Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Succession d’Espagne (guerre de la) (suite)

Après d’autres défaites sur le front nord (déroute d’Oudenaarde et prise de Lille en 1708), Louis XIV, dont l’armée est affamée et démoralisée, dont les finances sont ruinées, demande de nouveau la paix : à La Haye, il cède à toutes les exigences des coalisés, mais refuse l’humiliation suprême d’envoyer ses propres troupes faire la guerre à son petit-fils pour le détrôner.

Cette paix honteuse repoussée, il lui faut reprendre la guerre : la sanglante bataille de Malplaquet (11 sept. 1709) n’est qu’une demi-victoire. Si les coalisés restent maîtres du champ de bataille, c’est au prix de terribles pertes : 43 000 hommes, la moitié de leurs effectifs, contre 7 000 hommes du côté français.


La fin de la guerre et le revirement de l’Angleterre (1709-1711)

Louis XIV, au terme de la difficile année 1709, reconstitue ses troupes. La faim et le chômage jettent un grand nombre de paysans, d’apprentis et des compagnons vers l’armée, et d’habiles mesures financières de Nicolas Desmarets (1648-1721) [dixième égalitaire touchant les privilégiés] permettent de rééquiper les soldats. C’est une troupe rajeunie qui, le 10 décembre 1710, remporte la bataille de Villaviciosa.

Cette victoire, qui consolide la situation de Philippe V en Espagne, donne à réfléchir aux Anglais, qui voyaient déjà la France vaincue : le revirement de l’opinion anglaise, lasse d’un conflit meurtrier et interminable, amène la chute des whigs bellicistes et le rappel des tories par la reine Anne, favorable à la paix.


Des préliminaires de Londres aux traités d’Utrecht et de Rastatt (1711-1714)

Des pourparlers s’engagent à Londres entre Français et Anglais en janvier 1711. Ils sont précipités par la mort inattendue de l’empereur Joseph Ier (17 avr. 1711) et la promotion comme empereur de son frère, l’archiduc Charles, que les coalisés ont essayé de faire proclamer roi d’Espagne.

La crainte de voir se reconstituer l’empire de Charles Quint incite l’Angleterre à signer les préliminaires de paix le 8 octobre 1711. Après la disgrâce de Marlborough, des négociations de paix s’engagent à Utrecht à partir du 29 janvier 1712. La victoire de Villars à Denain sur les troupes du Prince Eugène (24 juill.) provoque le 22 août 1712, à Fontaibleau, la conclusion d’un armistice entre l’Angleterre et la France jusqu’à la signature de la paix.

Celle-ci est signée à Utrecht le 11 avril 1713 entre Louis XIV et les coalisés, moins l’empereur, qui se décide à son tour, à Rastatt, le 6 mars 1714 après de nouveaux succès français (prise de Landau le 20 août et de Fribourg-en-Brisgau le 31 octobre 1713).

Ces traités établissent pour deux siècles la prépondérance de l’Angleterre. Philippe V reste roi d’Espagne, mais doit abandonner les Pays-Bas, qui reviennent aux Habsbourg de Vienne, ainsi que Naples et le Milanais. Gibraltar et Minorque restent à l’Angleterre. C’est la fin du rêve d’une hégémonie franco-espagnole sur le bassin méditerranéen ; c’est aussi le début du démantèlement de l’Empire français d’Amérique : Terre-Neuve — à l’exclusion du droit important de pêcheries —, l’Acadie, la baie d’Hudson, clefs du Canada, sont données aux Anglais, qui s’assurent également Saint-Christophe dans les Antilles.

La France renonce aux privilèges spéciaux de commerce en Amérique espagnole, qui passent à l’Angleterre. Grâce à l’« asiento » et au « vaisseau de permission », les énormes bénéfices de la traite des nègres et du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique espagnole reviennent aux Anglais.

Si ces traités sont pour la France un échec sur le plan économique, ils ne sont pas alors ressentis comme tels, car, en dépit de ses déboires, Louis XIV conserve ses frontières intactes ; de plus, il a pu maintenir son petit-fils sur le trône d’Espagne et dans ses possessions d’Amérique, but essentiel de la terrible guerre de Succession.

P. R.

➙ Charles II / Espagne / Louis XIV / Marlborough / Philippe V.

 K. F. J. von Noorden, Der spanische Erbfolgekrieg (Düsseldorf, 1870-1882 ; 3 vol.). / M. R. De Courcy, la Coalition de 1701 contre la France (Plon, 1886 ; 2 vol.). / A. Legrelle, la Diplomatie française et la succession d’Espagne (Pichon, 1888-1893 ; 4 vol.). / G. Pagès, Contributions à l’histoire de la politique française en Allemagne sous Louis XIV (Soc. nouv. de libr., 1905). / F. Taylor, The Wars of Marlborough, 1702-1709 (Oxford, 1921 ; 2 vol.). / A. von Bayern, Das Ende der Habsburger in Spanien (Munich, 1929 ; 2 vol.). / G. M. Trevelyan, England under Queen Anne (Londres, 1930-1934 ; 3 vol.).

sucre

Aliment de saveur caractéristique, cristallisé, que l’on extrait surtout de la canne à sucre et de la betterave à sucre.



Historique

La fabrication du sucre remonte à une époque très ancienne — 2 000 ans peut-être — dans le Bengale, pays d’origine de la canne à sucre. La sucrerie de betteraves est, en revanche, relativement moderne : c’est la raréfaction des produits d’outre-mer causée par les guerres de l’Empire qui amena en 1811 la fabrication, par J. Chaptal (1756-1832) et B. Delessert (1773-1847), à Paris, du premier « sucre indigène ». Après une longue concurrence durant le xixe s., les deux produits — sucre de canne et sucre de betterave — ont trouvé leur équilibre dans la consommation mondiale.


Données statistiques et économiques

Durant de longues années, la production mondiale de sucre a été légèrement supérieure à la consommation : par exemple, en 1970-71, 74,346 Mt ont été produites contre 72,223 Mt consommées. Depuis trois ans, la tendance s’est inversée, le stock mondial s’est résorbé et le prix du sucre sur le marché international a subi une hausse très rapide : il a sensiblement doublé entre mars 1973 et mars 1974. Il en résulte, dans le monde entier, et en France en particulier, un effort marqué pour accroître la production : alors que la capacité moyenne d’une sucrerie en France est de 3 000 t de betteraves travaillées par vingt-quatre heures, plusieurs usines vont porter leur capacité à 12 000 t. Une sucrerie de cette importance est maintenant en service en Champagne. Ainsi, la production mondiale, qui atteignait 81,597 Mt en 1973-74, est en développement. Malgré des conditions climatiques défavorables, la production a approché 3 Mt en France métropolitaine pour la même période, production à laquelle s’ajoutent 300 000 t environ provenant des sucreries de cannes des départements d’outre-mer (Réunion, Guadeloupe et Martinique).

Les grands producteurs de sucre dans le monde (1972-73) sont l’U. R. S. S. (8,5 Mt), le Brésil (6,16), Cuba (5,4), les États-Unis (4,77), l’Inde (4,28), la Chine (3,35). La France, qui vient ensuite, occupe une position honorable.