Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

société (suite)

La liberté absolue du commerce et de l’industrie, consacrée par la loi du 2 mars 1791, en permettant la constitution sans contrôle des sociétés par actions, engendre des abus que le Code de commerce tente de refréner au moyen d’une distinction entre deux types de sociétés par actions : les sociétés en commandite par actions, qui peuvent se constituer librement, et les sociétés anonymes, soumises à une autorisation gouvernementale. Ce système n’aura d’autre résultat que de provoquer la « fièvre des commandites » et de nouveaux abus. C’est pourquoi, en 1856, une loi soumet les sociétés en commandite par actions à une réglementation sévère, cependant qu’une autre loi, de 1863, admet la constitution sans autorisation de sociétés anonymes dont le capital ne dépasse pas 20 millions.

La loi du 24 juillet 1867 réglemente de façon générale les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions ; elle supprime la nécessité d’une autorisation pour la constitution des sociétés anonymes, quel que soit le montant de leur capital, et permet ainsi à ce type de sociétés son extraordinaire développement. Malgré de nombreuses réformes fragmentaires, cette loi va demeurer pour près d’un siècle la charte des sociétés par actions.

En effet, il faut attendre la loi du 24 juillet 1966, complétée principalement par le décret du 23 mars 1967, pour que l’ensemble de la matière des sociétés commerciales se trouve remis en ordre. Cette nouvelle réglementation se limite aux sociétés commerciales de droit commun et laisse en vigueur les textes (y compris ceux de la loi de 1867) relatifs aux sociétés soumises à un régime particulier (exemple : société à capital variable). Elle opère une remise en ordre en consacrant certaines positions antérieures, tant légales que jurisprudentielles, mais aussi en mettant fin à des controverses. Elle apporte de nombreuses innovations, dans le but principalement de renforcer la protection des associés et celle des tiers. Par contre, elle ne révise pas la notion de société, qui reste paradoxalement régie par le Code civil, et ne prévoit aucune réglementation des groupes de sociétés. Enfin, certaines dispositions de cette loi sont difficilement applicables dans la pratique des affaires : depuis sa promulgation, les modifications se succèdent à un rythme accéléré, de nouveaux projets étant encore à l’étude.

Ces modifications créent une instabilité, due en grande partie à l’importance du droit des sociétés, droit qui, se trouvant à la base du commerce*, de l’entreprise et des rapports au sein de l’entreprise, est actuellement soumis à des controverses continuelles. De la formation de petites associations groupant quelques hommes pour une entreprise ou une exploitation commune, on est parvenu à la constitution d’énormes organismes destinés à drainer l’épargne* et dont la puissance, tant nationale qu’internationale, est considérable. Le concept de sociétés de capitaux a donc été l’instrument et le support du capitalisme* moderne. La puissance économique des sociétés a entraîné une intervention de l’État, d’une part sous forme de mesures de contrôle d’intérêt général réglementant (comme le fait la loi de 1966) la constitution et le fonctionnement de certaines sociétés dans les moindres détails, et multipliant les règles impératives et les sanctions pénales, d’autre part par des mesures proches de la participation ou même par des nationalisations*.


Le contrat de société

Malgré l’évolution de l’idée de société, le contrat reste à l’origine de toute société. Ce contrat (les « statuts ») doit être constaté par écrit, sauf pour les sociétés en participation, et contenir certaines mentions obligatoires.


Il doit, pour être valable, satisfaire aux conditions essentielles de validité de toute convention

Ces conditions sont le consentement non vicié de chaque associé et la capacité* de chaque associé.

Le mineur peut devenir actionnaire d’une société de capitaux par l’intermédiaire de son représentant légal, mais il ne peut jamais être associé d’une société en nom collectif ni associé commandité, car il lui est interdit d’être commerçant. La femme mariée peut aujourd’hui entrer dans n’importe quel type de société sans autorisation du mari ; par contre, les droits et les pouvoirs de chacun des époux peuvent être limités par l’effet du régime matrimonial lorsqu’il s’agit d’engager des biens* pour entrer dans la société. Enfin, deux époux ne peuvent, seuls ou avec d’autres, être associés dans une société s’ils se trouvent indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales (cas des sociétés en nom collectif).

Les personnes morales peuvent devenir librement associées d’une société à la condition, en ce qui concerne les associations et les syndicats*, que leur entrée dans la société ne leur fasse pas prendre la qualité de commerçant. Les personnes morales de droit public peuvent sous certaines conditions devenir associées : l’État doit bénéficier d’une autorisation par décret pour prendre une participation minoritaire, ou d’une autorisation légale pour prendre une participation majoritaire ou nationaliser une entreprise.

Les étrangers* peuvent souscrire ou acquérir des parts ou actions d’une société française, mais actuellement toute participation entraînant un certain contrôle doit être autorisée par le ministère de l’Économie et des Finances, y compris pour les ressortissants des pays membres de la Communauté économique européenne.


Il doit avoir un objet certain et licite

L’objet de la société est déterminé par les statuts en des termes généralement très larges. Certaines sociétés sont soumises à une réglementation particulière du fait de leur objet (banques*, sociétés d’assurances*, sociétés d’investissement, etc.). L’objet de la société peut être modifié selon une procédure particulière. La détermination du caractère civil ou commercial de l’objet est essentielle, car elle permettra à la société de se constituer sous forme civile ou commerciale. Cependant, cette distinction a perdu de son importance depuis la loi de 1966, qui stipule que « sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions ». Enfin, la société dont l’objet est illicite est frappée d’une nullité* absolue, laquelle ne peut donc être couverte et peut être demandée par tout intéressé.