protesté contre la tutelle exercée sur eux par le parti ; certaines revendications tendaient vers l’autogestion. Mais soit par la répression, comme en Hongrie, soit par une tactique de lente reprise en main, les syndicats et le parti sont parvenus à rétablir leur autorité au prix de changement d’hommes et de concessions qui n’ont été parfois que passagères.


Autogestion, nationalisation, cogestion ?

Comme le syndicalisme de l’American Federation of Labor aux États-Unis, le syndicalisme français de la C. G. T.-F. O., celui de la C. F. T. C. et celui de la C. G. C. se contentent de travailler dans le régime, sans le combattre ; ces trois organisations se gardent, en général, de prendre des positions politiques, en particulier lors des consultations électorales. Au contraire, la C. G. T. et la C. F. D. T. se proclament, aujourd’hui, ouvertement socialistes. Mais elles ne conçoivent pas ce socialisme de la même manière. Pour la C. G. T., la socialisation des moyens de production et d’échange doit aboutir à la gestion de l’ensemble de l’économie par l’ensemble des travailleurs. Pour la C. F. D. T., cette socialisation doit comporter à la fois une planification démocratique et l’autogestion. Syndicalistes de la C. G. T. et syndicalistes de la C. F. D. T. se retrouvent d’accord pour juger insuffisantes les formules de cogestion, dont les syndicalistes allemands ont fait depuis vingt ans leur principale revendication et qui est appliquée dans les mines et les aciéries de la Ruhr.

G. L.

➙ Conflit collectif du travail / Ouvrière (question) / Professionnelles (organisations) / Syndicat / Trade-Unions.