Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

service national (suite)

Les besoins en personnel de cette nouvelle infrastructure civile de défense, distincte des armées mais orientée vers la même finalité, conduisent à étendre la notion de service « militaire » a celle de service « national » englobant l’ensemble des obligations militaires et civiles imposées aux personnes pour faire face aux exigences de la défense de la communauté nationale. Cette évolution s’est traduite pour la première fois dans l’ordonnance sur la défense du 7 janvier 1959 créant un service national qui comprend lui-même un service militaire et un service de défense, destiné à satisfaire les besoins de protection des populations civiles.

Ces principes ne peuvent toutefois recevoir leur application qu’après la fin de la guerre d’Algérie (1962), à une époque où l’ensemble de la politique française de défense se trouve transformé par la création, en 1960-1964, d’une force nationale nucléaire stratégique (v. République [Ve], politique de défense). C’est dans ces conditions qu’est adoptée, à titre expérimental, la loi du 9 juillet 1965 précisant les conditions d’application du service national. À côté du service militaire (ramené à seize mois d’activité) et du service de défense apparaissent deux nouvelles formes du service national, l’aide technique au bénéfice des départements et territoires français d’outre-mer et la coopération en faveur des pays étrangers qui en font la demande.

Parmi les appelés du service national, ceux du service militaire demeurent pourtant de beaucoup les plus nombreux dans une armée dont l’équilibre structurel et moral vient d’être bouleversé par la guerre d’Algérie. Au moment où se développe la force nucléaire stratégique, la place, la forme et la finalité des armées donnent lieu à de nombreuses discussions. Dans un monde particulièrement instable où, depuis 1967, la politique d’équilibre concertée des supergrands américain et soviétique s’appuie sur des forces militaires d’une puissance encore inégalée, comment situer la défense et l’appareil militaire français ? Est-il possible et souhaitable de réduire l’armée à un corps d’engagés capable de mettre en œuvre un armement de plus en plus complexe et coûteux, mais dont la spécialisation se limiterait à l’aspect strictement technique de la défense ? Ou bien, compte tenu de l’importance sans cesse accrue de la participation de la nation à sa protection et de l’extrême diversité des missions militaires et civiles accomplies par le service national, ne convient-il pas de maintenir une armée comprenant à la fois des professionnels, des jeunes du contingent et des réserves ?

Cette dernière option, pour laquelle le Parlement et une majorité de l’opinion semblaient marquer leur préférence, supposait une refonte des modalités d’exécution du service national. Il fut décidé d’y associer (notamment de 1968 à 1970) les représentants des mouvements de jeunesse qui siégeaient à la Commission armées - jeunesse créée en 1955 dans le cadre du ministère des Armées. C’est en suivant ses suggestions, notamment sur l’âge d’appel et la suppression des sursis, que sera élaborée la loi du 9 juillet 1970, dite « loi Debré » (du nom du ministre). Votée à la quasi-unanimité, elle consacrait les quatre formes du service national, réduisait pour le service militaire les obligations d’activité à douze mois, laissait le choix aux jeunes d’une incorporation entre 18 et 21 ans, mais supprimait l’octroi de sursis dont la pratique avait été jugée abusive et les remplaçait partiellement par des reports d’incorporation. Dans un dessein de clarté et de simplification, le gouvernement décidait alors de remplacer les innombrables textes traitant des services militaire et national par un document unique, le Code du service national, promulgué comme loi le 10 juin 1971 et complété par un décret d’application le 31 août 1972.

Cet édifice est pourtant remis en cause en 1973, date où la suppression des sursis, devenue effective, provoque une vive protestation parmi les étudiants et les lycéens. Les manifestations publiques qui suivent amènent le Parlement à voter la loi du 10 juillet 1973 qui, tout en maintenant le principe de la suppression des sursis, étend l’âge d’incorporation de 21 ans à 22 ans et libéralise l’octroi des reports d’incorporation.

Après son élection en 1974, le président V. Giscard d’Estaing affirme son attachement à la solution d’un service national égal et universel de douze mois. Des manifestations d’appelés du contingent (Draguignan, sept. 1974 ; Karlsruhe, janv. 1975) soulignent toutefois l’existence chez eux d’un malaise qui met en cause les formes plutôt que le principe du service national ; sur ces problèmes la majorité comme l’opposition sont elles-mêmes divisées.


Le Code du service national

Tant dans sa partie législative que réglementaire, le Code du service national s’articule en cinq titres principaux, dont on trouvera ci-après une analyse sommaire.

• Le titre premier donne la définition et les principes du service national. Ce dernier est universel. Tous les citoyens français ainsi que les étrangers sans nationalité et ceux qui bénéficient du droit d’asile y sont assujettis de 18 à 50 ans. Il revêt quatre formes : le service militaire, le service de défense, le service d’aide technique et le service de la coopération. Toutes comprennent des obligations d’activité et des obligations de réserve. Les premières comportent d’abord un service actif de douze mois dont la durée est doublée pour les objecteurs de conscience et pour les condamnés, ou portée à seize mois pour les jeunes gens affectés aux services de l’aide technique et de la coopération ainsi que pour les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les vétérinaires et certains scientifiques. Dans les réserves sont prévues des périodes d’exercice d’un mois au maximum chacune et dont la durée totale ne peut excéder six mois. Certains jeunes gens, comme les pupilles de la nation et les soutiens de famille par exemple, sont dispensés des obligations du service national actif.