Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sommeil (suite)

Les insomnies


Chez l’adulte

L’insomnie est un trouble de signification et de gravité très variables selon les cas. Il existe des différences, parfois assez marquées, dans les modalités du sommeil chez les individus normaux. Il n’est pas douteux que l’établissement des règles strictes pour la durée idéale du sommeil soit difficile, car certains sujets vivent normalement en dormant de 6 à 7 heures, d’autres ont besoin de 8 à 9 heures, pour bien s’adapter aux activités diurnes. L’enfant et l’adolescent doivent dormir plus longtemps que l’adulte pour maintenir un bon équilibre de leurs fonctions nerveuses et somatiques générales.

Parmi les multiples catégories d’insomnies, on peut en distinguer quatre principales.
1. Les fausses insomnies sont le fait des obsédés perfectionnistes, des hystériques, des hypocondriaques qui se déclarent insatisfaits de leur sommeil alors que leur santé est manifestement excellente et que leur entourage affirme les voir dormir suffisamment.
2. L’insomnie occasionnelle est en rapport avec une période de tension psychologique, des soucis familiaux et professionnels, des événements douloureux, la perspective d’un changement important de vie, etc. Le surmenage du grand travailleur intellectuel, les préoccupations qui concernent un examen, une traite à payer, une rupture sentimentale, la menace d’une grossesse non désirée, des changements fréquents d’horaire de travail (« trois huit ») perturbent souvent l’endormissement.
3. L’insomnie modérée permanente ou intermittente, mais fréquente, encore appelée « petite insomnie » névrotique, se voit chez les sujets « nerveux », hyperexcitables, émotifs, anxieux, légèrement psychasthéniques et obsédés. Elle prend souvent aux yeux du patient un aspect dramatique, mais elle n’est jamais très grave, car le sujet dort beaucoup plus dans une nuit qu’il ne s’en souvient le lendemain ; de plus, il ne maigrit pas, ou peu, et fait face tant bien que mal à ses obligations de la journée. En général, il n’accumule pas une grosse dette de sommeil. À la longue, cependant, cette insomnie, si elle n’est pas soulagée par des sédatifs doux, des tranquillisants ou des neuroleptiques à faible dose, peut entraîner une baisse du rendement intellectuel, du dynamisme vital, du désir sexuel, etc. Les conseils d’hygiène sont ici fondamentaux : suppression des excitants, activité physique régulière et modérée, diminution des facteurs de surmenage et réduction du nombre des activités, régularité des horaires, etc. À noter, cependant, qu’une activité diurne insuffisante ne favorise pas la qualité du sommeil.
4. La grande insomnie, qui peut résulter de désordres psychotiques majeurs tels que la schizophrénie*, les délires* chroniques, les psychoses* confusionnelles ou délirantes aiguës, l’accès maniaque ou mélancolique (v. maniaco-dépressive [psychose]).

Toutes les dépressions nerveuses intenses engendrent une insomnie. Les névroses* caractérisées (obsessionnelle, phobique, hystérique), le déséquilibre caractériel s’accompagnent souvent d’une insomnie tenace et chronique. À ce propos, il faut opposer l’insomnie des accidents mentaux aigus, qui a toutes les chances de disparaître avec la guérison de la maladie causale (ainsi la dépression mélancolique, dans laquelle le retour au sommeil normal est le signe principal de la fin de l’accès), à l’insomnie des affections mentales chroniques, qui est la plus tenace et prédispose le plus à la toxicomanie des somnifères.

La signification de l’insomnie varie aussi beaucoup selon les individus et l’horaire électif du trouble du sommeil. Pour certains patients, le bon sommeil devient une obsession permanente, le bénéfice suprême, à l’image du bon fonctionnement intestinal : « Si je ne dors pas, je vais perdre la santé, la raison, puis la vie. » Ces sujets ont souvent un caractère obsessionnel et se préoccupent chaque soir de leur sommeil au point d’être tendus. Ils essaient de s’endormir par un effort de volonté, alors que l’on s’endort mieux par un laisser-aller, une abdication de la volonté. Pour d’autres, au contraire, le sommeil n’est pas recherché, mais craint. Il représente symboliquement les ténèbres, la mort, un gouffre avec perte du contrôle du moi sur les désirs, les pulsions et les rêves ou les cauchemars qui montent des profondeurs de l’inconscient vers la surface de l’être : le sujet aura tendance à lutter (souvent sans en prendre conscience) contre le sommeil et contre les somnifères mêmes. C’est le cas des patients anxieux phobiques, hystériques. L’endormissement est ici la phase la plus difficile, car, une fois endormi, le sujet « fait sa nuit » normalement.

Certaines insomnies du milieu de la nuit sont probablement liées à une rupture du cycle psychologique du sommeil démontré par les études électro-encéphalographiques modernes : c’est le creux entre deux vagues de sommeil plus profond. Parfois, elles correspondent à des cauchemars très désagréables, symptomatiques d’une anxiété importante. Le dormeur s’éveille alors avec une angoisse qu’il est incapable de justifier. Enfin, l’insomnie de la fin de la nuit, celle du petit jour, traduit habituellement l’existence d’une dépression et notamment d’une mélancolie. L’oubli salvateur de la nuit prend fin, et c’est la prise de conscience d’une nouvelle journée douloureuse et sans espoir qui semble déterminer l’insomnie.

Le traitement des diverses variétés de perturbations du sommeil dépend essentiellement de leur cause. La prise de médicaments hypnotiques doit être la plus raisonnable possible. Ces derniers ne sont pas indispensables dans toutes les insomnies. De nombreux patients s’endorment grâce à des tranquillisants ou des neuroleptiques alliés à des conseils d’hygiène neuropsychique. Une dépression nécessite l’administration d’antidépresseurs ou d’électronarcoses, seuls capables de la guérir et de supprimer l’insomnie qui n’en est que la conséquence. Cependant, les barbituriques, au début du traitement, peuvent aider au rétablissement des nuits normales, en attendant l’effet des thérapeutiques spécifiques. Enfin, bien des psychothérapies peuvent venir à bout des troubles qui ont résisté à toutes les chimiothérapies. La psychanalyse, les méthodes suggestives, l’hypnose, la relaxation comptent toutes des succès indiscutables.