Architecte et théoricien allemand (Hambourg 1803 - Rome 1879).
La recherche d’une architecture propre à exprimer une société en pleine évolution industrielle ne pouvait se contenter, en Europe centrale comme ailleurs, des symboles romains ou grecs de l’académisme. Schinkel*, déjà, avait évolué vers un certain éclectisme* ; Semper devait être le plus illustre représentant d’une période féconde en expériences, encore incapable de trouver sa raison d’être en elle-même.
Après avoir étudié le droit à l’université de Göttingen, Semper se consacre à l’architecture. On le trouve à Munich chez Friedrich Gärtner (1792-1847), puis à Paris chez François Gau (1790-1854). Auprès du futur architecte de Sainte-Clotilde (élevée dans le style de la cathédrale de Cologne), auteur des Antiquités de la Nubie, Semper retrouve deux autres compatriotes, Jacques Ignace Hittorff (1792-1867) et Charles Zanth (1796-1857), académistes eux aussi et préparant en commun une Architecture moderne de la Sicile. D’un voyage d’étude en Italie et en Grèce, où il a vérifié les remarques d’Hittorff sur la polychromie, il rapporte à Hambourg de quoi publier en 1834 des Observations sur l’architecture et la sculpture peintes des Anciens.
Nommé professeur à Dresde, il dénonce avec vigueur dans ses cours la servile imitation académique comme l’utilisation inconsidérée des modèles de tous âges et de tous pays. Il élève dans cette ville une synagogue avec son mobilier, un hôpital, etc., et montre sa préférence pour le quattrocento florentin à l’Opéra (1838-1841, détruit en 1869, mais sur l’emplacement duquel un second Opéra sera édifié de 1871 à 1878 d’après de nouveaux plans de Semper) et à la Pinacothèque (1847-1854), selon l’exemple donné par Gärtner six ans plus tôt à la Bibliothèque de Munich.
Compromis en mai 1849 dans le mouvement révolutionnaire, il doit s’exiler. On le retrouve à Paris — il publie alors la Polychromie et ses sources —, puis à Londres, où il sera chargé d’aménager South Kensington. Fixé ensuite à Zurich, où il obtient une chaire à l’université, il édite en 1860 le Style, son ouvrage principal, et bâtit l’Observatoire, l’École polytechnique, etc. Lorsque Louis II de Bavière donne à Richard Wagner*, autre proscrit de 1849, les moyens d’élever un théâtre lyrique à Munich, c’est Semper qui en donne les plans (1866). Jamais réalisés, ceux-ci influenceront cependant Wagner dans la construction du théâtre de Bayreuth.
L’aménagement, décidé en 1859, des fortifications de Vienne, le Ring, va permettre aux Autrichiens d’appliquer l’enseignement de Semper. Lui-même, appelé en arbitre, propose ses plans et choisit le plus jeune des concurrents, Karl von Hasenauer (1833-1894), pour le seconder dans la réalisation des musées (1871-1882) du Burgtheater (1873-1888) et de la nouvelle Hofburg (1871-1914). Il y introduit une certaine souplesse et une nouvelle échelle, avec une faveur marquée pour l’ordre colossal sur un haut soubassement.
Semper a préféré à la rigueur académique un art plus contrasté ; en wagnérien, il recherchait le Gesamtkunstwerk, l’œuvre d’art complète. Il entendait, sans exclure aucun style, n’en retenir que la période de perfection « classique », tel le xiiie s. pour le gothique ; mais montrait un goût marqué pour la Renaissance italienne, au mépris des tendances nationalistes, qui lui opposeront jusqu’à l’excès le retour au passé germanique. C’est surtout dans le domaine théâtral qu’il s’est montré précurseur. En remplaçant le plan traditionnel par une salle en segment de cercle avec cavea, courbe imitée de l’antique, il établit de nouveaux rapports entre acteurs et spectateurs, et amorça les réalisations du xxe s.
H. P.
C. Zoege von Manteuffel, Die Baukunst Gottfried Sempers (Fribourg, 1952). / M. Fröhlich, Gottfried Semper, Zeichnerischer Nachlass an der E. T. H. Zürich (Bâle et Stuttgart, 1974).