Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sienne (suite)

Mais Sienne est affaiblie par la défaite et par la mort de son allié Manfred à Benevent en 1266, par la victoire des guelfes à Colle di Val d’Elsa en 1269, par l’occupation de leur ville par Charles Ier* d’Anjou en 1270, par des dépenses toujours croissantes du fait surtout du conflit qui l’oppose incessamment à Florence et par la faillite des compagnies siennoises (et florentines). La ville perd en outre les deux tiers de ses habitants, victimes de la peste noire en 1348. Ainsi est rendu irrémédiable son déclin économique.

Institué en 1287 par les marchands du parti guelfe, réadmis dans leur cité depuis mai 1267 seulement, le gouvernement patricien des Neuf est troublé parfois par des querelles intestines (conflit entre les Salimbeni et les Tolomei en avril 1315). Mais il fait régner la paix (et la concorde ?), cette paix dont Ambrogio Lorenzetti* magnifie les bienfaits. Fruit d’une coalition des nobles et du peuple qui triomphe en 1355, grâce à l’appui de l’empereur Charles IV* de Luxembourg, le gouvernement des Douze, composé de petits commerçants, disparaît à son tour en septembre 1368, au profit des réformateurs appartenant aux milieux artisanaux. De nouvelles secousses politiques et institutionnelles en 1371 et en 1386 achèvent d’affaiblir Sienne et facilitent la prise de pouvoir en 1399 par le duc de Milan, Jean-Galéas Visconti* ; ce dernier transmet la ville à son fils Jean-Marie, qui la conserve jusqu’en 1404.


Le déclin

Sienne est illustrée encore au xive s. par le mysticisme de sainte Catherine* de Sienne (1347-1380) et par l’ardeur à prêcher de saint Bernardin de Sienne (1380-1444), au xve s. par l’humanisme d’Enea Silvio Piccolomini, qui, devenu le pape Pie II (1458-1464), érige son évêché en archevêché, par le talent financier d’Agostini Chigi (1465-1520) et par celui de ses descendants, qui vont exercer leurs activités bancaires à Rome. Sous le gouvernement des Dix Prieurs (1410-1454), puis sous celui de la Balia permanente, la ville fait la paix avec Florence, s’alliant à elle en 1410 contre Ladislas (1386-1414), roi de Naples, puis en 1454 contre Alphonse V d’Aragon après avoir d’abord soutenu ce dernier. Victime de nouveaux troubles constitutionnels en 1480 et en 1482, Sienne renonce en 1487 au gouvernement populaire au profit de Pandolfo Petrucci (1452-1512), qui en 1502 la transforme en une seigneurie politique. Ses descendants sont chassés définitivement en 1525. Occupée par Charles VIII* en 1493, fidèle à l’alliance française mais menacée en 1526 par l’armée du pape florentin Clément VII (1523-1534), Sienne doit rechercher l’appui de Charles Quint*, qui y établit une garnison espagnole en 1530. Mais cette dernière privant peu à peu la ville de toute liberté, celle-ci se révolte en 1552 avec l’aide française. Défendue alors par Blaise de Monluc (1502-1577), elle est finalement prise d’assaut le 17 avril 1555 par les troupes impériales et est donnée par Philippe II* à Cosme Ier de Médicis (1519-1574), qui l’incorpore au grand-duché de Toscane (1569). Réduite à 8 000 habitants, elle n’est plus qu’un gros bourg exportant les ressources agricoles de son contado. Suivant désormais les destinées de la Toscane, puis celles du royaume d’Italie (1861-1946), elle est libérée le 3 juillet 1944 de l’occupation allemande par l’armée française à la veille de son retrait du front d’Italie en vue de se préparer à débarquer en Provence.

P. T.

➙ Florence / Guelfes et gibelins / Italie (guerres d’) / Toscane.

 P. Rossi, le Origini di Siena (Sienne, 1895-1897 ; 2 vol.). / L. Douglas, A History of Siena (Londres, 1902). / F. Schevill, Siena : the Story of a Mediaeval Commune (New York, 1909 ; nouv. éd., 1964). / E. Hutton, Siena and Southern Tuscany (Londres, 1910 ; nouv. éd., 1955). / J. Lestocquoy, les Villes de Flandre et d’Italie sous le gouvernement des patriciens, xie-xve siècles (P. U. F., 1952). / J. L. Schonberg, Sienne la mystique (Horizons de France, 1959).


Sienne, ville d’art

L’ensemble monumental de la vieille ville nous est parvenu à peu près intact ; avec les tableaux et les fresques de l’école siennoise, il atteste l’éclat d’un foyer d’art qui a longtemps préservé son indépendance, tout en recevant d’autres cités italiennes, notamment Florence, un apport non négligeable. L’apogée de l’art siennois se confond avec celui de la fortune politique de Sienne ; on le reconnaît dans la période gothique, peut-être aussi dans la première phase de la Renaissance.


Sienne gothique

Si la ville n’a gardé que peu de témoins de son passé roman, le visage qu’elle offre encore est essentiellement celui qu’ont modelé le xiiie et le xive s. Les deux grandes créations de ce temps sont la cathédrale (ou duomo) pour l’art religieux, le Palais public pour l’art civil. Commencé vers le milieu du xiie s., le duomo est resté en chantier pendant tout le Moyen Âge. Autant que sa structure simple et grandiose, on remarque à l’intérieur comme à l’extérieur son revêtement de marbres aux tons alternés. En 1265, Nicola* Pisano arriva de Pise pour établir et sculpter la chaire de la cathédrale, introduisant dans le langage gothique un accent de gravité romaine. Son fils Giovanni séjourna à Sienne de 1284 à 1296 pour diriger les travaux de la façade et, avec ses aides, en décorer la partie inférieure de sculptures au style puissant, parfois tourmenté. Un siècle plus tard, la partie supérieure devait s’inspirer de l’exemple d’Orvieto. Cependant, l’entreprise du duomo nuovo, dont la cathédrale existante aurait dû former le transept, avait débuté en 1339 sur les plans de Lando di Pietro († 1340). Cet ambitieux projet fut abandonné dès 1355.

Autour du duomo, les grandes églises gothiques (San Francesco, San Domenico, Santa Maria dei Servi) sont d’un style plus sévère, que marque l’influence des Cisterciens. Autre symbole de l’orgueil de Sienne, le Palais public, devant lequel se déploie l’incomparable place en amphithéâtre du Campo, a été édifié de 1297 à 1348. Avec son campanile élancé, ses murailles rudes, mais allégées par des baies aux arcs aigus, trait courant de l’architecture locale, il a donné le ton aux palais de l’aristocratie siennoise, dont la construction associe souvent la pierre et la brique : palais Sansedoni, Saracini, Salimbeni, Buonsignori (auj. pinacothèque), etc.