Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sénescence (suite)

Cette adaptation dépend beaucoup de la personnalité antérieure, de son épanouissement social, des richesses naturelles ou acquises du psychisme. « On vieillit comme on a vécu », et le « bien-vieillir » nécessite des réajustements importants dans l’organisation de l’existence et dans les intérêts affectifs. Il faut que l’Homme accepte son troisième âge, regroupe ses forces et ses activités dispersées pour une nouvelle tâche proportionnée à ses moyens. L’inactivité complète n’est jamais souhaitable. De plus, malgré l’affaiblissement des performances, tout n’est pas négatif dans cet âge avancé : le jugement peut être très longtemps très bien conservé et même s’affirmer grâce à l’expérience passée et à la réflexion que permet le retrait des batailles existentielles de la vie sociale. La sagesse et la lucidité de certains vieillards ne sont pas un mythe. Quoi qu’il en soit pour le « bien-vieillir », le rôle de l’entourage est capital.

On rencontre fréquemment, surtout au début de la sénescence, des réactions de « non-occupation » : dépression, angoisse, sentiments d’échec et d’insatisfaction avec repli sur soi. Parfois certains sujets veulent méconnaître systématiquement tout vieillissement, refusent d’abdiquer et se surmènent. D’autres se révoltent et deviennent agressifs à l’égard de la jeunesse.

Ces réactions appartiennent à des individus dont la personnalité était déjà morbide, rigide et enlisée dans un égocentrisme névrotique ou dans une méfiance étriquée. Ces vieillards inadaptés et malheureux ont généralement accumulé durant leur vie d’adulte des erreurs et fait une sorte de vide affectif autour d’eux. Un comportement possessif et tyrannique, le refus d’ouverture au monde et, pour certains, la fuite devant l’effort ou les responsabilités de l’âge productif sont autant de conditions défavorables qui pèsent lourdement dans le déséquilibre et le malaise d’une existence finissante.


Troubles neuropsychiatriques de la sénilité

Les troubles mentaux dominent largement l’état sénile par leur importance et leur retentissement sur le comportement social. Ils s’expliquent par une déchéance progressive des cellules cérébrales avec atrophie du cortex et de la substance blanche, et consistent dans la plupart des cas en un affaiblissement démentiel progressif de la personnalité, surtout des fonctions intellectuelles. Il s’agit de la démence sénile, trouble grave d’évolution inexorable, beaucoup plus profond que le simple affaiblissement banal des facultés que l’on note chez nombre de vieillards. Les lésions cérébrales responsables de la démence sénile peuvent être soit pures, à type de dégénérescence cellulaire, soit vasculaires, par artériosclérose des vaisseaux cérébraux avec de multiples foyers de ramollissement dans le système nerveux, ou encore mixtes, à la fois par dégénérescence primitive des cellules et par artériosclérose. Il n’existe aucun traitement connu capable d’empêcher le déroulement implacable de ces lésions. Cette démence apparaît généralement à partir de soixante-cinq ou de soixante-dix ans. Sa fréquence augmente actuellement à la mesure de la plus grande longévité de la population. Elle pose un problème socio-économique préoccupant, car les conditions de la vie moderne dans les villes rendent les familles de moins en moins capables de tolérer leurs vieillards déments ou détériorés, souvent agités, turbulents ; d’où les internements de plus en plus nombreux pour démence sénile.

Parmi les psychoses de la sénilité, signalons l’existence d’états dépressifs mélancoliques (dits « d’involution »), maniaques, de délires chroniques à thème de persécution ou de préjudice (paranoïa d’involution). Ces psychoses peuvent survenir sur un fond intellectuel plus ou moins détérioré, parfois apparemment intact, mais précédant habituellement l’installation de la démence proprement dite.

Il faut souligner que les troubles mentaux graves de la sénilité semblent aggravés par la misère, le surmenage, l’alcoolisme, les déficiences et carences nutritionnelles, l’isolement affectif, des traumatismes physiques (accidents, interventions chirurgicales, maladies infectieuses), des chocs affectifs, des situations d’abandon, des déceptions, etc.

Il faut que les vieillards aient des conditions décentes d’existence matérielle (retraite, pension), qu’ils soient soutenus par leur entourage et qu’ils ne sombrent pas dans l’inactivité totale, qui est aussi pernicieuse qu’un travail trop prolongé et trop pénible.

Le maintien en collectivité est nécessaire, mais avec des conditions de logement acceptables.

Les complications psychiatriques de la sénilité (psychoses séniles, troubles caractériels graves, états dépressifs et démences) nécessitent souvent une hospitalisation visant, d’une part, à faire un bilan psychique et, d’autre part, à établir un traitement, en sachant que ce dernier n’empêchera guère l’affaiblissement intellectuel de progresser plus ou moins vite vers la démence terminale. On peut utiliser, en cas d’agitation, les médicaments neuroleptiques à petites doses (car les sujets séniles se montrent fragiles et très sensibles à ces drogues), les tranquillisants pour lutter contre l’anxiété, les antidépresseurs, de manière prudente et modérée, pour corriger les éléments dépressifs. Parfois, les électrochocs sont nécessaires. Tous ces traitements agissent bien sur l’humeur, l’émotivité, l’anxiété, l’agressivité et l’agitation, mais ils se montrent peu efficaces pour lutter contre les troubles de la mémoire, de l’attention et contre le ralentissement psychique. En revanche, les vitamines, les vaso-dilatateurs, les hormones peuvent améliorer le rendement de l’intelligence, la concentration mentale, l’éveil ou la lucidité, mais certains de ces médicaments peuvent donner des états d’agitation, et on n’obtient qu’une amélioration d’un processus morbide irréversible par ailleurs.

G. R.