Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Silésie (suite)

L’histoire

Les premiers faits presque certains datent de la fin du ixe s. : après une forte poussée tchèque, c’est la Pologne qui annexa la région, mais elle ne put s’y maintenir constamment à cause de l’impérialisme tchèque qui cherchait à dominer l’Odra comme accès à la mer. Un certain nombre de principautés, gouvernées par des membres de la dynastie polonaise des Piast*, fit de la Silésie une des régions les plus morcelées de l’Europe centrale ; cela facilita la colonisation germanique, dont certains couvents bénédictins furent les noyaux, et la lente progression tchèque et saxonne.

Le seul prince médiéval qui ail cherché à unifier la Silésie et, par-delà, à créer une sorte d’État germano-slave sur l’Odra fut Henri le Barbu (duc de Wrocław en 1202, † 1238) ; les invasions tatares et la défaite de Legnica (1241) marquèrent la fin de cette tentative proprement silésienne ; dès lors, ce furent les États voisins qui cherchèrent à réaliser cette unité, à leur profit.

Au début du xive s., la plupart des principautés silésiennes reconnurent la suzeraineté de la Bohême, et la Pologne accepta en 1339 cette situation, pour se tourner vers les terres orientales (traité de Cracovie) ; toutefois, certaines principautés restèrent contestées, et la Pologne put annexer Zator et Oświęcim en 1457 ; mais, en tout état de cause, les vassaux silésiens de la couronne de Bohême ne faisaient pas partie du Saint Empire. L’évêché de Wrocław resta jusqu’au xixe s. partie intégrante de la province ecclésiastique de Gniezno.

Politiquement, l’histoire de la Silésie s’inscrit donc désormais dans le cadre de celle de la Bohême, qu’il s’agisse de la politique très tchèque de Charles IV* de Luxembourg, des mouvements hussites (dont la conséquence fut une certaine unification sur le plan militaire), de l’action de Mathias* Ier Corvin (qui entreprit de centraliser l’administration), de celle de Georges* de Poděbrady (qui provoqua une intervention polonaise) et surtout du tournant de 1526 : la Bohême entrait dans l’État des Habsbourg, décision acceptée par les féodaux, petits et grands, de Silésie.

Ce tournant fit entrer la Silésie dans le cadre autrichien, et la politique des Habsbourg consista à écarter les Polonais et les Brandebourgeois (actifs depuis le milieu du xve s.) pour intégrer la province dans les Erbländer ; les conflits complexes dès l’époque des réformes et « contre-réformes » retardèrent cette intégration ; une très grande partie de la Silésie se fit protestante et le mouvement extrémiste de Kaspar von Schwenckfeld (1489-1561) rencontra quelque succès parmi les nobles très jaloux de leur autonomie dans tous les domaines ; l’introduction du protestantisme et le schwenckfeldianisme créèrent des liens durables entre la Silésie et le Wurtemberg.

La politique autrichienne, d’abord hésitante (Majestätsbrief de Rodolphe II en 1609, fort libéral), se durcit après les succès austro-saxons des premières années de la guerre de Trente* Ans (accord de Prague, 1621) ; le xviie s. fut l’époque de l’intégration, de la recatholicisation et de la germanisation ; le dernier Piast mourut en 1675 (duché de Legnica), ce qui posa le problème de l’héritage, disputé entre l’Autriche et le Brandebourg, et accentua le mouvement catholique (université des Jésuites à Breslau en 1702) ; le milieu du xviiie s. vit se renforcer les mesures d’intégration, mais c’est surtout après 1742, quand les neuf dixièmes de la Silésie devinrent brandebourgeois (ou « prussiens ») après une guerre éclair déclenchée par Frédéric II*, que l’intégration administrative, financière et militaire se fit brutale, mais au profit du nouveau maître (confirmé dans sa qualité en 1763 par le traité d’Hubertsbourg). La Silésie devint une sorte de forteresse, administrée d’abord par un ministère propre. Celui-ci développa les mines (Code minier de 1769) et l’industrie sidérurgique, qui existait depuis le xvie s. On ne loucha pas directement au statut confessionnel, et les quelques rares troubles furent d’origine économique (révolte des tisserands en 1793).

Restée dans le sein du royaume de Prusse pendant l’époque napoléonienne, la Silésie s’agrandit en 1815 d’une partie de la Lusace (Görlitz et Lauban, en tout plus de 3 000 km2) et la frontière russo-prussienne de la Prosna fut régularisée. Elle fut partagée en quatre districts, réduits en 1820 à trois ; l’archevêché de Breslau (Wrocław) fut créé en 1821, mais des agitations confessionnelles en milieu catholique se poursuivirent (Église « nationale » allemande de Johannes Ronge [1813-1887], affaire des mariages mixtes). Cette agitation coïncida avec les débuts d’une renaissance polonaise qui se poursuivit pendant tout le xixe s., surtout en haute Silésie, mais aussi en basse Silésie (avec Karol Miarka [1825-1882] et Józef Piotr Lompa [1797-1863]) ; cette renaissance, peu combattue au début par les Allemands et par les Tchèques, fut soutenue d’abord par le Zentrum, puis également par les socialistes. L’université de Breslau, fondée en 1811 (avec l’ancienne université de Wrocław et celle de Francfort-sur-l’Oder), devint un foyer de slavistique ; la ville, d’ailleurs, était restée intellectuellement et commercialement en étroite liaison avec les pays polonais de Posnanie et surtout du « Royaume ».

Cette agitation, qui prit vers 1850 le relai des mouvements sporadiques d’autonomisme nés dans le milieu des états provinciaux mécontents des progrès de la centralisation berlinoise, fut plus importante que les divers mouvements sociaux (il semble que la révolte des tisserands de 1844, chantée par Heine et portée à la scène par G. Hauptmann, ait eu bien moins d’importance que l’on a admis). L’industrialisation, de plus en plus forcée après 1850, se fit dans un cadre de capitalisme féodal, dont les structures étaient sans doute peu favorables au développement d’un véritable socialisme (notons cependant que F. Lassalle naquit à Breslau en 1825). Le mouvement socialiste se développa vers la fin du xixe s., au sein d’une population de plus en plus ouvrière, qui était passée d’environ 2 millions au début du siècle à près de 4,6 millions.