Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

services publics (suite)

Gestion par des organismes privés

Depuis longtemps, les particuliers sont mêlés à la gestion des services publics. D’une façon indirecte, les citoyens sont intéressés à la gestion de la collectivité* locale (élections locales, concertation, participation). Mais il est arrivé également que l’Administration fasse participer directement les citoyens à la gestion du service public.

• La concession. La concession est « le contrat par lequel une personne administrative charge une autre personne (le concessionnaire) de gérer un service public à ses risques et périls et en percevant un prix sur les usagers » (J. de Soto). Elle n’est pas toujours confiée à un particulier : elle peut être accordée à une société d’économie mixte, c’est-à-dire à une société dont une partie du capital est détenue par une ou plusieurs personnes publiques (c’est le cas de la S. N. C. F., d’Air France, etc.). La concession peut également être accordée à un établissement public. C’est le cas du service public de la distribution de l’électricité et du gaz, assuré depuis la nationalisation de 1946 par E. D. F. et G. D. F. L’Administration intervient pour accorder une concession dans les cas où il y a une concurrence trop poussée dans un certain domaine, afin de protéger le service public, ou au contraire dans les cas où le gestionnaire n’assurerait pas le service qu’il doit assurer.

• Gestion par des organismes privés dans un cadre autre que la concession. Plusieurs conditions sont exigées pour une telle gestion.
— Il faut qu’il s’agisse d’un service public, ce qui suppose une intervention de l’Administration, qui peut être manifestée par une loi, un acte administratif ou plus fréquemment un contrat*. C’est notamment le cas dans l’affaire Époux Berlin (20 avr. 1956) [à la Libération, les époux Bertin s’étaient engagés à héberger des ressortissants soviétiques par un contrat verbal avec le chef du centre de rapatriement].
— Il faut que l’Administration confère à la personne privée la maîtrise réelle du service public. Une simple collaboration au service est insuffisante pour qu’il y ait une gestion de service public. Il importe que des prérogatives de droit public soient conférées aux organismes privés (qui sont normalement régis par les règles du droit privé), c’est-à-dire que ceux-ci bénéficient de certains pouvoirs d’ordre administratif.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, un nouveau type de service public est apparu, qu’on qualifie généralement de service corporatif ou professionnel. Il s’agit des services publics d’économie dirigée (arrêt Monpeurt, 31 juill. 1942) et des services publics de discipline professionnelle, plus connus sous le nom d’ordres professionnels (ordre des avocats, ordre des architectes, ordre des médecins). [V. professionnelles (organisations).] Leur activité a le caractère de service public. Leur structure est corporative. Ces organismes bénéficient de prérogatives de droit public et sont soumis à un régime juridique mixte relevant en partie du droit privé.

D. N.

➙ Administration / État / Nationalisation.

 J. Chevallier, le Service public (P. U. F., 1971). / E. Pisier-Kouchner, le Service public dans la théorie de l’État de Léon Duguit (L. G. D. J., 1972). / J. Du Bois de Jaudusson, l’Usager du service public administratif (L. G. D. J., 1974).

servitude

Charge imposée sur un bien* pour l’usage et l’utilité d’un autre bien appartenant à un propriétaire différent.



Introduction

La servitude est parfois appelée servitude foncière, servitude prédiale ou servitude réelle. Ces divers qualificatifs attirent l’attention sur le fait que la servitude pèse sur un fonds immobilier au profit d’un autre fonds immobilier : en effet, la servitude apparaît comme un rapport de droit entre un fonds « servant » (celui qui doit le « service », d’où le nom de servitude) et un fonds « dominant » (celui qui profite de la servitude, qui « domine » l’autre fonds) ; la personnalité des propriétaires est indifférente, et les deux fonds doivent appartenir à des propriétaires distincts. Par exemple, lorsqu’un terrain appartenant à une personne se trouve « enclavé » dans un fonds appartenant à une autre personne, la loi fait peser sur le second fonds une servitude de passage au profit du premier, qui pourra être utilisée par tous les propriétaires successifs de celui-ci. Parce que la servitude est un droit attaché à un bien immobilier, ce droit va profiter à quiconque devient propriétaire ou usufruitier du fonds dominant : ce droit constitue un accessoire de la propriété du fonds dominant (dont il ne peut être détaché) et est un droit perpétuel (destiné à durer en principe aussi longtemps que le fonds dominant lui-même).

Les servitudes sont d’une utilité pratique incontestable, car elles facilitent la mise en valeur économique des biens immobiliers dont l’usage, sans elles, pourrait être considérablement restreint.


Classifications

• Si on cherche à classer les servitudes en fonction de leur mode d’établissement, on distingue les servitudes qui résultent de la situation naturelle des lieux (exemple : servitude d’écoulement des eaux), les servitudes établies par la loi (exemple : distance des plantations), les servitudes créées par le juge (exemple : servitude de cours communes) et les servitudes établies par la volonté des propriétaires (dont la variété n’est limitée que par l’imagination de ceux-ci).

• Si on classe les servitudes en fonction de leur objet, on oppose les servitudes rurales, établies pour l’usage d’un fonds de terre, et les servitudes urbaines, établies pour l’usage des bâtiments (que ceux-ci se trouvent en ville ou à la campagne, d’ailleurs).

• La classification des servitudes peut également découler de leur mode d’exercice. De ce point de vue, on peut opposer d’abord les servitudes continues et les servitudes discontinues. Les premières sont susceptibles de recevoir « continuellement » application sans participation réelle de l’homme, tandis que les secondes supposent une participation du propriétaire du fonds dominant : par exemple, la servitude d’écoulement des eaux de pluie est une servitude continue (bien que la pluie soit intermittente), tandis que la servitude de passage est une servitude discontinue. Mais on peut encore classer les servitudes en servitudes apparentes (qui se manifestent par des signes « extérieurs » [exemple : servitude d’aqueduc]) et servitudes non apparentes, que rien ne signale a priori (exemple : servitude de ne pas bâtir).