Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Suède (suite)

L’ère gustavienne et le grand tournant (1771-1815)


Le despotisme éclairé de Gustave III* (1771-1792)

• Gustave III, fils d’Adolphe-Frédéric, fait un véritable coup d’État, abolissant la dictature du Riksdag au profit du pouvoir royal : le Conseil, désormais, n’est responsable que devant le roi, qui partage le pouvoir législatif avec les États.

• Despote éclairé, marqué par les idées françaises, Gustave III supprime la torture, la vénalité des grades, donne un statut libéral à la presse. Il fonde une Académie suédoise (1786) et un Opéra. Un style « gustavien », variante du style Louis XVI, s’impose en Suède. Le luthéranisme s’affadit ; les non-protestants sont tolérés.

• L’hostilité de la noblesse (les Chapeaux) amène Gustave III à restaurer l’absolutisme (Acte d’union et de sécurité, 1789). D’autre part, une guerre endémique oppose Russes et Suédois en Finlande.

• Le roi meurt en 1792 à la suite d’un attentat perpétré par le capitaine J. J. Anckarström.


Le temps de la Révolution française et de Bonaparte (1792-1815)

• Gustave IV Adolphe (1792-1809) entre d’abord dans la ligue des neutres (1800) pour sauvegarder le commerce suédois. Mais son hostilité pour la France l’amène à participer aux troisième et quatrième coalitions (1805-1807) ; le seul résultat est de faire perdre à la Suède ses dernières possessions en Allemagne. Lors du Blocus continental, Gustave IV choisit l’alliance anglaise ; les Russes ayant alors pris la Finlande (1808), le roi est arrêté par le général K. J. Adlercreutz, chef du parti militaire : il mourra en exil en 1837.

• Charles XIII (1809-1818), oncle du roi déchu, doit accepter une Constitution qui impose le veto du Conseil aux mesures inconstitutionnelles ; les États se réuniront désormais tous les cinq ans. Le traité de Fredrikshamn (1809) enlève à la Suède la Finlande, la Laponie et les îles d’Åland.

• 1810 : mort du populaire prince héritier Christian-Auguste d’Augustenborg. Charles XIII désigne comme successeur le général français Bernadotte, qui s’est signalé par son humanité en Poméranie et que Napoléon a disgracié. Bernadotte, devenu Charles-Jean, refuse de rompre avec l’Angleterre.

• 1812 : accord russo-suédois. En échange d’une intervention suédoise sur le continent, Alexandre Ier promet d’aider Charles-Jean à réaliser l’union de la Norvège à la Suède, mais la convention de Moss (1814) précise que les États constitueront « chacun un royaume libre et indépendant sous un même roi ».

• 1815 : les traités de Vienne ratifient cette union.


Les Bernadotte et la monarchie suédo-norvégienne (1815-1905)


Le règne de Bernadotte (Charles XIV*) [1818-1844]

• Devenu roi (Charles XIV) en 1818, Charles-Jean pratique une politique résolument pacifiste, qui, poursuivie par ses successeurs, permettra à la Suède d’atteindre en un siècle à un haut niveau de vie et à une forte maturité politique.

• 1840 : Charles XIV accepte la réforme de la Constitution dans un sens plus libéral. Le Conseil d’État prend la forme d’un ministère divisé en sept départements spécialisés.


Les successeurs de Charles XIV (1844-1905)

• Oscar Ier (1844-1859), fils de Charles XIV, a quelque difficulté avec la Russie à propos de la frontière commune en Laponie et de la démilitarisation des îles d’Åland. Frappé d’aliénation mentale, il laisse la régence à son fils Charles (1857).

• Charles XV (1859-1872) refuse d’intervenir, malgré le scandinavisme naissant, en faveur du Danemark lors de la guerre des Duchés (1864). Cependant, l’attitude belliqueuse de la Prusse va peu à peu resserrer les liens entre les pays scandinaves. En 1865, Charles XV fait accepter une Constitution qui remplace les États par deux chambres élues au suffrage censitaire : lune aristocratique, l’autre à majorité paysanne, bientôt dominée par le parti agrarien (fondé en 1867). En même temps, le Code pénal et le statut des non-luthériens sont libéralisés.

• Sous Oscar II (1872-1907), le parti agrarien, au pouvoir depuis deux décennies, doit compter avec le parti social-démocrate, fondé en 1889.

• La transformation économique et sociale de la Suède est favorisée par l’adoption du libre-échange (1888) : le commerce des bois, vers l’Angleterre notamment, prend son essor ; en 1880, la surface cultivable est quatre fois plus considérable qu’en 1750. L’émigration rurale profite aux villes, à l’industrie (papier, houille blanche, allumettes), mais aussi aux États-Unis, où s’établissent de nouveaux émigrants suédois. En 1898 naît le syndicalisme suédois, qui va lutter contre la prolétarisation de la Suède. En 1905, la Norvège obtient la dissolution de l’union avec la Suède.


La Suède contemporaine


Politique intérieure

Sous les règnes de Gustave V (1907-1950), puis de Gustave VI Adolphe (1950-1973), la Suède connaît la prospérité économique et atteint au revenu moyen par habitant le plus élevé d’Europe.

Ces résultats sont dus d’abord à une démocratisation intense du régime : suffrage universel (1907-1909), établissement du régime parlementaire complet (1917), vote des femmes (1918). Ils sont aussi la conséquence de l’action du syndicalisme (400 000 adhérents en 1944) et du parti social-démocrate, dont l’efficacité se traduit par le vote de lois sociales importantes (assurance vieillesse, 1913 ; journée de huit heures, 1918). En 1964, 30 p. 100 du budget national sera attribué au système social. Le parti social-démocrate grandit au point qu’en 1920 Gustave V confie à son chef, Hjalmar Branting*, la formation d’un gouvernement homogène (1920, 1921-1923, 1924-25). De 1932 à 1964, les sociaux-démocrates ont souvent détenu la majorité absolue à la seconde chambre : Per Albin Hansson (de 1932 à 1946), puis Tage Erlander (de 1946 à 1969) — l’homme de l’« État-Providence » — sont en même temps que les chefs du parti les chefs du gouvernement.