Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sulla ou Sylla (Lucius Cornelius) (suite)

Un des traits caractéristiques de ses réformes est la tendance à l’éparpillement des pouvoirs entre un plus grand nombre de personnes, ce qui peut satisfaire un certain nombre de petits partisans ambitieux, tout en diminuant l’autorité des fonctions concernées. Le sénat, qui a été décimé, est non seulement reconstitué, mais élargi : 600 membres, dont 500 sont désignés par Sulla, beaucoup étant issus de l’ordre équestre. Cet ordre est, au contraire, démantelé : il perd aussi bien ses privilèges honorifiques que ses attributions judiciaires ou fiscales. Le nombre des magistrats est augmenté : les préteurs passent de six à huit, et les questeurs de huit à vingt. Un artifice subtil permet de partager davantage le pouvoir des consuls sans augmenter le nombre officiel de ceux-ci. Quant au tribunat de la plèbe, aux armes trop efficaces, Sulla le réduit à un pouvoir théorique et à une voie sans débouchés. Enfin, le gouvernement des provinces et le commandement des armées sont retirés aux magistrats pour être confiés uniquement à des proconsuls, ou propréteurs, en nombre suffisant, équivalant à celui des provinces, ce qui fait disparaître le privilège des prorogations répétées. L’Italie échappe au système, gouvernée désormais par les magistrats ordinaires, non pourvus de légions. En revanche, elle est colonisée par les fidèles vétérans : 120 000 d’entre eux reçoivent des terres, le plus souvent en Campanie, au Latium et en Étrurie, ce qui assure l’encerclement de Rome.

Les autres réformes du dictateur vont dans le sens du rétablissement ou de la consolidation de l’ordre et de la tradition. Sulla s’efforce de revaloriser la religion traditionnelle, accroît le nombre des pontifes et des augures, reconstruit le Capitole. Il légifère activement en matière pénale, renforce les châtiments contre les homicides, les incendiaires, les porteurs d’armes cachées, les faussaires, les faux-monnayeurs. La brigue électorale frauduleuse est poursuivie avec rigueur. Sulla s’ingénie à codifier par le menu les délits et à en tarifier les amendes. L’immoralité n’échappe pas à son zèle : l’adultère, les jeux de hasard, les festins ruineux sont visés par son despotisme tracassier. L’activité du dictateur s’étend aussi aux prestations accordées à la plèbe romaine : il supprime les distributions de blé aux indigents, mais taxe impitoyablement le prix des denrées alimentaires. À Rome, il construit ou reconstruit les temples de Vénus et d’Hercule, il trace de nouvelles voies, remanie le Forum et édifie le Tabularium, dont on peut encore admirer les solides arcades. Au peuple, il offre de spectaculaires réjouissances : en 94 le premier combat de lions, en 81 un banquet colossal. Après la rude période de la guerre civile, cette détente est la bienvenue ; la vie littéraire elle-même reprend son cours, bien que l’éloquence politique ne se soit pas trouvée encouragée. On a attribué à Sulla la paternité des atellanes tant il les a appréciées. Cette sorte d’opéra-comique fait des progrès aux dépens de la comédie classique. En matière d’art, Sulla, connaisseur, passe pour l’introducteur à Rome du pavage en marqueterie de marbre. De son temps date la formation du second style ornemental, dont les peintures pompéiennes offrent de nombreux exemples.


La retraite

Sulla renonce brusquement à tous ses pouvoirs en 79, soit au bout de fort peu de temps. Quand il juge son œuvre terminée, selon certains. Quand il sent de sombres nuages s’accumuler, selon d’autres. Parmi ces nuages figurent l’ambition de Pompée, la perte du soutien des Caecilii Metelli, qu’il a toujours eu, la déception de l’aristocratie sénatoriale, au pouvoir réduit, enfin un scandale : l’assassinat de Roscius Amerinus, occasion du plaidoyer de Cicéron en faveur de Sextus Roscius, fils de la victime. Sulla se retire dans sa villa de Cumes, où il passe son temps à chasser ou à écrire ses Mémoires. Quand il meurt, deux ans après son abdication, il a droit à de solennelles funérailles. Le destin lui a été singulièrement favorable. Sulla était d’ailleurs un dévot de la déesse Fortune, dont le temple de Préneste fut, de son temps, reconstruit sur une échelle spectaculaire. Il s’était lui-même donné le surnom de Félix (« Heureux ») dès novembre 82.

R. H.

➙ Marius / Rome.

 J. Carcopino, Sylla ou la Monarchie manquée (l’Artisan du livre, 1931). / H. H. Scullard, From the Gracchi to Nero (Londres, 1959 ; 2e éd., 1963).

Sully (Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de)

Homme d’État français (Rosny-sur-Seine, près de Mantes, 1560 - Villebon, Beauce, 1641).



L’homme

Sully naquit de François de Béthune et de Charlotte Dauvet. Son père l’éleva avec ses autres fils dans la religion protestante et, sa famille étant peu fortunée, il fut placé de bonne heure auprès d’Henri de Navarre, de sept ans son aîné (1571).

Au moment de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), il se trouvait à Paris et faisait ses études au collège de Bourgogne. Cet enfant de douze ans fit preuve d’une remarquable présence d’esprit : pour échapper aux exécuteurs, il se munit d’un gros livre de prières catholique, mit sa robe d’écolier et, à travers un Paris livré aux égorgeurs, il se rendit à son collège, où le principal le cacha pendant quelques jours.

Lorsque le roi de Navarre s’échappa de la cour de France en février 1576, Rosny l’accompagna et se distingua à ses côtés dans maintes rencontres.

En 1584, de retour en France, il épousa une riche héritière, Anne de Courtenay. Dès cette époque, il prit soin de bien gérer sa fortune et parut toujours préoccupé de s’enrichir sans se montrer trop scrupuleux sur les moyens.

Valeureux capitaine, il dirigea l’artillerie à la bataille de Coutras (20 oct. 1587), remportée par Henri de Navarre contre les troupes royales du duc de Joyeuse (1561-1587). Son maître étant devenu roi de France, il continua de se battre à ses côtés et fut grièvement blessé à la bataille d’Ivry (14 mars 1590), ce qui lui valut d’être salué par Henri IV du titre de « brave soldat, vrai et franc chevalier ». Sans renier pour sa part sa religion d’enfance, il conseilla vivement au roi de se convertir au catholicisme pour pacifier le royaume.