Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

atome (suite)

La théorie de Bohr, par l’exactitude de ses prévisions pour l’atome d’hydrogène, a apporté une preuve supplémentaire éclatante du bien-fondé de la notion de quantification ; cependant, dans sa forme initiale, elle ne permit pas de prévoir de façon aussi satisfaisante les spectres des atomes renfermant plusieurs électrons. Sommerfeld, considérant le cas plus général d’orbites elliptiques et introduisant deux nombres quantiques supplémentaires, le premier dit « azimutal l » et le second dit « magnétique m », améliora les prévisions relatives aux atomes légers et fournit une interprétation de l’effet Zeeman ; toutefois, la théorie resta inapplicable aux atomes plus lourds. La théorie de Bohr-Sommerfeld contient en elle-même une contradiction : d’une part, elle s’appuie sur les principes de la mécanique classique ; d’autre part, elle limite de façon arbitraire, au moyen d’une condition de quanta, les mouvements prévus. L’échec final de cette théorie a convaincu les physiciens qu’il n’était pas possible, pour décrire le comportement des particules dans l’atome, d’associer aux conditions de quanta les principes de la mécanique classique et qu’il fallait inventer pour cela une nouvelle mécanique. Celle-ci prit naissance et se développa, à partir de 1924, par les travaux de Louis de Broglie*, de Heisenberg*, de Schrödinger*, de Pauli* et de Dirac, c’est la mécanique ondulatoire, qui s’est substituée à la théorie des quanta.


Structure de l’atome, dans l’esprit de la mécanique ondulatoire

À l’origine de la mécanique ondulatoire, on trouve une hypothèse, émise par Louis de Broglie en 1924. À toute particule matérielle en mouvement, telle qu’électron, proton, neutron, etc., on doit, pour une explication complète du comportement de cette particule, lui associer une onde, dont la longueur est donnée par la relation λ = h/mv ; h est la constante des quanta, m la masse de la particule et v sa vitesse ; mv = p est sa quantité de mouvement ou son impulsion. Cette hypothèse traduit une analogie avec les phénomènes lumineux : si les interférences et la diffraction de la lumière s’expliquent en considérant la lumière comme le résultat de la propagation d’un mouvement vibratoire de fréquence ν, de longueur d’onde λ = c/ν, par contre d’autres phénomènes lumineux tels que l’effet photoélectrique et le rayonnement du corps noir ne peuvent pas recevoir d’interprétation correcte dans la théorie ondulatoire, mais seulement si on admet, suivant une hypothèse due à Einstein* (1905), que la lumière est constituée de corpuscules, les photons, dont l’énergie est proportionnelle à la fréquence W = . L’impulsion du photon étant p = W/c, on a bien
p = /c = h/λ.
C’est cette expression de l’impulsion (p = h/λ) que de Broglie a étendue aux particules matérielles. Une première et éclatante confirmation expérimentale a été apportée à cette hypothèse par Davisson et Germer dès 1927 : lorsqu’un pinceau d’électrons monocinétiques frappe normalement une face d’un cristal de nickel, des électrons sont réfléchis dans toutes les directions, mais on observe un maximum très net de la réflexion dans certaines directions, par exemple à θ = 50° de la normale pour des électrons dont l’énergie cinétique est EC = 54 eV ; cet angle est celui que l’on observerait dans la diffraction sur le même cristal de rayons X de longueur d’onde de 1,65 Å, alors que la relation de De Broglie fournit pour des électrons de 54 eV la longueur d’onde associée de 1,67 Å. L’accord des expériences de Davisson et Germer avec l’hypothèse de De Broglie est donc excellent, d’autant plus qu’il se maintient quand on fait varier divers facteurs, telle l’énergie cinétique des électrons. De nombreuses autres expériences ont été faites, qui ont apporté autant de vérifications ; certaines ont porté sur la diffraction d’autres particules, des neutrons par exemple. Actuellement, les diffractions électroniques et neutroniques sont couramment utilisées, en particulier pour des études de structures, cristallines et moléculaires.

En ce qui concerne la description de l’atome, on peut remarquer que l’hypothèse de De Broglie permet une interprétation satisfaisante de la condition introduite par Bohr pour définir les orbites permises à l’électron dans son mouvement autour du noyau : cette condition peut en effet, pour une orbite circulaire, s’écrire 2πrn = nh/mv, c’est-à-dire, en faisant intervenir la longueur d’onde associée à l’électron, 2πrn = nλ ; la longueur de l’orbite doit être un multiple entier de la longueur d’onde associée : c’est en fait une condition de résonance, condition pour que l’onde associée ne se détruise pas par interférences.

Cependant et malgré cet appui qu’apporte à la théorie de Bohr la conception ondulatoire des particules matérielles, c’est dans une direction toute différente que s’est orientée, à partir de 1925, la description de l’atome ; c’est en effet à cette date que Heisenberg* énonça son fameux « principe d’incertitude ». Ce principe affirme qu’il n’est pas possible d’accroître au-delà de toute limite la précision des mesures simultanées de la position et de la vitesse d’un électron ; tout accroissement dans la précision avec laquelle on détermine par exemple la position est obtenu au détriment de la précision sur la connaissance de la vitesse, et inversement. Plus précisément, l’énoncé mathématique du principe d’incertitude est où Δx est l’incertitude sur la coordonnée x, c’est-à-dire sur la position, Δp l’incertitude sur l’impulsion et h la constante de Planck. Ce principe heurte évidemment les conceptions classiques sur la connaissance du mouvement, d’après lesquelles il est concevable que, tout en améliorant la connaissance de la trajectoire d’une particule au point que cette trajectoire puisse être assimilée à une ligne parfaitement connue, on puisse améliorer en même temps la connaissance de la vitesse de la particule sur sa trajectoire ; c’est ainsi, en tout cas, que l’on conçoit classiquement la connaissance du mouvement des astres, des planètes, des satellites. À l’échelle atomique, il n’en va plus de même : pour que l’on puisse déterminer la position de la particule, de l’électron par exemple, il faut que celle-ci manifeste sa présence par l’émission ou la réémission d’un signal, pratiquement une onde électromagnétique diffractée de longueur d’onde λ ; or, d’une part, l’emploi de cette onde diffractée pour fixer la position de l’électron entraîne une incertitude Δx sur cette position, que l’exemple du microscope optique montre n’être jamais inférieure à λ/2, et, d’autre part, comme l’impulsion h/λ du photon diffracté est nécessairement empruntée à l’impulsion p de l’électron et que l’orientation du photon est totalement inconnue, la mesure de position de l’électron entraîne une modification aléatoire de son impulsion entre les valeurs p – h/λ et p + h/λ ; l’incertitude sur la mesure de l’impulsion sera donc 2 h/λ, et l’on aura bien dans ce cas