Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

suspension

Ensemble de mécanismes élastiques articulés qui transmettent aux essieux le poids d’un véhicule et servent à soustraire les occupants ainsi que le chargement aux chocs dus aux inégalités du chemin de roulement.



Véhicule automobile


Les éléments de suspension

Pour se garantir des chocs, on dispose de trois sortes d’éléments d’inégale efficacité : le pneu, qui entoure la jante de la roue et qui est capable d’absorber, par déformation élastique, surtout s’il est gonflé à basse pression, les petites inégalités de la route ; les sièges, qui contiennent des ressorts multiples en fil d’acier et un revêtement superficiel capitonné ; enfin les ressorts de suspension, qui forment la partie principale de l’ensemble, car la caisse, ainsi isolée des roues et des essieux, assure à la fois le confort des occupants et l’amélioration de la tenue de route aux grandes vitesses. À l’imitation de la pratique adoptée pour la voiture hippomobile, les premiers ressorts employés étaient du type à lames et consistaient en un empilage de plusieurs lames cintrées, de longueurs décroissantes et réunies en leur milieu par deux brides. La lame principale, ou lame maîtresse, était enroulée à chacune de ses extrémités pour être clavetée sur le châssis. La variation de longueur des lames en fonction des flexions imposées était assurée par des articulations à jumelle. Le ressort à lames tend à s’effacer devant le ressort hélicoïdal, fabriqué à partir d’une barre d’acier que l’on façonne, à chaud, par enroulement en forme d’hélice. Cette forme de ressort ne nécessite aucun entretien et elle se plie aisément à la réalisation de suspensions modernes où les roues sont indépendantes de la carrosserie. La barre de torsion est un cylindre en acier qui possède la propriété de tourner autour de son axe sous l’action d’un effort appliqué à l’extrémité d’un bras de levier solidaire de la roue et lié à l’une des extrémités de la barre, l’autre étant fixée par ancrage au châssis. Enfin, le ressort pneumatique utilise l’élasticité de l’air emprisonné et comprimé dans un habitacle de forme appropriée. Avec l’appoint d’huile sous pression, il est possible de maintenir la carrosserie à une hauteur du sol indépendante de la charge supportée. C’est ce qu’on réalise dans la suspension oléopneumatique Citroën. Chacun des ressorts est constitué d’une sphère contenant de l’azote et dont le bas, plein d’huile, communique avec un cylindre dont le piston est lié au bras de roue. Lorsque cette roue se soulève, le piston refoule une colonne d’huile qui, par l’intermédiaire d’une membrane séparant le liquide de l’azote, comprime le gaz dans sa sphère. L’huile, étant freinée par des clapets en haut du cylindre, agit comme amortisseur.


Flexibilité et assiette

Un ressort de suspension est caractérisé par sa flexibilité. Au repos, il prend une hauteur libre invariable. Lorsqu’on monte la partie suspendue, le ressort fléchit et retrouve une autre position d’équilibre à une hauteur inférieure. Cette déflexion sous charge est proportionnelle au poids supporté, et sa valeur dépend de la flexibilité du ressort, définie comme le rapport de la déflexion au poids qui l’a motivée. Elle est constante, et la position d’équilibre prise par l’ensemble partie suspendue - ressort de suspension constitue l’assiette du véhicule. Cette partie suspendue subit une réaction égale et opposée à la force qui a causé la déflexion du ressort, c’est-à-dire au poids supporté. À l’abord d’un cahot, la roue transmet une réaction additionnelle, inversement proportionnelle à la flexibilité, ce qui tendrait à démontrer que l’efficacité d’une suspension est fonction directe de la flexibilité et qu’à l’extrême une flexibilité infinie caractériserait une suspension parfaite. Malheureusement, cette proposition ne serait vérifiée que si la surcharge due aux occupants ou au poids transporté était constante, ce qui n’est jamais le cas. Toute surcharge, en effet, impose une variation d’assiette d’autant plus importante que la flexibilité est plus grande. À la limite, il serait impossible d’assurer le débattement de la suspension. D’autre part, à cette limitation géométrique de la valeur de la flexibilité s’ajoute une limitation dynamique. Un véhicule progressant rapidement ne peut tenir compte de la variation du profil de la route. En abordant une montée, la caisse a tendance à poursuivre sa course horizontalement en raison de son inertie. C’est au mouvement ascendant de la roue — qui, en comprimant le ressort de suspension, augmente la valeur de la réaction — que la caisse parvient à se soulever, et cette action est d’autant plus faible que la flexibilité est plus grande.


