Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

auscultation (suite)

• En troisième et dernier lieu doit être envisagée l’apparition de bruits adventices. Il en est ainsi des frottements secs et humides, dus à la présence de fausses membranes à la surface des feuillets de la plèvre et appartenant aux pleurésies. De même, les râles peuvent être secs ou humides. Les premiers sont des râles ronflants, ou sibilants (rencontrés dans l’asthme), les seconds sont des râles crépitants (comparés par Laennec « aux bruits du sel que l’on fait crépiter à une chaleur douce dans une bassine »), éclatant sous l’oreille en fin d’inspiration et observés principalement lors des pneumopathies aiguës, et des râles sous-crépitants, perçus aux deux temps de la respiration, témoins de bronchopneumopathies. Tels sont les principaux éléments qui peuvent être appréciés par l’auscultation pulmonaire. Il est à noter que celle-ci, jointe à la percussion, permet de reconnaître dans les hydropneumothorax la succussion hippocratique (bruit entendu à l’auscultation en secouant le malade).


Auscultation du cœur

L’auscultation cardiaque permet de reconnaître les bruits normaux : premier bruit maximal à la pointe, suivi du petit silence, ou systole, deuxième bruit maximal à la base, suivi du grand silence, ou diastole. Elle décèle également les anomalies d’intensité (par exemple assourdissement des bruits au cours de péricardites, ou son éclatant et métallique du deuxième bruit à la base [appelé clangor]), de timbre et de rythme. Le dédoublement des bruits est surtout le fait du deuxième bruit du cœur (claquements des valvules de l’aorte et de l’artère pulmonaire, qui doivent se faire ensemble). Les bruits surajoutés consistent en frottement péricardique, en bruit de galop, signe d’insuffisance cardiaque, en roulement diastolique, traduisant un rétrécissement mitral, et en souffle systolique ou diastolique, témoin d’insuffisance mitrale ou aortique. Les bruits normaux ou anormaux peuvent être enregistrés sur bandes de papier (phonocardiogramme), l’enregistrement se déroulant simultanément avec celui de l’électrocardiogramme. Les anomalies cardiaques sont les plus intéressantes à étudier par ce procédé.

Les bruits du cœur du fœtus sont auscultés à travers la paroi abdominale de la mère, grâce à un stéthoscope rigide.


Auscultation des vaisseaux

Il reste à mentionner l’auscultation des vaisseaux périphériques, intéressante en cas d’anévrismes artériels ou artério-veineux et de thrombose des gros vaisseaux (carotide), l’auscultation de l’abdomen, permettant parfois d’entendre des souffles d’origine tumorale ou anévrismale, enfin l’auscultation du crâne, percevant le souffle de certains anévrismes cirsoïdes.

M. R.


Les initiateurs de l’auscultation


Gaspard Laurent Bayle,

clinicien et anatomo-pathologiste français (Vernet, Provence, 1774 - † 1816). Contemporain de Laennec, il fut le premier à pratiquer l’auscultation du cœur en vue d’en diagnostiquer les maladies ; c’est toutefois dans le domaine des maladies pulmonaires qu’il fit le plus progresser les connaissances médicales, en publiant en 1810 ses Recherches sur la phtisie galopante.


René Laennec,

v. l’article.

Austen (Jane)

Écrivain anglais (Steventon 1775 - Winchester 1817).


