Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sondage (suite)

Les différentes recherches de Paul Lazarsfeld sur l’effet de déformation du panel l’amènent à penser que les aspects importants d’une attitude ou d’une opinion, les facteurs qui ont le plus d’importance sur elle ne sont pas modifiés en fait par l’effet de répétition. C’est le résultat de ses nombreuses études sur l’effet des moyens de communication de masse qui l’a aidé à cerner le phénomène de l’évolution des opinions. La répétition renforce plutôt l’opinion qu’elle ne la déforme, et ce n’est sûrement pas au niveau du comportement verbal ou même réfléchi que s’élabore l’attitude ou l’opinion. Les facteurs de formation des attitudes sont beaucoup plus profondément liés aux structures sociales elles-mêmes et non à l’effet de leur expression partielle par les moyens de communication de masse ou par l’intermédiaire des méthodes d’investigation des sciences humaines comme le panel. Au contraire, les facteurs secondaires ou, si l’on préfère, les aspects inconscients des opinions et des attitudes sont influencés par l’effet de répétition. L’analyse simultanée par interviews répétées d’un même groupe, et par des sondages sur des groupes témoins différents, permet ainsi, dans une certaine mesure, de distinguer les divers éléments des opinions et, de même, de les hiérarchiser.

D’une façon générale, enfin, les panels ont le plus souvent servi à essayer de cerner l’évolution des opinions politiques avant une consultation générale. Un bon exemple de l’intérêt et des difficultés d’une telle méthode est illustré par le débat sur l’influence de la publication des sondages avant une consultation électorale ; la série de sondages nationaux publiée par la presse lors des élections s’apparente tout à fait à l’organisation d’un panel, et la discussion sur les effets des publications des résultats, à celle de l’effet déformateur de cette technique.

B. V.


Bases théoriques des méthodes d’échantillonnage

Bien que leur application ait été différée de plus de deux siècles, le principe essentiel de ces méthodes se trouve dans l’ouvrage de Jacques Bernoulli* Ars conjectandi, publié en 1713, après sa mort, par son neveu Nicolas. Les travaux de Bernoulli sur les tirages de boules dans une urne contenant des boules de deux couleurs montraient déjà la validité de l’information que l’on peut attendre d’un tirage de n boules en ce qui concerne les proportions p et q des boules des deux catégories dans l’urne.

Les développements dus à Abraham de Moivre (1667-1754) [The Doctrine of Chances, 1717], puis à Laplace* (Théorie analytique des probabilités, 1812) et à Carl Friedrich Gauss* (Theoria combinationis observationum, 1823) ont conduit à la loi normale de Laplace-Gauss*, dont le rôle est devenu fondamental dans l’étude des propriétés de la moyenne d’échantillons tirés d’une population nombreuse. Vers la même époque, Denis Poisson (Règles générales du calcul des probabilités, 1829) [v. Poisson (loi de)] étudiait les propriétés des tirages faits dans une série d’urnes de compositions différentes au lieu d’une urne unique et fournissait ainsi les bases des échantillonnages avec stratification préalable, largement utilisés un siècle plus tard. Enfin, vers 1925, sir Ronald Aylmer Fisher établissait la base d’une théorie de l’estimation* permettant, sous certaines hypothèses pratiquement assez larges, d’estimer, à partir d’un échantillon, les paramètres inconnus de la population en leur associant un intervalle de confiance correspondant à une probabilité donnée que cet intervalle contienne la vraie valeur inconnue.

Dans le cas, théoriquement très simple, mais souvent impossible à réaliser en pratique, d’un échantillon de n unités prélevées au hasard dans une population de N unités, les bases théoriques de la méthode des sondages conduisent aux résultats suivants.

Si m et σ sont respectivement, dans la population de N unités, la moyenne et l’écart type d’un caractère mesurable X associé à chaque unité, les divers échantillons de n unités qu’il serait possible de prélever dans la population auraient, si n n’est pas très petit (par exemple n > 10), des moyennes xi normalement distribuées autour de la moyenne inconnue, avec un écart type pratiquement très voisin de si le rapport n/N (taux de sondage) est petit (pratiquement inférieur à 0,10). La distribution des moyennes possibles d’échantillons est d’autant plus concentrée et plus voisine d’une distribution normale autour de m que n est plus grand. La théorie élémentaire de l’estimation conduit alors :
1o à estimer l’écart type inconnu σ par la valeur la sommation étant étendue à toutes les observations x de l’échantillon de moyenne  ;
2o à conclure que la moyenne inconnue m a, par exemple, environ 95 chances sur 100 de ne pas différer de de la moyenne de l’échantillon.

Si l’on s’intéresse à un caractère qualitatif porté par une fraction inconnue p de la population, la valeur de p sera, dans les mêmes conditions, estimée par la fraction p0 constatée dans l’échantillon, avec 95 chances sur 100 de n’en pas différer de plus de

Mais, si N est grand, il est en fait très difficile de réaliser un prélèvement au hasard, c’est-à-dire donnant à chacune des N unités de la population une même probabilité de figurer dans l’échantillon : il faudrait, par exemple, disposer d’une liste numérotée des N unités de la population (base de sondage). Un tel procédé, réalisé par exemple pour l’amortissement annuel d’un nombre fixé d’obligations du Crédit foncier, lesquelles sont individualisées et numérotées a priori, ne peut pas l’être pour constituer un échantillon de quelques milliers de ménages de la population française.


Méthodes d’enquêtes par sondages

À défaut d’une nomenclature complète des unités de la population, permettant le choix au hasard des unités de l’échantillon soumis à l’enquête, la réalisation d’une enquête par sondages implique toujours une certaine information préalable sur la population, afin d’assurer au mieux le caractère représentatif de l’échantillon. Il existe deux grandes catégories de méthodes de sondage : les méthodes empiriques et les méthodes probabilistes (v. enquête par sondages).