Sweelinck (Jan Pieterszoon) (suite)
Il semble en effet certain aujourd’hui, contrairement aux allégations fantaisistes de Mattheson, qu’il ne dut sa formation qu’à des maîtres néerlandais : en premier son père Pieter, organiste de l’église Saint-Nicolas (Oude Kerk) d’Amsterdam, puis Jan Willemszoon Lossy, organiste à Haarlem. S’il connut l’enseignement de Zarlino (il l’apprécia au point d’écrire un traité de composition d’après ses théories), ce put fort bien être par ses seuls écrits, qui circulaient dans toute l’Europe occidentale, et surtout en Hollande, dont les éditeurs, du fait de leur intense activité, avaient fait un centre de première importance, un carrefour d’influences. D’une part, des manuscrits y affluaient, tant de provenance française (chansons et psaumes) que de provenance italienne (madrigaux et tablatures) ; d’autre part, des musiciens s’y installaient, comme les organistes Peter Philips et John Bull, qui, tous deux, furent en relation avec Sweelinck et grâce à qui celui-ci put connaître l’école d’orgue anglaise alors florissante.
En 1577, alors âgé de quinze ans, Sweelinck reçoit la charge d’organiste de l’Oude Kerk d’Amsterdam et la conservera jusqu’à sa mort (son fils Dirck [1591-1652], l’aîné de, ses six enfants, lui succédera). À peine en poste, il voit, en 1578, son statut se modifier du fait de l’adoption par la ville d’Amsterdam de la religion calviniste. N’ayant plus de rôle pour le service religieux, il donnera chaque jour dans son église des concerts publics qui contribueront à établir sa renommée de virtuose et de compositeur.
Son œuvre revêt trois aspects essentiels. Le premier aspect, c’est celui de continuateur de l’art des polyphonistes français et italiens qui s’étaient illustrés dans la chanson française et dans le madrigal. Respectueux de cet héritage, Sweelinck œuvre avec finesse et distinction dans ce domaine, s’orientant toutefois de préférence (sauf dans son recueil de Rimes françaises et italiennes, à deux et trois voix, de 1612), comme ses contemporains Lassus et Palestrina par exemple, vers un effectif choral de plus de quatre voix (le plus souvent cinq, comme dans le madrigal).
Dans cette même optique, il revêt d’une musique de quatre à huit voix les 153 psaumes français du psautier de l’Église réformée (quatre livres publiés en 1604).
Il est plus novateur — c’est le deuxième aspect de sa production — quand, à la fin de sa vie, en 1619, il écrit ses Cantiones sacrae, trente-sept motets latins à cinq voix, en y adjoignant une basse continue à l’instar des Italiens.
Le troisième aspect de son activité, c’est celui de pionnier dans le domaine de l’écriture pour clavier (orgue et clavecin). S’inspirant sans doute de l’art des virginalistes anglais, notamment dans ses variations (Ma jeune vie a une fin ; Est-ce mars ?), et de celui des Italiens auteurs de ricercari et de toccate, Sweelinck réalise une admirable synthèse de ces apports différents et annonce véritablement une ère nouvelle en élaborant une technique de composition et une science du développement qui permettent de structurer des pièces d’ample dimension. Ses fantaisies sur un seul thème ouvrent la voie à la fugue. Ses fantaisies en écho connaissent un grand succès, ainsi que ses commentaires de chorals.
Sa renommée de compositeur et de professeur d’orgue lui attire de nombreux élèves des Pays-Bas et d’Allemagne, dont, entre autres, Samuel Scheidt et Jakob Praetorius, grâce à qui son influence s’exercera sur l’école du nord de l’Allemagne, auprès de laquelle Bach puisera bien des éléments de son langage.
B. G.
C. Van den Borren, les Origines de la musique de clavier dans les Pays-Bas jusque vers 1630 (Bruxelles et Leipzig, 1914). / B. Van den Sigtenhorst Meyer, Jan Sweelinck en zijn instrumentale muziek, t. I : De vocale muziek (La Haye, 1946).