Nécessité de l’amortissement

L’ensemble masse suspendue-ressort de suspension constitue un système pendulaire, et ses oscillations sont les mêmes que celles d’un pendule. Écarté de sa position d’équilibre, ce système sera le siège d’un mouvement oscillatoire dont la période est représentée par l’intervalle de temps séparant deux passages successifs, dans le même sens, à la position d’équilibre. Une suspension présente la même période d’oscillation que celle d’un pendule simple dont la longueur serait égale à la déflexion statique du ressort. À partir de cette observation, il est possible de calculer les périodes du système pendulaire en fonction de la déflexion sous charge et d’utiliser ces résultats pour fixer la valeur optimale à donner à la déflexion statique du ressort pour que les occupants ressentent une impression de confort. Les meilleures périodes sont comprises entre 0,5 et 1,1 s, ce qui correspond à une plage de déflexions allant de 7 à 30 cm. Un autre problème se présente ensuite : celui de l’amortissement des oscillations. Il est lié au phénomène de résonance. La suspension étant assimilable à un oscillateur harmonique, il suffit que des impulsions se présentent en revêtant un caractère défini de répétition et de périodicité pour que le système se trouve soumis à un régime permanent d’oscillations entretenues, gênantes pour les occupants du véhicule. À l’extrême, lorsque la période de ces impulsions occasionnelles atteint la période propre d’oscillation de la suspension, la résonance synchrone qui en résulte augmente exagérément les amplitudes du mouvement oscillatoire, ce qui perturbe gravement la sécurité de marche. Le remède consiste à absorber l’énergie accumulée par l’oscillateur dans un appareil appelé amortisseur, fonctionnant par frottement et transformant le mouvement reçu en chaleur, qui se dissipe dans l’atmosphère. Plusieurs méthodes permettent de réaliser pratiquement cet amortissement, mais, pour les voitures, le système visqueux est maintenant généralisé. En principe, l’appareil se compose d’un cylindre, solidaire de l’essieu de la voiture, dans lequel se meut un piston relié à la partie suspendue du véhicule. Le cylindre est rempli d’huile, et l’alésage du piston présente un certain jeu, appelé dashpot et au droit duquel l’huile, refoulée par le piston, se trouve laminée, la résistance visqueuse qui en résulte étant proportionnelle à la vitesse du déplacement relatif cylindre-piston. Contrairement à l’amortissement solide employé autrefois, cet appareil et ses dérivés ne présentent pas de seuil de blocage, c’est-à-dire que, même écartés très faiblement de leur position d’équilibre, ils tendent toujours à y revenir. De plus, en cas de sollicitations forcées, il y a toujours une réponse, qui est maximale au moment de la résonance, lorsque les deux périodes, celle du système oscillateur et celle de l’excitateur, sont en synchronisme. Le mouvement causé par les sollicitations imposées est caractérisé par des amplitudes qui sont proportionnelles à leur importance, alors que l’énergie dépensée par l’amortisseur croît comme le carré de ces amplitudes. Les amplitudes perturbatrices ne peuvent croître indéfiniment et l’appareil amortisseur peut toujours les contrôler. L’amortisseur hydraulique est semblable à cet appareil, à la seule différence près que le dashpot est remplacé par des ajutages percés dans le piston et à travers lesquels l’huile est laminée. Le rôle de l’amortisseur est nécessairement bivalent, en ce sens qu’il doit assurer également l’amortissement de la partie non suspendue, dont la roue forme le principal. Cette masse constitue un oscillateur mécanique à périodes courtes qui peut entrer en résonance sous l’action des impulsions dues aux cahots. Faute d’une action énergique de l’amortisseur, suppléant à l’insuffisance du pouvoir absorbant du pneumatique, les roues seraient, à grande vitesse, animées de ressauts qui viendraient perturber le guidage transversal du pneu par adhérence au sol. Toutefois, on peut absorber les mouvements verticaux du train roulant par un batteur composé d’un cylindre accolé à la roue et contenant une masse métallique pesante suspendue à un ressort. Par inertie, cette masse tend à rester immobile et le ressort prend appui sur elle pour ramener la roue au sol.