Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Suisse (suite)

En face de ce primat de l’architecture, peinture et sculpture n’acquièrent leur autonomie qu’à l’époque du gothique tardif. Konrad Witz*, à Bâle, en apporte le témoignage dans ses tableaux d’autel, auxquels l’observation directe de la réalité, jointe à la force plastique, donne un accent nouveau (Saint Joachim et sainte Anne, musée des Beaux-Arts de Bâle ; l’Annonciation, Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg). Nombre d’artistes du xve s., tels le Maître des Cartes à jouer, le Maître de l’Adoration des Mages de Zurich, le Maître bâlois de 1445, suivront l’exemple de Witz. Avec Hans Fries (v. 1465 - v. 1518), de Fribourg, qui a un amour prononcé pour le drame, les clairs-obscurs profonds, un nouveau pas sera franchi, qu’emboîte le sculpteur Hans Geiler (actif à Fribourg de 1513 à 1534), auteur de fontaines à Fribourg et à Berne.


La Renaissance

Ainsi préparées, les orientations nouvelles de la Renaissance vont s’affirmer avec le Bernois Niklaus Manuel (dit « Deutsch », 1484-1530), dessinateur, graveur et peintre, poète et homme d’État, qui peint pour le couvent des Dominicains de Berne une Danse macabre (connue par des copies), mais s’attaque aussi bien au Jugement de Pâris (musée des Beaux-Arts de Bâle) ; avec le Soleurois Urs Graf (v. 1485 - v. 1527-28), orfèvre, peintre graveur, qui introduit la sensualité, le cynisme, le libertinage en décrivant avec complaisance la vie des truands, ribaudes et miséreux ; avec surtout Hans Holbein* le Jeune, que la Suisse peut revendiquer comme l’un des siens, bien qu’il fût d’origine allemande. Né à Augsbourg, Holbein, tôt installé à Bâle, devient en 1520 bourgeois de cette ville ; c’est là qu’il développe son art et révèle son génie. Si ses premières peintures sont encore imprégnées de gothique tardif, il ne tarde pas à être grisé par le souffle de la Renaissance. Avant de devenir en Angleterre le peintre attitré d’Henri VIII, il exécute à Bâle et à Lucerne des peintures murales, des portraits, comme celui d’Érasme, peint son Christ mort (musée de Bâle) d’une bouleversante expression, illustre des Bibles pour les éditeurs bâlois... Son influence se fera sentir pendant près d’un siècle dans les œuvres des peintres suisses (Hans Bock le Vieux, v. 1550 - v. 1624). Avec le décorateur portraitiste Tobias Stimmer (1539-1584) surgissent les premiers signes d’une inspiration nouvelle, son art se situant à la charnière de la Renaissance et du baroque (décor de façade de la maison du Chevalier à Schaffhouse).

Si l’on ne rencontre pas en Suisse de grands monuments religieux de la Renaissance, du moins le nouveau style participe-t-il à l’ornementation de certaines églises, sous forme de campaniles (église de la Madonna del Sasso de Morcote), de portails (Dôme de Lugano) ou de fresques (Santa Maria delle Grazie de Bellinzona) ; le Tessin va du reste donner à l’Italie deux de ses plus grands architectes : Domenico Fontana (1543-1607), puis Borromini*.

Par contre, de nombreux édifices publics et demeures bourgeoises relèvent en partie de l’art renaissant, ainsi le palais Ritter et la maison Göldlin à Lucerne, les hôtels de ville de Lucerne et de Zurich (xviie s.), les maisons Schnyder von Wartense à Sursee et Winkelried à Stans, etc.


Du baroque au romantisme

Les formes du baroque et du rococo, propagées par les Jésuites, laissent indifférents les cantons passés au protestantisme, mais s’imposent en terre catholique : couvent d’Einsiedeln, reconstruit au début du xviiie s. par l’architecte autrichien Kaspar Moosbrugger (1656-1723) ; abbatiale de Saint-Gall (1755-1767) ; diverses églises à Lucerne, Fribourg, Muri... Édifiée par Gaetano Matteo Pisoni (1713-1782) et par son neveu Paolo Antonio Pisoni (1738-1804), d’Ascona, la cathédrale de Soleure (1762-1773) se réfère plutôt au classicisme de Palladio.

Si le style Louis XIV a été à peu près ignoré en Suisse (la bourgeoisie restant alors fidèle aux formes de la Renaissance), par contre la rocaille, puis le néo-classicisme se déploient assez largement dans l’architecture civile du xviiie s. L’influence française marque ainsi châteaux (celui de Mme de Staël, à Coppet) et riches demeures urbaines (hôtels Buisson et Saussure à Genève, Maison Blanche et Maison Bleue à Bâle...).

Toute une pléiade d’artistes affirment la vitalité de la peinture et des arts graphiques : les Matthaüs Merian père et fils, le premier graveur topographe (1593-1650), le second portraitiste (1621-1687) ; l’émailleur Jean Petitot (1607-1691) et le miniaturiste Joseph Werner (1637-1710), tous deux employés à la cour de France ; le portraitiste et orientaliste Jean Étienne Liotard (1702-1789) ; le portraitiste Anton Graf (ou Graff, 1736-1813), qui travailla à Dresde ; le préromantique Johann Heinrich Füssli (1741-1825), devenu célèbre en Angleterre...


Le xixe siècle

Le thème du paysage trouve un premier épanouissement dans les courants néo-classique et romantique. Une école genevoise se constitue avec le peintre et caricaturiste Wolfgang Adam Toepffer (1766-1847), son fils Rodolphe (1799-1846), conteur et dessinateur spirituel, l’animalier Jacques Laurent Agasse (1767-1849), les paysagistes alpestres François Diday (1802-1877) et Alexandre Calame (1810-1864). En Italie travaillent Léopold Robert (1794-1835), qui y dépeint la vie populaire, puis l’étonnant Arnold Böcklin*, qui y retrouve en visionnaire une mystique païenne de la nature. Élève à Genève de Barthélemy Menn (1815-1893), autre paysagiste aux petits formats lumineux, Ferdinand Hodler* apporte à la fin du siècle la fermeté monumentale de ses rythmes chargés de symboles, comme le sont les paysages divisionnistes de l’Italien Giovanni Segantini (1858-1899), fixé dans les Grisons. À Paris travaillent le délicat sculpteur James Pradier (1792-1852) et, professeur aux Beaux-Arts, le peintre académique Charles Gleyre (1806-1874).


Les arts plastiques au xxe s.

Les courants novateurs européens ont de bons représentants en les personnes de Félix Vallotton (v. nabis), du néo-impressionniste Giovanni Giacometti (1868-1933), des cézanniens René Auberjonois (1872-1957) et Wilhelm Gimmi (1886-1965), de Cuno Amiet (1868-1961), proche du fauvisme. Le sculpteur Carl Burckhardt (1878-1923) apporte le modèle d’un style figuratif dépouillé et de haute tenue.