Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Augustin (saint) (suite)

En fait l’augustinisme théologique et philosophique fut peu à peu absorbé par le thomisme, qui compléta et nuança la doctrine du docteur africain ; les religieux de Saint-Augustin eux-mêmes se mirent à l’école de saint Thomas. Désormais, comme le dit le P. Rotureau, « toute tentative de fidélité à saint Augustin dirigée contre saint Thomas aboutira à une perversion de l’augustinisme ». Ce sera, au xvie s., le prédestinationisme rigide des protestants ; encore que la Renaissance, la Réforme et la Contre-Réforme aient puissamment aidé à dépoussiérer l’œuvre de saint Augustin et — par opposition à une scolastique sclérosée — à revivifier d’augustinisme la spiritualité et la mystique modernes.

L’influence de saint Augustin fut énorme sur le xviie s., français surtout. Ce qu’on appelle l’école française de spiritualité — pour qui Jésus-Christ est le foyer animateur de toute vie spirituelle — s’est développé dans l’ombre d’Augustin. L’augustinisme a plus d’un point commun avec le cartésianisme ; à propos de la philosophie de Malebranche, on a pu parler d’un véritable « augustinisme cartésien » se développant au sein de l’Oratoire. C’est le xviie s. aussi qui vit se renouveler, avec le baïanisme et le jansénisme, les vieilles querelles du prédestinationisme, et s’affronter les deux interprétations, radicale ou mitigée, des théories antipélagiennes sur la grâce. Évidemment, le xviiie s. prit, dans ce domaine aussi, le contre-pied du xviie s. Inversement, la spiritualité du xixe s., plus haute, plus humaine que celle des siècles précédents, s’alimenta à l’augustinisme le plus substantiel. Et puis il y eut des philosophes chrétiens — Alphonse Gratry, Léon Ollé-Laprune, Maurice Blondel... — dont la parenté d’esprit témoigne de l’influence restée grande de l’éminent docteur africain.

Aunis, Saintonge et Angoumois

Ensemble de provinces françaises, entre Poitou et Gironde, présentant une unité quant à leur passé artistique. Les centres respectifs en sont La Rochelle*, Saintes* et Angoulême*.


Une civilisation s’installe ici dès l’époque solutréenne (animaux sculptés dans le calcaire du Roc de Sers, au musée de Saint-Germain-en-Laye). Au Néolithique appartient un premier monument militaire : le camp de Peu-Richard, sur un éperon barré par deux enceintes concentriques.

L’empreinte romaine sera forte. Dans le bois des Bouchauds demeurent les ruines d’un théâtre qui pouvait accueillir 9 000 spectateurs ; Saintes, nœud routier de premier ordre, conserve les restes d’une partie de ses importants monuments. Les invasions wisigothiques ont laissé des centaines de sépultures (fibules, colliers, ceinturons, bijoux d’orfèvrerie cloisonnée aux décors fantastiques du trésor de Herpès).

Après l’an 1000, sous la suzeraineté brillante des comtes de Poitou et des ducs d’Aquitaine, l’Angoumois et la Saintonge se couvrent d’églises romanes. Les carrières du Crétacé fournissaient un matériau excellent, qui se prêtait particulièrement bien au ciseau du sculpteur. Gérard II, évêque d’Angoulême de 1101 à 1135, reconstruit sa cathédrale ; la nef unique, large et claire, est couverte de 4 coupoles sur pendentifs, comme à Cahors et à Périgueux. Ce type importé de Dordogne en Angoumois est fréquent le long de la Charente. Mais un autre type d’élévation intérieure, en Saintonge surtout, s’inspire de l’école poitevine : nef voûtée en berceau, contrebutée par deux bas-côtés presque aussi élevés, compris sous la même toiture (église-halle).

En fait, l’originalité de la province réside surtout dans la décoration des façades. La plus grandiose est celle d’Angoulême, avec ses étages d’arcatures superposées abritant des statues. Aulnay, Saintes, Surgères offrent un grand luxe d’ornementation sculptée. Discrète dans les tympans, celle-ci se multiplie sur les claveaux des voussures, même dans les plus simples églises de villages (Rioux, Rétaud, Chadenac). Un thème familier est la psychomachie : lutte des vertus et des vices. Très particulières aussi sont les lanternes des morts, au pied desquelles un autel permettait de dire la messe en plein air (Saint-Pierre-d’Oléron, Cellefrouin, Fenioux). La peinture murale est illustrée par les combats de croisés de Cressac.

Le style gothique, accepté avec réticence, sera loin d’avoir la même fécondité, à part quelques beaux clochers flamboyants. L’art religieux perd sa sève, la construction civile prend le relais. Déjà, au xiie s., les donjons rectangulaires de Broue, Pons, La Rochefoucauld ne manquaient pas de grandeur. Aux xive et xve s., La Rochelle construit les trois tours qui barrent l’accès de son port.

À la fin du xve s. et à la Renaissance, les châteaux s’édifient ou se renouvellent selon la mode des bords de Loire. Brillante époque pour la province : François Ier n’a-t-il pas été élevé à la cour de Cognac avec sa sœur Marguerite d’Angoulême, princesse des lettres ? Autour du donjon roman de La Rochefoucauld, une cour intérieure développe avec noblesse trois étages de galeries à l’italienne (1520 à 1535). Dampierre-sur-Boutonne (milieu du xvie s.) offre deux étages de loggias ; un extraordinaire plafond à compartiments y est décoré d’hiéroglyphes et d’emblèmes énigmatiques. Jardins et miroirs d’eau font la parure de La Roche-Courbon. La même richesse se retrouve dans les constructions urbaines de La Rochelle : hôtel de ville (1544), maison de Diane de Poitiers (1555), où l’interprétation des ordres antiques est faite avec beaucoup d’élégance. Au même moment, Bernard Palissy* retrouve à Saintes le secret des céramiques les plus singulières.

Le siège fameux de La Rochelle, entrepris par Richelieu en 1627-28, met en évidence l’importance stratégique du littoral. Sous Louis XIII et sous Louis XIV, ces préoccupations défensives vont amener la création de plusieurs ouvrages militaires. Le phare de Cordouan passait déjà pour la « huitième merveille du monde » ; Brouage, construit de 1630 à 1640 par Pierre d’Argencourt (1575-1655), est le plus beau spécimen d’architecture bastionnée avant Vauban. La même idée préside à la fortification de Rochefort, né de toutes pièces entre 1665 et 1669 sur les plans du chevalier Louis Nicolas de Clerville († 1677), et de François Blondel (1618-1686) pour l’arsenal. Les collaborateurs de Vauban* sont chargés de protéger la côte : François Ferry († 1701) reconstruit l’enceinte de La Rochelle, son hôpital et le fort du Chapus, rigoureux dans sa géométrie. Le maître se réserve les chantiers des îles : Saint-Martin-de-Ré, Le Château-d’Oléron.