Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socialisme (suite)

Peu à peu, l’atmosphère de collaboration entre socialistes et communistes se dégrade ; à partir de juillet, la guerre civile d’Espagne* oppose plus ou moins nettement les deux partis, tandis que mûrit peu à peu une nouvelle scission du parti socialiste, que ses gauchistes quittent après le congrès de Royan (juin 1938) pour constituer avec Marceau Pivert le parti socialiste ouvrier et paysan qui, devant la guerre qui vient, entend se réserver pour un nouveau Zimmerwald.


Une nouvelle rupture, brève mais brutale : 1939

La conclusion à Moscou, dans la nuit du 23 au 24 août 1939, du pacte Ribbentrop-Molotov détermine une nouvelle rupture entre socialistes et communistes. Celle-ci est marquée par la dissolution du parti communiste (26 sept.), décidée par le gouvernement Daladier, par la levée de l’immunité parlementaire de onze députés communistes, mesure à laquelle s’associent les socialistes, et par le vote de la déchéance de tous les parlementaires communistes qui n’auront pas désavoué le pacte germano-soviétique, un député socialiste étant rapporteur.

Si le désaccord est redevenu total entre socialistes et communistes, l’unité, depuis les accords de Munich (sept. 1938), est loin d’être réalisée à l’intérieur du parti socialiste, où s’est reformé le clivage de la Première Guerre mondiale entre ceux qui jugent la guerre inévitable, avec toutes ses conséquences, et ceux qui veulent l’empêcher ou l’arrêter : d’un côté, Léon Blum, président du groupe parlementaire, et de l’autre, Paul Faure, secrétaire général du parti. Alors que, dans les derniers congrès d’avant guerre, les forces opposées se neutralisaient en un équilibre instable, la débâcle militaire de mai-juin 1940 fait basculer la majorité du groupe socialiste dans l’acceptation de l’armistice et du gouvernement de Vichy* : 7 sénateurs et 29 députés S. F. I. O. seulement votent non. Déchus de leur mandat, les élus communistes n’ont pu prendre part au vote.


La collaboration des socialistes et des communistes dans la Résistance (1941-1944) et dans les années qui suivent (1944-1946)

À partir de juin 1941, les communistes s’engagent dans la Résistance* ; il en est de même d’un certain nombre de socialistes. C’est l’époque où Léon Blum, arrêté et détenu sur l’ordre du gouvernement de Vichy, écrit dans sa cellule l’ouvrage À l’échelle humaine, où il se demande si, sous la pression des événements, l’U. R. S. S. va s’intégrer à la communauté des nations européennes, et le parti communiste français cesser d’être « un parti nationaliste étranger ». Reconstitué dans la clandestinité sous la direction de Daniel Mayer (né en 1909), le parti socialiste rénové exclut tous ceux des parlementaires S. F. I. O. qui ne se sont pas rachetés par des actes effectifs de résistance.

Après la Libération, sous l’égide du général de Gaulle*, s’amorce une collaboration au gouvernement dit « du tripartisme » qui associe Mouvement républicain populaire (M. R. P.) socialistes et communistes. Bien qu’une tentative s’amorce pour réaliser l’unité organique entre socialistes et communistes, il semble que dans cette période les socialistes évitent le tête-à-tête avec les communistes, peut-être parce que les élections successives ont montré que les communistes surclassaient électoralement et de plus en plus les socialistes (v. République [IVe]).

Finalement, le 4 mai 1947, Vincent Auriol, socialiste, président de la République, et Paul Ramadier, rentré au parti socialiste, président du Conseil, excluent du gouvernement les ministres communistes, qui retournent avec leur parti dans l’opposition.


Communistes et socialistes au temps de la guerre froide

Dès lors s’ouvre une période de plusieurs années marquée en particulier par l’opposition U. R. S. S.-États-Unis ; la France a accepté le plan Marshall ; les socialistes S. F. I. O. ont été partisans de ce plan, dont un voyage de Léon Blum aux États-Unis a peut-être contribué à donner l’idée ; ils sont favorables aussi à la constitution de l’Organisation du traité de l’Atlantique* Nord et à la construction européenne amorcée par le pool charbon-acier suggéré en 1950 par Robert Schuman*. Dans la guerre froide parfois latente et parfois ouverte, les socialistes ont choisi les uns diront l’Occident, les autres diront le camp capitaliste. Tout au contraire, malgré la dissolution de l’Internationale communiste (mai 1943) et le peu d’efficacité du Kominform, constitué en septembre 1947, les communistes tournent plus que jamais leurs yeux vers l’U. R. S. S., qui continue à être le meilleur modèle de socialisme réalisé.

L’affrontement entre socialistes et communistes est particulièrement vif lors des grèves de novembre-décembre 1947 et d’octobre-novembre 1948, lorsque des socialistes — tels Jules Moch (né en 1893) au ministère de l’Intérieur et Robert Lacoste (né en 1898) au ministère de la Production industrielle — travaillent à maintenir ou à rétablir l’ordre, tandis que les communistes sont au premier plan de mouvements revendicatifs, que beaucoup jugent avoir un but politique.

Aux élections de janvier 1956, le parti communiste obtient 5 454 000 voix (25,4 p. 100 des suffrages exprimés), gagnant 544 000 voix sur le précédent scrutin. La S. F. I. O., qui en gagne 436 000, n’atteint que 3 180 000 voix (14,8 p. 100 des suffrages exprimés) ; il y a 95 élus socialistes et 150 communistes. Mais, contrairement à ce qu’on pense, la S. F. I. O. conserve une base ouvrière : si le P. C. recueille 38 p. 100 des suffrages ouvriers, la S. F. I. O. en conserve 27 p. 100. Il n’en reste pas moins vrai que les cadres dirigeants de la S. F. I. O. se recrutent alors pour la plus grande proportion parmi les enseignants. Guy Mollet (1905-1975), professeur de lycée, secrétaire général de la S. F. I. O. depuis août 1946, plusieurs fois ministre, est appelé à former le gouvernement, que le parti communiste soutient comme il avait soutenu en 1954 le gouvernement Mendès France.