Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

attitude (suite)

On peut affirmer qu’il existe une attitude à l’égard d’un objet s’il est possible d’ordonner les individus du plus favorable au moins favorable, en d’autres termes, si chaque individu peut être représenté par un point de l’axe et si chaque question, qui représente un certain niveau de l’attitude, peut l’être également. On obtiendra une échelle hiérarchique si chaque sujet donne la réponse favorable aux questions qui expriment une position moins « forte » que la sienne (fig. 1).

On voit que, dans ces conditions, seuls trois patrons de réponses sur quatre sont possibles, et ils définissent bien une échelle.

On pourrait ne pas avoir d’échelle hiérarchique dans deux cas : premièrement, lorsque le domaine défini par les questions n’est pas « unidimensionnel », c’est-à-dire lorsque les réponses aux différentes questions sont données indépendamment les unes des autres ; deuxièmement, lorsqu’une opinion est refusée aussi bien par des individus ayant une attitude très favorable ou très défavorable.

Il arrive qu’on n’ait pas une échelle hiérarchique, mais que les différentes réponses présentent quand même une certaine cohérence. On admet alors l’existence d’une relation probabiliste entre l’attitude sous-jacente et la réponse à chaque question (fig. 2).

Sous des formes diverses et avec des degrés de rigueur différents, cette idée se retrouve dans les techniques de Likert et de Lazarsfeld. Il s’agit après avoir observé les fréquences des combinaisons de réponses et en avoir inféré leurs probabilités, de remonter à l’attitude sous-jacente.

Des considérations de ce type justifient d’autres méthodes, qui consistent à attribuer un poids à chaque réponse, selon qu’elle exprime un niveau plus ou moins élevé de l’attitude, et à caractériser chaque individu par la somme de ses poids. On admet ainsi qu’il y a compensation possible entre réponses, une réponse favorable pouvant être compensée par une réponse défavorable, pour nous permettre de conclure à un niveau global moyen.


L’intensité de l’attitude

Le langage courant confond parfois une attitude extrême et une attitude convaincue, ferme. On a l’impression que ceux qui ont une position extrême, dans quelque domaine que ce soit, tiennent plus fermement à leur position que ceux qui ont une position moyenne. Cela amène à distinguer l’attitude elle-même, selon laquelle s’ordonnent les individus du plus favorable au moins favorable, et l’intensité de l’attitude qui traduit le degré de conviction avec lequel on affirme sa position, quelle que soit celle-ci. L’hypothèse la plus couramment admise, qui est celle du sens commun, c’est que la relation entre les deux est la suivante (fig. 3).

On suppose donc que ceux qui ont une attitude moyenne sont également peu « intenses ». Effectivement, cela semble vrai dans le domaine des attitudes politiques : ce sont ceux qui adoptent des positions extrêmes qui les affirment le plus, qui s’informent le plus, qui militent le plus. Néanmoins, on peut trouver dans certains cas une affirmation très ferme et convaincue de positions moyennes, neutres ou intermédiaires.


Attitudes et opinions

Les sondages* d’opinion publique, qui constituent le plus souvent des enquêtes très rapides, saisissent rarement ce que nous avons appelé les attitudes. En effet, les opinions recueillies, en réponse à des questions simples, constituent plutôt la « matière première » des analyses que nous avons sommairement décrites. On étudie rarement leur cohérence et leur valeur symptomatique. Les études d’opinion cherchent à saisir les réactions d’une population à un moment donné, sans avoir le plus souvent la possibilité de saisir des mécanismes qui ont abouti à cette opinion, ce qui n’est pas leur but. Or, ces opinions peuvent être le produit de processus très divers, et des personnes peuvent affirmer, à un moment donné, des opinions identiques pour des raisons qui sont très diverses. Ce sont précisément certains aspects de ces processus qu’on cherche à saisir par l’étude des attitudes.

Les attitudes politiques

Il est courant de classer les positions politiques, que ce soient celles d’individus, d’organisations ou de journaux, en opposant la gauche à la droite, avec tous les intermédiaires possibles. Une enquête de Michelat et Thomas (1966) effectuée auprès d’étudiants a montré que les réponses à un très grand nombre de questions peuvent être en effet représentées de cette façon. De même, une étude plus ancienne, menée aux États-Unis, a mis en évidence l’existence d’une dimension à l’une des extrémités de laquelle se situerait ce que les auteurs ont appelé la personnalité autoritaire, caractérisée par des niveaux élevés de racisme, d’ethnocentrisme, d’attitudes favorables à des gouvernements dictatoriaux, le refus de l’ambiguïté, le goût et l’acceptation du pouvoir, la conviction qu’il existe un bien et un mal clairement définis. Les différents individus se situeraient plus ou moins loin de cette personnalité extrême. On voit que cette dimension recouvre assez bien certaines conceptions de la dimension gauche-droite.

Mais on a souvent refusé cette vue unidimensionnelle des attitudes politiques en lui reprochant sa trop grande simplicité. Une étude de Deutsch, Lindon et Weill, en France, a montré l’existence d’un groupe numériquement important, que ces auteurs ont appelé le marais, et qui se situerait en dehors de l’opposition classique gauche-droite. Ce sont des « modérés », se caractérisant surtout par l’absence de convictions, une certaine indifférence, une information faible.

Eysenck, en Grande-Bretagne, a dégagé, par analyse factorielle, deux dimensions sous-jacentes aux diverses positions politiques. La première, qu’il appelle radicalisme (au sens anglais) - conservatisme, coïncide assez bien avec la dimension gauche-droite. Mais il montre aussi l’importance d’une seconde dimension, qui oppose, selon les termes qu’il emploie, les « tough-minded » aux « tender-minded » (approximativement, les « durs » et les « mous »), ce qui recouvre à peu près l’opposition tolérant-autoritaire. C’est selon cette dimension que se distingueraient socialistes et communistes, plus que sur la dimension radicalisme-conservatisme.