Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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silicates (suite)

Synthèses des silicates


Voie sèche

On peut reproduire au laboratoire les silicates des roches volcaniques basiques, en portant à des températures élevées les mélanges de leurs oxydes. On a ainsi établi de nombreux diagrammes d’équilibre binaires — tels que SiO2—MgO, SiO2—FeO —, ternaires — comme SiO2—MgO—FeO — et plus compliqués, qui intéressent non seulement les minéralogistes et les géologues, mais aussi, suivant leur nature, les céramistes et les métallurgistes. Lorsque les températures s’abaissent, l’équilibre des phases en présence s’établit difficilement. On fait intervenir des minéralisateurs qui agissent comme des solvants. Ces minéralisateurs sont souvent des mélanges d’oxydes alcalins ou alcalino-terreux, intervenant parfois en petites quantités, attaquant la surface des formes instables pour les transformer dans les phases stables. Ils sont importants dans les industries de la céramique, par exemple celles des briques réfractaires. On a souvent utilisé comme minéralisateur le tungstate de sodium ; à la fin du siècle dernier, Paul Hautefeuille (1836-1902) a obtenu des émeraudes de qualité gemme en chauffant à 800 °C le mélange des oxydes avec le molybdate acide de lithium.


Voie hydrothermale

Dans la nature, le minéralisateur qui intervient le plus souvent est l’eau agissant à des températures et à des pressions élevées, de l’ordre de quelques centaines de bars. Des minéraux essentiels, comme les feldspaths alcalins, impossibles à reproduire par voie sèche, s’obtiennent alors aisément au laboratoire.


Classification des silicates

Les céramistes, les verriers, les cimentiers, les métallurgistes, pour leurs laitiers, font usage d’une nomenclature qui traduit commodément la composition chimique de leurs matériaux. Elle se fonde sur le rapport r du nombre des atomes d’oxygène liés au silicium au nombre des atomes d’oxygène liés aux autres cations. Un rapport inférieur à 1 caractérise les subsilicates (ex. : sillimanite Al2O3 . SiO2 avec r = 2/3) ; pour les monosilicates, r = 1 (ex. : forstérite 2MgO . SiO2) ; pour les bisilicates, r = 2 (ex. : enstatite MgO . SiO2) ; pour les trisilicates, r = 3 (orthose K2O . Al2O3 . 6SiO2, par exemple).

La plupart des chimistes désignent encore les silicates comme des sels d’acides siliciques, pour la plupart hypothétiques : l’acide orthosilicique H4SiO4, auquel s’associent les orthosilicates ; l’acide orthodisilicique H6Si2O7 ; l’acide métasilicique H2SiO3 ; l’acide métadisilicique H2Si2O5 ; l’acide trisilicique H4Si3O8 ; les acides polysiliciques H2xSiyO(2y+x) avec y > 3.

Ces deux nomenclatures masquent cependant les parentés chimiques, physiques, cristallographiques et génétiques de silicates appartenant à une même famille minéralogique. Ainsi, l’albite, qui est le feldspath de composition Na2O . Al2O3 . 6SiO2, est un trisilicate dans les deux classifications précédentes, tandis que l’anorthite CaO . Al2O3 . 2SiO2, qui lui est très apparentée, est un monosilicate pour les cimentiers, un orthosilicate pour les chimistes. La classification cristallochimique, qui prévaut maintenant, repose sur la connaissance des structures atomiques ; elle fait apparaître pour chaque silicate une formule chimique qui traduit à la fois la composition chimique et l’arrangement atomique. Dans le milieu cristallin caractérisant un silicate, les tétraèdres SiO4, et éventuellement AlO4, peuvent être indépendants ou s’associer par un ou plusieurs sommets sans ne jamais partager ni une arête, ni une face. Cette association de tétraèdres (Si,Al)O4 constitue des anions dont les charges négatives sont compensées par celles des cations, qui sont positives. Certains, comme Mg, Fe, Al, hexacoordonnés, sont aux centres d’octaèdres quasi réguliers, dont les sommets sont occupés par des atomes d’oxygène ; d’autres, comme Na, K, Ca, Ba, ..., ont une coordination plus élevée ; pour tous ces cations, les polyèdres de coordination ont des arêtes dont la longueur est voisine de celle du tétraèdre SiO4. Et la plupart des silicates apparaissent, à l’échelle atomique, comme des édifices de tétraèdres (Si,Al)O4 et de polyèdres de coordination s’assemblant par leurs arêtes. Un petit nombre de silicates, pauvres en silice, comprennent des cations relativement volumineux, dont les polyèdres de coordination d’ions oxygène ont des arêtes nettement plus grandes que celles des tétraèdres SiO4. La silice cimente l’édifice de ces polyèdres en intervenant par deux tétraèdres ayant un atome d’oxygène en commun, formant l’anion Si2O7, dont deux des atomes d’oxygène s’ajustent sur deux sommets du polyèdre par la modification de l’angle de liaison Si—O—Si des deux tétraèdres. C’est sur ces bases cristallochimiques que l’on répartit les silicates dans les différentes familles nésosilicates, sorosilicates, inosilicates, phyllosilicates, tectosilicates et hétérosilicates.


Les silicates à tétraèdres indépendants, ou nésosilicates

Les tétraèdres SiO4 sont associés par des cations, de sorte qu’aucun atome d’oxygène n’est lié à deux atomes Si. Le plus souvent, les ions oxygène forment des assemblages compacts de sphères, et ces silicates, que l’on peut considérer comme des orthosilicates, sont de densité et de dureté élevées. Dans le groupe de la phénacite Be2SiO4, avec la willémite Zn2SiO4, tous les cations sont tétracoordonnés, et chaque oxygène est un sommet commun à un tétraèdre SiO4 et à deux tétraèdres tels que BeO4. Les silicates du groupe de l’olivine sont des constituants essentiels des roches éruptives basiques, des roches volcaniques, de certains météorites, des laitiers des fours métallurgiques. Ce sont des solutions solides dont les termes extrêmes sont Mg2SiO4 (forstérite) et Fe2SiO4 (fayalite). L’olivine transparente est utilisée en joaillerie sous le nom de péridot. Les grenats, minéraux des roches métamorphiques, cubiques, sont des solutions solides X3Y2(SiO4)3, dont les échantillons transparents donnent des pierres précieuses : le pyrope (X = Mg, Y = Al), rouge rubis ; Palmandin (X = Fe, Y = Al), rouge foncé ; la spessartine (X = Mn, Y = Al), rouge-orangé ; le grossulaire (X = Ca, Y = Al), vert ; l’andradite (X = Ca, Y = Fe), vert émeraude dans la variété « démantoïde ». Le zircon ZrSiO4, la thorite ThSiO4 et l’uranothorite (Th,U)SiO4, qui forment le groupe du zircon, sont des minéraux quadratiques, que l’on trouve dans les granites, dans lesquels se concentrent les éléments radioactifs uranium et thorium. On connaît plusieurs silicates de formule Ca2SiO4 qui sont des constituants majeurs des ciments.