Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Augsbourg (suite)

Pendant toute l’époque romaine et médiévale, Augsbourg (ville importante sinon capitale de la Rhétie, puis évêché quasi autonome [vie s.], bien que dépendant de jure d’abord du patriarcat d’Aquilée puis de l’archevêché de Mayence) a été une ville commerçante dont la fortune était liée à la prospérité des mines d’argent et de cuivre du Tyrol et à la voie commerciale transalpine.

Au xie s., la fondation d’une cité marchande qui entra rapidement en conflit avec son suzerain épiscopal marqua le début de la « commune » d’Augsbourg, favorisée par l’empereur (1316, ville d’Empire). Les bonnes relations avec l’empereur se développèrent à l’époque de Maximilien puis de Charles Quint ; l’élection de ce dernier fut financée par les Welser, grande entreprise familiale d’Augsbourg, rivale de la maison des Fugger. Si les moulins, les forges et les tissages avaient fait la fortune d’Augsbourg médiévale, la cité devint au xvie s. un des centres financiers de l’Europe, en relation avec l’Est (Cracovie et Slovaquie, mines de cuivre de la famille Thurzó) et l’Extrême-Occident (installation des Welser au Venezuela). L’essor économique fut facilité par la tolérance confessionnelle (parité) et l’appui impérial, nécessaire d’ailleurs pour protéger la cité contre les appétits bavarois. Si, au xve s., une jeune patricienne, Agnès Bernauer, avait été noyée comme sorcière à cause de ses amours avec un prince bavarois, les Fugger purent au xvie s. faire des mariages princiers.

La richesse favorisa tout naturellement une vie artistique très active et une position politique de choix : de nombreuses diètes d’Empire laissèrent une trace importante, la Confession d’Augsbourg de 1530 et la paix d’Augsbourg de 1555. De cette époque date une conscience propre fort vive, à tendances traditionalistes et paternalistes (béguinage de la Fuggerei, 1519).

La décadence commença dès les premières années du xviie s. (faillite des Welser en 1614), et s’accentua au cours de la guerre de Trente Ans. La cité ne retrouva quelque prospérité qu’au milieu du xviiie s., avec l’impression sur tissus. Annexée en 1806 par la Bavière, et son évêché étant devenu en 1817 suffragant de celui de Munich-Freising (ce qui favorisa le développement du catholicisme, auquel appartiennent aujourd’hui environ 75 p. 100 de la population), Augsbourg trouva dans le développement des tissages, de l’imprimerie et surtout des industries mécaniques des forces neuves ; diverses usines créées alors constituèrent en 1898 la puissante Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg (MAN). De cette époque date aussi un réseau privé de voies ferrées industrielles d’environ 100 km, fonctionnant encore. À ces industries, le xxe siècle ajouta l’aéronautique (Messerschmitt).

Augsbourg fut la ville du journal de Cotta, l’Augsburgische Allgemeine Zeitung, la ville où vécurent l’économiste Friedrich List, l’ingénieur Rudolf Diesel, l’écrivain B. Brecht ; elle a effacé aujourd’hui les graves blessures de la Seconde Guerre mondiale et a gardé son ancien noyau tout en continuant à s’étendre. Après avoir perdu au profit de Munich sa prééminence financière (Bourse fermée en 1934), Augsbourg doit maintenir coûte que coûte ses activités industrielles, mais reste néanmoins dans l’ombre de la capitale bavaroise.

J. B. N.

➙ Allemagne / Bavière / Fugger.

 B. Riehl, Augsburg (Leipzig, 1903). / M. Hartig, Augsburgs Kunst (Augsbourg, 1922). / O. Schürer, Augsburg (Augsbourg, 1934). / N. Lieb, Die Fugger und die Kunst (Munich, 1952-1958 ; 2 vol.). / C. Bauer et coll., Augusta, 955-1955, Forschungen und Studien (Munich, 1955). / W. Zorn, Augsburg, Geschichte einer deutschen Stadt (Munich, 1955). / L. Wegele, Augsburg (Augsbourg, 1956). / T. Breuer, Die Stadt Augsburg (Munich, 1958).


Augsbourg, ville d’art

Vers le milieu du xvie s., alors que son enceinte l’entourait encore, la cité avait la configuration d’une agglomération oblongue, ou ville haute, flanquée, en contrebas vers l’est, d’un faubourg, ou ville basse, die Jakobervorstadt (le faubourg Saint-Jacques). Cet aspect se retrouve dans le plan actuel. Le grand axe de la ville haute est constitué par une percée nord-sud (Maximilianstrasse et Karolinenstrasse) qui relie les principaux centres religieux et commerciaux de la cité : la place de la cathédrale, la Ludwigsplatz, où se dressent l’hôtel de ville et la tour Perlach, symbole de la ville en quelque sorte, et les deux églises dédiées à saint Ulrich.

De la cité romaine, rien n’a subsisté. Elle englobait l’emplacement actuel de la cathédrale, qui, consacrée en 1065, fut complètement transformée aux xive et xve s. en une église gothique à cinq nefs. Celle-ci abrite les Scènes de la vie de la Vierge peintes par Holbein l’Ancien, mais possède surtout des ouvrages insignes par leur ancienneté et leur qualité : les portes de bronze du xie s., formées de panneaux indépendants aux motifs d’inspiration antique, et plusieurs vitraux des Prophètes, du xie et du xiie s., dont la couleur n’a probablement jamais été égalée dans toute la vitrerie germanique.

On trouve le souvenir des Fugger avant tout à l’église Sainte-Anne, où Jakob Fugger, dit le Riche, fit établir de 1509 à 1518 par le sculpteur Adolf Daucher (v. 1460 - v. 1524) la chapelle funéraire de sa famille. Cet ensemble marque l’entrée de la Renaissance à Augsbourg et comporte, outre les tombeaux mêmes, dont l’ornementation est fortement marquée par celle de Venise, un groupe sculpté monumental du Christ debout, soutenu par la Vierge et le disciple bien-aimé. Cependant, la meilleure réussite de Jakob le Riche fut la « Fuggerei », cité établie dans la ville basse pour des « journaliers, ouvriers et bourgeois pieux et pauvres » ; elle comprend, suivant un plan en damier, cinquante-trois maisons à un seul étage, encore habitées et d’un goût parfait. Quant aux deux peintres qui incarnent le mieux la Renaissance augsbourgeoise, Holbein* l’Ancien et Burgkmair (1473-1531), ils sont largement représentés à la Staatsgalerie, notamment par les tableaux des sept basiliques de Rome.