Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Suisse (suite)

Pouvoir législatif et pouvoir exécutif ont des moyens d’action l’un sur l’autre. Le Parlement agit par la nomination des membres du gouvernement et de son président, par les interpellations, les postulats et les motions. Le gouvernement doit lui présenter chaque année un rapport de gestion. En revanche, le gouvernement a l’initiative des lois concurremment avec les députés et donne son avis sur les propositions de lois des assemblées. Mais il ne peut en aucun cas dissoudre les chambres et il n’a aucun pouvoir sur les sessions. Les rapports existant entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif constituent la grande originalité du système suisse et contribuent à assurer une stabilité de l’exécutif.


Les cantons

Les cantons constituent des États indépendants et souverains, possédant leur Parlement (Conseil cantonal ou Grand Conseil) et leur gouvernement (Conseil d’État). Ils ont en outre leur tribunal et leur administration des finances publiques. Le canton constitue l’arrondissement électoral pour l’élection de la Chambre du peuple : le Conseil national. Chaque canton élit aussi deux représentants au Conseil des États ; chaque demi-canton en élit un. Selon les cantons, on applique le système électoral majoritaire ou proportionnel, mais c’est ce dernier qui est le plus largement appliqué. Depuis février 1971, les femmes ont le droit de vote et sont éligibles au niveau fédéral, cantonal et communal, sauf dans un nombre restreint de cantons et de communes.

D. N.

 W. E. Rappard, The Government of Switzerland (New York, 1936). / A. Siegfried, la Suisse démocratie-témoin (la Baconnière, Neuchâtel, 1948 ; 4e éd., 1969). / M. Duverger, Droit constitutionnel et institutions politiques (P. U. F., 1955). / C. J. Gignoux, la Suisse (L. G. D. J., 1960). / J. Steiner (sous la dir. de), Das politische System der Schweiz (Munich, 1971). / R. Ruffieux et coll., la Démocratie référendaire en Suisse au xxe siècle, t. I : Analyse de cas (Éd. universitaires, Fribourg, 1972).


Le système militaire

Le système militaire helvétique, adapté aux réalités du pays, reste fidèle à des traditions remontant au pacte de défense mutuelle de 1291, et au convenant de Sempach (1393), qui précise les obligations militaires de chaque canton.

Dès l’origine, les forces armées helvétiques sont constituées de tous les hommes valides de 16 à 60 ans, mobilisés dans chaque canton sous les ordres d’un « capitaine général » et conservant à leur domicile leur armement et leur équipement. Ces milices cantonales permettront à la Confédération de se constituer progressivement en entité politique au travers de luttes armées menées essentiellement contre les Habsbourg. Cependant, dès la fin du xve s., la Suisse surpeuplée fournit des contingents soldés à toutes les cours d’Europe, et principalement à la France. Les accords conclus avec Charles VII (1453), Louis XI (1474) et François Ier (1516) marquent le début de la longue tradition du recrutement d’unités helvétiques « au service de France ». La Compagnie des cent-suisses, constituée par Louis XI, appartient à la Maison du Roi jusqu’à la Révolution, de même que le régiment des gardes suisses, dont 1 200 hommes, le 10 août 1792 aux Tuileries, paieront de leur vie leur fidélité à leur serment. Des régiments d’infanterie suisses et grisons participent aux opérations des armées françaises de 1477 à 1830, date de la dissolution des quatre derniers d’entre eux.

En 1859, le Parlement fédéral interdit le service à l’étranger. Quelques années plus tôt, il avait confirmé, par une loi du 8 mai 1850, les principes qui régissent encore l’armée fédérale, fondée sur un service actif court, dit « école des recrues », mais aussi sur d’importantes obligations dans les réserves. Ce système permet à la Suisse de mobiliser 200 000 hommes (6 divisions), en 1914. Grâce à un effort encore accru, la mobilisation de 1940 portera l’armée suisse à 13 divisions, 800 000 hommes. La valeur de cette armée, la détermination de son chef, le général Henri Guisan (1874-1960), et la résolution de la population pèseront très lourd dans la décision de Hitler de renoncer à violer la neutralité helvétique.

En 1961, une réorganisation de l’armée met l’accent sur la mobilité des unités, sur la puissance et la modernisation des armements et ramène de 60 à 50 ans (sauf pour les officiers) la limite d’âge des obligations militaires. En 1970, tandis qu’un mouvement d’opinion réclamait l’adoption d’un service civil pour les objecteurs de conscience, les règlements de l’armée suisse (notamment celui de discipline) étaient révisés dans un sens plus libéral pour s’adapter à l’évolution de la société contemporaine.


La politique de défense

La neutralité de la Suisse, reconnue par le traité de Westphalie (1648) et réaffirmée par celui de Versailles en 1919, est à la base de la politique de défense de la Confédération. L’expérience des deux guerres mondiales a fait ressortir que cette défense ne pouvait se limiter aux problèmes militaires et devait s’étendre au domaine économique et à la défense des populations civiles.

• La défense militaire est à la charge de l’armée, dont la mission, strictement défensive, est de dissuader tout agresseur éventuel, de lui infliger le maximum de pertes s’il franchit la frontière et de maintenir la souveraineté de la Confédération au minimum dans un « réduit national ». La manœuvre des unités s’appuie sur un réseau dense de destructions et d’installations enterrées (P. C., transmissions, dépôts multiservices...) prévues dès le temps de paix. L’organisation originale de cette armée en fait le prototype de l’armée de milice. Il n’y a pas d’armée permanente, des unités n’étant mises sur pied, hors le cas de mobilisation, que trois semaines par an pour des périodes d’instruction. Seul existe un noyau de personnel de carrière qui constitue l’état-major du temps de paix, prépare l’organisation des périodes d’instruction et permet de disposer en tout temps de quelques formations de défense aérienne. Tous les hommes valides effectuent à 20 ans un service actif de quatre mois dans des écoles de recrues. Ils sont ensuite astreints de 20 à 32 ans à huit périodes d’instruction de trois semaines (cours de répétition) dans leur unité de mobilisation, de 33 à 42 ans à trois nouvelles périodes dans le cadre de la Landwehr, et de 43 à 50 ans à deux semaines de service dans le cadre de la Landsturm. Tout « citoyen soldat » doit chaque année participer à une séance de tir et présenter l’équipement et l’armement individuel dont il est responsable. Les sous-officiers doivent, avant leur nomination, suivre pendant un mois les cours d’une école, puis participer pendant quatre mois à l’encadrement d’une école de recrues. De même, les officiers, à chaque franchissement de grade, sont astreints à deux périodes d’instruction de quatre mois dans une école d’officiers, puis dans une école de recrues. Ils doivent, en outre, en tout temps, s’occuper de l’administration et de la préparation des périodes d’instruction de leur unité de mobilisation.

• La défense économique apparaît essentielle dans un pays neutre qui, par sa situation géographique, risque, en cas de conflit, d’être coupé de ses approvisionnements. Des stocks de produits alimentaires et de matières premières (dont le niveau peut atteindre six mois de consommation) sont constitués aux différents échelons : entreprises, communes, cantons, confédération.