Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Augustin (saint) (suite)

Les évêques d’Afrique, réunis en concile en 417 et 418, supplient Zosime de maintenir la décision d’Innocent et rédigent, en neuf canons, une condamnation du pélagianisme, à laquelle le pape finit par acquiescer, et qu’il appuie dans une lettre circulaire. Durant cette période difficile, le rôle d’Augustin est déterminant : les principaux documents africains sont rédigés ou inspirés par lui.

La Tractoria du pape porte un rude coup au pélagianisme, qui résiste cependant longtemps encore. En Apulie, l’évêque Julien refuse avec 17 évêques de signer l’acte pontifical. Ils sont déposés et bannis ; Julien n’en continue pas moins à attaquer Augustin, qui publie contre lui divers traités antipélagiens. Dans le même temps, l’évêque d’Hippone obtient la rétractation d’un moine pélagien de Gaule, Leporius.

Cependant, les formules d’Augustin — rendues plus lapidaires par la polémique — troublent des catholiques qui trouvent que le grand docteur africain minimise par trop la liberté humaine au profit de la grâce. Dans le midi de la Gaule notamment, plusieurs prêtres et moines — dont le célèbre Cassien, abbé de Saint-Victor de Marseille —, ne pouvant admettre la gratuité absolue de la prédestination, cherchent une voie moyenne entre Augustin et Pélage : selon eux, la bonne volonté de l’homme précède et donc demande la grâce, que Dieu accorde en récompense. Augustin lutte contre ce semi-pélagianisme en montrant comment les désirs de salut sont eux-mêmes dus à la grâce de Dieu, qui reste maître de la prédestination de l’homme.

Cette longue lutte contre Pélage et ceux qui s’inspirèrent de sa doctrine a eu une influence capitale sur la mise au point de la théologie augustinienne du péché originel et de la grâce, ainsi que de la morale augustinienne de la concupiscence. L’augustinisme du xviie s. retiendra trop souvent, de l’enseignement antipélagien de saint Augustin, la dure image de la prédestination, alors que l’enseignement de l’évêque d’Hippone est environné d’une zone suffisante d’indétermination pour que sa doctrine nous paraisse, en fait, beaucoup plus humaine.


Un rayonnement universel

Selon la belle expression d’Henri Marrou : « philosophe de l’essence » contre les manichéens, « docteur de l’Église » contre les donatistes, « champion de la grâce » contre les pélagiens, saint Augustin fut aussi le « théologien de l’histoire » contre les païens. Sa Cité de Dieu préfigure et alimentera tout un courant chrétien de l’histoire, dont Bossuet, dans son Discours sur l’histoire universelle, est l’un des plus illustres représentants.

Comme Valère l’avait fait à son profit en 395, Augustin, vieilli et voulant éviter à Hippone les troubles d’une élection après sa mort, fait acclamer comme son auxiliaire et futur successeur le diacre Heraclius (426). Mais les dernières années du vieil évêque sont troublées par la querelle entre l’impératrice Placidie et le comte Boniface, et surtout par la dévastation de l’Afrique par les Vandales. Dès le début du siège — qui devait durer dix-huit mois — Augustin s’éteint, le 28 août 430. Son corps est déposé dans la basilique Saint-Étienne ; chassés par les Vandales, Fulgence et d’autres évêques d’Afrique l’emportent avec eux en Sardaigne (486). Cette dernière île ayant été occupée par les Sarrasins, les reliques de saint Augustin sont rachetées par les Lombards, qui les font déposer en l’église Saint-Pierre de Pavie. On les y aurait retrouvées en 1695. Sur les ruines d’Hippone a été élevée, de 1881 à 1900, une basilique en l’honneur de saint Augustin.

Les familles religieuses qui se réclament de la « règle » de saint Augustin

Augustin, qui avait vu se développer à Milan des formes de monachisme, introduisit la vie monastique dans l’Afrique romaine. L’exemple qu’il donna lui-même à Tagaste et à Hippone fut imité en de nombreux diocèses africains. Parallèlement, son influence contribua à augmenter le nombre de jeunes filles et de veuves vouées au Seigneur. C’est pour elles qu’il écrivit, en 423, la Lettre qu’on a assez improprement appelée règle de saint Augustin. Car l’évêque d’Hippone n’eut jamais l’intention de légiférer en la matière, encore moins de fonder un ordre ; il a simplement tracé une ligne de conduite générale, discrète et libérale, pouvant être suivie aussi bien par des hommes que par des femmes, et dont l’essentiel consiste dans un idéal de désappropriation. On ne peut même pas affirmer que les « monastères » africains se soient tous inspirés de la fameuse Lettre. Il n’en reste pas moins que l’autorité d’Augustin a été prépondérante sur l’orientation du monachisme africain et occidental.

La règle de saint Augustin, c’est-à-dire sa Lettre enrichie de textes augustiniens et d’autres dont il est difficile d’établir la genèse et de suivre l’histoire, fut utilisée par de nombreux auteurs de règles anciennes (de Saint-Victor, d’Arrouaise). C’est à partir du xie s. que cette règle connut une fortune nouvelle. On trouva alors qu’elle s’adaptait très bien à une forme spécifique de la vie religieuse des temps féodaux : les chanoines réguliers. Parmi les communautés de chanoines subsistant actuellement, on doit citer : les chanoines réguliers de Saint-Augustin, les chanoines réguliers du Latran, les chanoines hospitaliers du Grand-Saint-Bernard, les Prémontrés. C’est à saint Augustin que saint Dominique demanda d’abord l’inspiration de sa règle, quitte à y ajouter des constitutions complémentaires importantes.

À peu près en même temps que les chanoines réguliers se multiplièrent les ermites, qui s’inspirèrent aussi de la règle augustinienne. En 1254, le pape Alexandre IV les regroupa en un seul ordre dit « ermites de Saint-Augustin », ou simplement Augustins, qui comptèrent jusqu’à 2 000 couvents au xive s. et connurent diverses réformes, notamment celle des récollets (xvie s.). En 1567, le pape Pie V les mit au nombre des ordres mendiants, à la suite des carmes : c’est à cet ordre qu’appartint Luther. Actuellement, les Augustins comptent environ 6 000 religieux répartis en trois branches : ermites de Saint-Augustin, récollets de Saint-Augustin, ermites déchaussés.