Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sculpture (suite)

Une statue privée de ses deux tiers inférieurs au moins est appelée buste, même quand il s’agit de la tête seule. En général, à la tête s’ajoutent le cou, une partie des épaules et de la poitrine. Certains bustes avec des bras sont dits à mi-corps. Quand le bas du corps est remplacé par un bloc géométrique d’où semble surgir le buste, on se trouve devant un terme ou encore devant un buste en hermès.

Les dimensions permettent de nouvelles distinctions entre colossal (nettement plus grand que nature), nature, demi-nature, la petite nature étant intermédiaire entre la nature et la demi-nature.

Quand une sculpture reste tributaire d’un fond d’où se détache un certain nombre de saillies plus ou moins prononcées, on a affaire à un relief. Il peut arriver que le fond soit troué, éliminé par endroit : c’est le cas du « transparent » de la cathédrale de Tolède, mais aussi, dans la petite sculpture, de beaucoup de plaques d’ivoire.

L’importance de la saillie par rapport au fond (le cas du simple dessin gravé étant mis à part) permet de distinguer plusieurs sortes de reliefs. Quand les deux plans, celui du fond et celui de la surface, sont parallèles, on a un relief méplat. Les sculpteurs du quattrocento ont mis au point un relief aplati, où les saillies sont souvent réduites à de simples griffures du fond, tout en donnant de surprenants effets de profondeur : c’est le schiacciato. D’une façon générale, on considère que le terme générique de bas-relief correspond à une saillie ne représentant proportionnellement que le quart du volume de l’objet ou de la figure reproduite. Le demi-relief correspond à un rapport de moitié. Le haut-relief est presque de la ronde-bosse, les objets ou personnages étant en forte saillie et presque indépendants du fond. La frontière avec la ronde-bosse est ici ténue, et ce genre de sculpture lui est parent par sa nature et sa recherche d’effets.

La nature propre et profonde, l’originalité du bas-relief sont au contraire de donner l’illusion de la profondeur, et sa réussite suprême est de dégager l’impression de plusieurs plans, c’est-à-dire de créer vraiment une notion d’espace diversifié. Là encore, les grands maîtres du quattrocento, en réinventant les lois de la perspective linéaire, ont permis au bas-relief des conquêtes décisives.

Les sculpteurs peuvent jouer avec les différents modes de relief, les utiliser tous à la fois dans la même œuvre pour atteindre plus sûrement à l’illusion d’un espace à plusieurs plans. Les personnages et objets de premier plan seront alors traités en haut relief, les paysages à l’horizon ou au lointain simplement gravés sur le fond, avec pour le reste de la composition toutes les gradations intermédiaires. Dans le cas de certains retables flamands (ou encore dans les crèches napolitaines), on peut y voir ajoutées de petites statues en premier plan. La couleur, ici, joue aussi un rôle important, même quand il y a simplement dorure, comme c’est le cas pour les portes de Ghiberti au baptistère de Florence. On a pu parler de « reliefs picturaux » et reprocher à ces œuvres de mélanger deux formes d’expression artistique au mépris de leur essence propre et au détriment de la qualité artistique : grief parfois excessif.

Il serait injuste de passer entièrement sous silence une sorte de sculpture qui présente l’inconvénient de ne pas durer : nous voulons parler des éléments sculptés en matières légères — tissu, carton, papier — qui sont employés dans les décors (fêtes, pompes funèbres, théâtre). L’importance tant quantitative que qualitative de cette sculpture éphémère était certes plus grande autrefois, dans les civilisations monarchiques. Une telle production, confiée parfois à de vrais sculpteurs et souvent fort élaborée, n’a pas manqué d’influencer l’évolution de l’art du relief et du décor.


Les genres

Il paraît assez artificiel de prétendre distinguer des genres, tout au moins jusqu’aux temps modernes. Les deux grandes divisions : art sacré, art profane, ne s’appliquent guère au début, puisque tout est religieux, toute sculpture présente une image de la divinité ou joue un rôle magique. Il en est ainsi bien évidemment des sphinx de l’ancienne Égypte, mais aussi des kouroi de la Grèce archaïque, et l’on sait que les statues de la Grèce classique sont presque toujours religieuses par nature ou par destination. On parviendrait aux mêmes conclusions dans les autres civilisations, chinoise, japonaise, indienne ou américaine. Les étonnants bas-reliefs érotiques des temples de l’Inde sont encore d’essence sacrée.

Le Moyen Âge occidental est tout aussi voué à la sculpture religieuse : tympans et chapiteaux historiés des églises romanes, statues-colonnes, puis statues des porches gothiques, bas-reliefs des retables, tout ou presque est acte d’adoration ou sermon en image ; les sujets appartiennent à la Bible ou à la Légende dorée.

On peut même se demander si la sculpture qui semble échapper à cette emprise du religieux, dans l’Antiquité, c’est-à-dire le décor du palais, ne s’y rattache pas tout de même, tant il est vrai que la souveraineté porte le sceau du divin. Les lions, les dragons, les archers qui protègent la demeure du monarque assyrien sont autant d’exorcismes.

Une grande partie de la sculpture qui nous est parvenue est aussi de nature funéraire, car le mystère de la mort a toujours constitué pour l’homme un thème de fascination ; et cette sculpture funéraire est encore essentiellement de nature religieuse. La majeure part de l’apport égyptien et mésopotamien provient des tombeaux, quand ce n’est pas des temples. Or, la sculpture intervient de façon privilégiée dans l’art funéraire pour des raisons évidentes : qu’il s’agisse d’une effigie idéale ou de l’image du bienheureux ayant atteint les rives de l’éternité, ou encore du portrait commémoratif du défunt, cet art, se référant souvent à la notion d’éternité, fait appel à la troisième dimension afin de défier lui-même le temps en des œuvres aussi impérissables que possible. La religion égyptienne entoure le mort d’un luxe de prévenances, sur des bas-reliefs évoquant une vie bienheureuse, des festins, des libations. L’art funéraire est aussi à l’origine de la petite statuaire. On enfermait en effet dans les sépultures des figurines-amulettes, de vertu protectrice et magique. Sculpture monumentale et même colossale, statuaire et reliefs de toutes sortes, art du portrait : on voit l’importance primordiale de l’art funéraire pour la sculpture et l’histoire de son développement, sa diversité aussi puisqu’il s’agit de s’adapter aux croyances variées. L’Égypte lègue le type du sarcophage, dont la forme changera dans la civilisation gréco-romaine pour devenir un des supports principaux de l’art du bas-relief. La Grèce et Rome utilisent la stèle, et, dans l’Empire romain, un art du portrait plein de vérité y trouve son champ d’application. Le Moyen Âge reçoit l’héritage de ces diverses formes et types, y ajoute la tombe, sous forme de dalle gravée, puis sculptée, ensuite support du gisant, qui deviendra un véritable portrait en haut relief. Le gisant peut être doublé ou remplacé par la figure de l’orant ; plus près de nous, il se soulève et devient le type du « défunt accoudé », très en vogue au xviie s. Jusqu’à nos jours, l’hommage rendu au mort, proche du culte, le besoin si humain du souvenir ont donc été les justifications de monuments parfois spectaculaires et complexes (en fonction de la hiérarchie sociale), où toujours la sculpture, aussi bien en ronde bosse qu’en bas relief, intervient de façon essentielle pour ne pas dire unique.