Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sénégal (suite)

L’histoire

Le Sénégal, dans ses frontières actuelles, est une création de la seconde moitié du xixe s., c’est-à-dire, en fait, de la période coloniale. Alors furent réunis, sous un même gouvernement siégeant à Saint-Louis, les Ouolofs* et les Sérères* de la façade côtière, les Toucouleurs* de la rive gauche du fleuve Sénégal, les Diolas et les Balantes du Casamance, les Mandingues (ou Malinkés*), les Bassaris et les Sarakollés du Sénégal oriental. Tous ces peuples, disposés autour du désert central du Ferlo, parcouru par des Peuls*, étaient parvenus à des degrés divers d’organisation politique.

L’occupation humaine est ancienne, comme en témoignent d’abondants gisements paléolithiques et néolithiques, les mystérieux mégalithes du Saloum et des tumuli ayant fourni du très beau matériel.


Les royaumes sénégalais

Au xive s. apr. J.-C., le pays était englobé dans l’empire du Mali*. Il existait déjà des États, dont les traditions orales ont conservé le souvenir. L’islām aurait touché les Toucouleurs du royaume de Tekrour dès l’époque des Almoravides (xie s.), mais, en 1776, ce fut au nom du Prophète qu’Abdul-Kader renversa la dynastie des Deniankés, fondée au xvie s. par Koli Tenguéla, et devint almamy, chef religieux et politique, des Toucouleurs. Le pays ouolof, un moment unifié, se disloqua au xvie s. en quatre royaumes, tardivement et peu islamisés : Dyolof, Oualo, Cayor et Baol. Vers la fin du xve s. apparurent les royaumes sérères de Sine et de Saloum, tandis que les Diolas et leurs voisins ainsi que les Bassaris ne connaîtront pas avant la fin du xixe s. d’unité politique dépassant le cadre du village et demeureront purement animistes.


Au temps des comptoirs

En 1444, les Portugais apparurent sur la côte, où ils fondèrent des comptoirs (Rufisque, Portudal, Joal). Puis arrivèrent les Hollandais, qui s’emparèrent de Gorée au début du xvie s., les Anglais, qui s’installèrent sur la Gambie, et les Français, qui fondèrent Saint-Louis, dans une île du Sénégal, en 1659. Jusqu’à la fin du xviiie s., les gouvernements européens abandonnèrent l’initiative à des compagnies commerciales, auxquelles ils conféraient un privilège. Des comptoirs fortifiés servaient de points d’appui à la traite, c’est-à-dire au commerce d’exportation, qui portait principalement sur l’ivoire, sur la gomme (la gomme arabique, longtemps indispensable à l’apprêt des étoffes), sur les esclaves et, secondairement, sur l’or et sur les peaux. Les compagnies étaient entraînées dans les guerres que se livraient leurs États respectifs. Saint-Louis fut anglais de 1693 à 1697, de 1758 à 1778 et de 1809 à 1817. Gorée, acquise par la France en 1677-78, subit le même sort.

Alors que les marchands européens, enfermés dans les forts côtiers, s’en remettaient habituellement à l’intermédiaire des tribus courtières, les Français, au temps d’André Brüe (directeur du Sénégal de 1697 à 1720), remontèrent le fleuve jusqu’au pays de Galam (région de Bakel). Ils fondèrent à proximité des placers de la Falémé les forts Saint-Joseph et Saint-Pierre, qui furent fréquentés jusqu’à la fin du siècle.

Au traité de Paris (1814), les Anglais restituèrent à la France, qui n’en reprit effectivement possession qu’en 1817, les établissements qu’elle possédait sur la côte occidentale d’Afrique en 1783. C’étaient essentiellement Saint-Louis et Gorée, qui comptaient alors ensemble une dizaine de milliers d’habitants : quelques Européens, fonctionnaires, militaires et négociants ; une bourgeoisie locale de métis, les « habitants », traitants et propriétaires fonciers, catholiques de religion ; des Noirs libres ; enfin des captifs, artisans et serviteurs (dont le sort sera peu changé par l’abolition de l’esclavage en 1848). Les vastes plans de colonisation, conçus par le gouvernement de la Restauration pour faire pousser le coton, la canne et l’indigo sur le continent africain ayant échoué, l’économie du Sénégal reposa jusqu’au milieu du siècle sur la traite de la gomme, achetée par les traitants saint-louisiens aux conditions imposées par le vendeur maure. Gorée déclinait, son commerce, tourné vers la Petite Côte (au sud du cap Vert) et les rivières du Sud, n’ayant pas trouvé de substitut à la traite des esclaves.


La formation territoriale du Sénégal

Préconisée par L. E. Bouet-Willaumez (gouverneur de 1842 à 1844), l’expansion territoriale fut l’œuvre de Faidherbe* (1854-1865). Il dégagea le Bas-Sénégal de la pression maure, bloqua sur le haut fleuve l’avance vers l’ouest du chef musulman El-Hadj Omar (1857, défense du poste de Médine par le Saint-Louisien Paul Holle), assura par le Cayor la liaison de Saint-Louis avec l’établissement de Dakar fondé par l’amiral Protet en 1857, établit, grâce au poste de Kaolack, l’influence française sur le Sine et le Saloum, et la consolida sur les rives de la Casamance. Le Sénégal avait cessé d’être un comptoir pour devenir une colonie. Il fut divisé en circonscriptions confiées à des commandants de cercle aux compétences quasi illimitées.

L’expansion territoriale reprit en 1879. Elle devait aboutir à la constitution du vaste ensemble de l’Afrique-Occidentale française. La conquête du Sénégal fut achevée. Les souverains qui n’acceptaient pas de bon gré de se soumettre à une protection de plus en plus lourde furent vaincus (Lat-Dior, damel du Cayor, fut tué au combat en 1866 ; Ali Boury N’Diaye, bourba dyolof, s’enfuit au Soudan pour continuer la lutte en 1890 ; etc.).

L’abandon par la France, en 1857, du vieux comptoir d’Albreda, sur la Gambie, fut le prélude de la constitution de la colonie britannique, qui fut délimitée par des accords de 1889. Par contre, les Portugais, en cédant Ziguinchor en 1886, abandonnaient la Casamance à la seule influence française. Les Rivières du Sud (Guinée) et le Soudan ayant cessé de dépendre de Saint-Louis pour être érigés en colonies, le Sénégal, peu après 1890, était constitué dans ses frontières actuelles (196 722 km2).