Au fond de son Hampshire natal, qu’elle n’a jamais quitté sauf pour un séjour de quelques années à Bath, cette provinciale présente un cas à part parmi les écrivains du xixe s. La science de l’avant-dernière des huit enfants du recteur de Steventon se borne aux seuls auteurs anglais qu’il sied de connaître à une personne bien élevée. Elle mène une vie de petite bourgeoise campagnarde, insouciante au milieu de sa famille, qu’elle adore. Les mille petits riens d’une vie quotidienne tranquille l’occupent largement, et ses principaux soucis semblent plutôt être les réunions mondaines, les bals de Basingstoke, la ville voisine, que l’étude ou la connaissance du monde et de son histoire. Pourtant, c’est cette même jeune fille qui, à vingt et un ans, produit l’un des chefs-d’œuvre de la littérature anglaise : Pride and Prejudice (Orgueil et Préjugé, 1813). Ce livre donne toute la mesure de son art, son univers et sa technique. Comme Walter Scott et les premiers autres romanciers de l’ère victorienne, Jane Austen se rattache à la tradition du xviiie s., mais alors que, chez Scott, c’est la forme, avec ses romans à épisodes, qui rappelle Fielding, Smollett ou Sterne, miss Austen s’apparente à eux par le fond : elle est une moraliste et peint la réalité à la lueur de la raison. Par ailleurs, si le monde romanesque de Scott renferme une multitude bouillonnante, s’il apparaît à la mesure de l’histoire, celui de Jane Austen, strictement limité, appartient, lui, à l’espèce domestique. Il n’y a rien de dramatique, de mouvementé dans Orgueil et Préjugé. Pas de personnages et de figurants en foule. Tout se passe dans le cercle étroit de la famille : relations entre parents et enfants, rapports de voisinage, observés avec une lucidité psychologique impitoyable. Écrivain en dehors du courant romantique naissant, miss Austen ne connaîtra de son vivant qu’un succès modeste plus ou moins éclipsé par celui de Walter Scott, qui pourtant, un des premiers, saura lui rendre justice : « Cette jeune fille a un talent pour décrire les difficultés, les sentiments, les personnages de la vie quotidienne... cette touche exquise m’est refusée. » Au moment où la première génération romantique des « lakistes » lance avec Wordsworth son hymne passionné à la Nature, Jane Austen ignore le lyrisme au bénéfice du réalisme. Elle réussit la performance de créer un personnage de jeune fille, Elizabeth Bennet, sensible et attachant, sans s’attendrir pour ainsi dire jamais. Au moment où Scott illustre brillamment l’art de la « romance », on ne trouve dans Orgueil et Préjugé ni aventures héroïques, ni chevauchées, ni exploits dans ce halo d’irréel que donne un cadre gothique, mais seulement une vision des personnages de l’intérieur. Jane Austen appartient à la race classique dans une époque illustrée par Byron, Scott, Wordsworth, Shelley ou Keats. Guidée par un souci conscient d’unité, de perfection technique et de psychologie, elle ne retient l’événement qu’autant qu’il renforce le thème central. De narration pure et simple de la vie des héros, le roman devient alors une interprétation, mais son attitude au cours du développement demeure éminemment critique, quoiqu’elle n’intervienne jamais personnellement. Elle juge ses héros en fonction d’un système de valeurs agréé par la seule raison. Sensiblerie, sentimentalité ne sont pour elle que matière à satire, et l’humour qui baigne son œuvre est empreint d’un certain scepticisme, que n’eût pas désavoué un La Fontaine. Malgré l’intervalle — dont on connaît mal le motif — qui sépare sa première œuvre (The Watsons, 1804, publiés en 1871) des autres romans (Raison et Sensibilité, 1811 ; Mansfield Park, 1814 ; Emma, 1815 ; Persuasion, 1818 ; Northanger Abbey, 1818), on observe une continuité remarquable de son art et de ses idées : sa technique demeure toujours aussi serrée, plus que jamais l’ironie y sert de véhicule à ses jugements moraux, qui apparaissent de plus en plus lucides et de moins en moins tendres. Charlotte Brontë dénoncera d’ailleurs en des termes très durs l’absence de passion dans l’œuvre de Jane Austen. Première d’une lignée dont la filiation extrême produira Henry James, Jane Austen appartient à cette famille de romanciers qui, selon l’expression de Robert Liddell, écrit du « roman à l’état pur ».

D. S.-F.