Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal, marquise de) (suite)

Roger Duchêne défend avec brio la première thèse. Selon lui, Mme de Sévigné « n’est pas un écrivain inspiré qui doit se délivrer de son œuvre ; elle est une mère qui veut apaiser son chagrin en bavardant avec sa fille ». Selon lui, « écrire reste toujours pour Mme de Sévigné un moyen ; jamais elle n’en fait un but » et, s’il y a chez elle un plaisir d’écrire, il ne se distingue pas du plaisir d’écrire à sa fille. Bernard Bray soutient la thèse opposée en parlant du « système épistolaire » de Mme de Sévigné et en situant la correspondance avec Mme de Grignan, ainsi que la « rivalité » de plume entre les deux femmes, « dans une perspective au bout de laquelle se profilerait la consécration de l’imprimé ».

Est-il possible de concilier les deux thèses ? On doit d’abord reconnaître qu’il n’y a pas, au départ, de projet littéraire chez Mme de Sévigné. La marquise n’écrira pas, en ce sens qu’elle fera vite fi des conventions de la tradition épistolaire, et ne pratiquera que rarement « l’art de bien dire des bagatelles » (Mlle de Scudéry), mais elle écrira, en ce sens qu’elle inventera une façon neuve de dire ce qu’elle a sur le cœur ; réactions aux événements, soucis et, bien sûr, passion maternelle. Croire qu’elle écrit simplement pour parler à la fille absente, c’est négliger la métamorphose que tout acte d’écrire (entendons : écrire régulièrement) entraîne. Une correspondance n’est pas un dialogue, et celle de Mme de Sévigné, en dépit des apparences, moins que les autres. Pas davantage un échange, sinon trompeur. La marquise à son écritoire est seule, animée par sa passion de mère, certes, qui est une passion amoureuse, mais sans illusions sur les réponses qu’elle obtiendra aux questions qu’elle ne se pose qu’à elle-même dans et par l’écriture. De ce point de vue, les lettres de Mme de Grignan servent simplement de stimulus à un écrivain indolent.

Mme de Sévigné n’est pas Monsieur Jourdain. Si elle écrit à sa fille pour en recevoir des réponses, elle sait aussi, et en dehors de toute idée de publication, proche ou lointaine, qu’elle fait œuvre littéraire. Au « vos lettres sont ma vie », qu’elle confiera à la comtesse et qui représente en effet une réalité point négligeable, il faut donc ajouter l’aveu qu’elle aurait pu faire au soir de sa vie, avant de mourir d’une mort volontairement janséniste, cet aveu qui, bien que non écrit, exprime une réalité moins négligeable encore : « Mes lettres furent ma vie. »

Il y a encore beaucoup à chercher, donc à découvrir et, par conséquent, à dire sur un écrivain méconnu parce que mal lu. Les Lettres, avec leur « bohémiennerie » (président de Brosses), commencent seulement à susciter des études sérieuses. Faut-il souligner qu’il a fallu attendre 1969 pour assister à la soutenance de la première thèse consacrée à Mme de Sévigné ?

J. C.

 C. A. Walckenaer, Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, dame de Bourbilly, marquise de Sévigné (Didot frères, 1842-1865 ; 5 vol.). / J. Lemoine, Mme de Sévigné, sa famille et ses amis, t. I : les Origines, enfance et jeunesse (Hachette, 1926). / A. Adam, Histoire de la littérature française au xviie siècle, t. IV (Domat-Montchrestien, 1954). / M. Hérard, Mme de Sévigné, demoiselle de Bourgogne (l’auteur, Dijon, 1959). / J. Cordelier, Mme de Sévigné (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1967). / R. Duchêne, Mme de Sévigné (Desclée De Brouwer, 1968) ; Réalité vécue et art épistolaire, t. I : Mme de Sévigné et la lettre d’amour (Bordas, 1970). / E. Gérard-Gailly, Madame de Sévigné (Hachette, 1971). / E. Avigdoz, Mme de Sévigné (Nizet, 1975).

Jalons biographiques

1626

Naissance à Paris, place Royale, à l’actuel no 1 bis de la place des Vosges (5 févr.).

1627

Mort de son père.

1633

Mort de sa mère.

1636

En raison de la mort de ses grands-parents maternels, l’orpheline est confiée à son oncle Philippe de Coulanges et à Marie Lefèvre d’Ormesson, son épouse.

1644

Mariage avec Henri de Sévigné, gentilhomme breton.

1646

Naissance, à Paris, de Françoise-Marguerite de Sévigné.

1648

Naissance, au château des Rochers, près de Vitré, de Charles de Sévigné.

1651

Mort en duel d’Henri de Sévigné.

1669

Mariage de Françoise-Marguerite de Sévigné avec le comte de Grignan.

1671

Départ de Mme de Grignan pour la Provence, où son mari a été nommé lieutenant général.

1694

Mme de Sévigné quitte la Bretagne pour s’installer définitivement chez sa fille au château de Grignan.

1696

Mort à Grignan (17 avr.), l’année même où la fille de Bussy-Rabutin publie, avec les Mémoires de son père, six lettres de Mme de Sévigné.

1725

Première édition des Lettres (31 lettres).

Les éditions

1861-1867

Éditions Monmerqué, achevée par Adolphe Régnier : Lettres de Mme de Sévigné, de sa famille et de ses amis (Hachette, « les Grands Écrivains de la France », 14 volumes complétés en 1876 par 2 volumes publiés par Charles Capmas, qui avait découvert en 1873 une nouvelle copie).

1953-1957

Éditions Émile Gérard-Gailly (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 3 vol.).

1971-1976

Tomes I à III de l’édition Roger Duchêne (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »).

Séville

En esp. Sevilla, v. d’Espagne.



La situation

Capitale de l’Andalousie*, Séville est la quatrième ville d’Espagne par sa population, estimée en 1970 à 548 072 habitants (655 000 hab. pour l’ensemble de l’agglomération). Sa croissance rapide, qu’explique la désertion des campagnes andalouses, est disproportionnée avec le développement de ses activités. C’est que la situation de la ville n’offre pas que des avantages.

Séville occupe la position classique d’un port de mer à l’intérieur des terres : située à 120 km de l’embouchure du Guadalquivir, elle s’est établie à l’amont des Marismas, là où un pont pouvait aisément enjamber le fleuve, qu’anime encore de façon sensible la marée. C’est aussi en ce point que se croisent l’axe de circulation est-ouest de la plaine du Guadalquivir, que prolonge vers l’ouest la route de Huelva (via Augusta des Romains), et l’axe sud-nord, qui de Cadix gagne l’Estremadure et les deux Castilles. Enfin, Séville est au centre d’une riche région agricole, dont les productions, les huiles et les vins principalement, ont toujours entretenu un courant d’exportation notable.