Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

squelette (suite)

Chez les Vertébrés terrestres, c’est-à-dire chez les Amphibiens adultes (après la métamorphose) et chez les Amniotes, les cellules épidermiques subissent un processus de kératinisation pouvant conduire dans certains groupes à des formations cornées, auxquelles il n’est d’ailleurs pas classique de donner le nom d’exosquelette. Ainsi se constituent les écailles épidermiques des Reptiles (également présentes sur les pattes des Oiseaux et parfois sur les Mammifères — queue des Rats, écailles du Pangolin), les cornéoscutes de la carapace des Tortues* ou des Tatous de même que les formations cornées baptisées griffes, ongles ou sabots, et cornes.


Les tissus squelettiques

L’endosquelette, ou squelette au sens usuel de ce mot, est formé de tissus appartenant à l’ensemble des tissus conjonctifs*, caractérisés par des cellules sécrétant entre elles une substance fondamentale ou interstitielle parcourue de fibres (protéines fibreuses) de collagène ou d’élastine. Un squelette formé de tissu conjonctif pur se rencontre chez les Cyclostomes actuels. D’une façon générale, la substance fondamentale s’imprègne d’une muco-protéine (cartilages) ou de sels minéraux (tissus osseux).

Les cartilages* résultant de la chondrification d’un tissu conjonctif pur sont dits hyalins. Leur croissance est assurée soit par apposition de zones périphériques nouvelles issues de l’enveloppe conjonctive, ou périchondre, soit par multiplication des cellules cartilagineuses, ou chondrocytes. Il existe également des cartilages fibreux, riches en collagène, comme les disques intervertébraux, des cartilages élastiques, riches en fibres d’élastine, comme le cartilage du pavillon de l’oreille des Mammifères, et des cartilages calcifiés, enrichis en sels de calcium, présents notamment dans le squelette des Chondrichthyens. Les tissus osseux correspondent à la minéralisation plus ou moins poussée d’un tissu conjonctif fibreux riche en collagène (v. os). L’élément essentiel est l’hydroxyapatite, hydrophosphate de calcium, mais il peut s’y adjoindre des carbonates et des fluorures. L’os comporte des cellules internes, ou ostéocytes, et des vaisseaux sanguins ; il a un taux de minéralisation de 60-70 p. 100 en moyenne. Dans les autres tissus osseux, les ostéocytes restent périphériques ; c’est le cas du tissu ostéoïde des Poissons Téléostéens et de la dentine des écailles dermiques et des dents. Le taux de minéralisation est alors plus élevé (75 p. 100), et la vascularisation, comme dans le cas du cartilage, fait défaut.


Histogenèse

Le tissu conjonctif des Vertébrés a pour origine des cellules mésenchymateuses de formation généralement mésodermique. Il existe toutefois un ectomésenchyme d’origine ectodermique qui, selon certaines théories, serait à l’origine de tout ou partie du squelette viscéral. Le mésenchyme provient soit des somites (sclérotome), soit du dermatome, ou bien enfin du feuillet externe de la lame latérale (somatopleure), formations toutes d’origine mésodermique.

La chondrification du tissu conjonctif se fait par un stade procartilagineux, au cours duquel les cellules conjonctives s’arrondissent et deviennent des chondroblastes. On admet comme règle, bien que ce ne soit pas certain, que le dermatome ne se chondrifie jamais.

L’ossification se fait également à partir d’un tissu conjonctif, suivant deux modalités bien distinctes. Dans le premier cas, l’os se constitue à partir d’une structure cartilagineuse préalable : des chondroclastes détruisent le cartilage pré-existant, et des ostéoblastes viennent édifier l’os définitif. On parle dans ce cas d’ossification enchondrale.

Dans le second cas, l’os se constitue directement à partir d’un tissu conjonctif, sans passer par un stade cartilagineux. À quelques exceptions près, en particulier chez les Téléostéens, seul le tissu conjonctif issu du dermatome, donc en situation sous-épidermique, peut subir cette ossification, qu’on qualifie pour cette raison de dermique. La position relative des os d’origine enchondrale et des os d’origine dermique fait qu’on les oppose souvent sous les appellations de squelette profond et de squelette superficiel. Il faut, bien entendu, se garder de confondre le squelette superficiel ou dermique, d’origine mésodermique, avec l’exosquelette épidermique (émail et kératine), dont nous avons parlé plus haut.

L’ontogénie du squelette des Vertébrés actuels, qui passe par des stades embryonnaires (tissu conjonctif, cartilage, os enchondral), a fait supposer que la phylogénie avait emprunté les mêmes stades. Or, la paléontologie montre, au contraire, que, d’une façon générale, les ancêtres fossiles des Vertébrés actuels étaient davantage ossifiés, notamment les Ostracodermes par rapport aux Cyclostomes actuels et les Placodermes par rapport aux Chondrichthyens. Il faut donc considérer le tissu conjonctif des Cyclostomes et le cartilage des Chondrichthyens comme des tissus embryonnaires conservés chez l’adulte (phénomène de néoténie).


Croissance du squelette

Nous avons vu que le cartilage peut croître soit par chondrification de son enveloppe conjonctive, soit par multiplication cellulaire interne (intussusception). L’os, tissu bien plus dur, ne peut, évidemment, subir une croissance interne, et son augmentation de taille se fait soit par ossification de son enveloppe conjonctive (tissu périostique), soit par le maintien de zones cartilagineuses, dites cartilages de conjugaison, entretenant une ossification enchondrale tout au long de la croissance. De plus, l’os subit en permanence des remaniements de structure, discrets et compatibles avec le maintien de la fonction de soutien du corps ; ces remaniements sont particulièrement visibles dans l’os dit « haversien », structure dans laquelle les ostéocytes sont disposés en couronne autour d’un canal vasculaire central.


Les écailles dermiques

Bien qu’elles fassent normalement partie de l’endosquelette superficiel, il est habituel de traiter à part les formations diverses qui recouvrent le corps des Vertébrés aquatiques et auxquelles on donne le nom général d’écailles. Il faut bien distinguer ces écailles, faites de dentine, tissu « osseux », des écailles kératinisées, purement épidermiques, dont nous avons parlé plus haut. Les Chondrichthyens possèdent des écailles placoïdes recouvertes d’émail et homologues des dents des Vertébrés. Cela permet de constater que le qualificatif de cartilagineux qu’on donne à ces Poissons ne concerne que l’état de leur squelette profond. Crossoptérygiens et Dipneustes anciens sont recouverts d’écailles cosmoïdes épaisses, formées, de la surface vers la profondeur, de couches d’émail, de dentine, d’os spongieux, puis d’isopédine profonde lamellaire. Les Actinoptérygiens primitifs et, dans une certaine mesure, les Polyptères et les Lépidostées actuels ont des écailles ganoïdes, qui diffèrent surtout des précédentes par la présence d’une couche de ganoïne externe, assez semblable à l’émail, mais stratifiée. L’écaille élasmoïde mince des Téléostéens est une écaille ganoïde dans laquelle seule subsiste une mince couche de ganoïne externe sur une couche d’isopédine profonde. Les Cécilies*, Amphibiens apodes, comportent également dans leur région caudale des écailles dermiques inapparentes, de type élasmoïde, qui favorisent leur progression sous terre.